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ORDONNANCE 2019 N° 038

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DOSSIER N° 939/2018 RC 1041/2018

ORDONNANCE N° 038

 

 

L’an deux mil dix-neuf et le trente janvier ;
Nous, Mme RAMANANDRAITSIORY Miharimalala, Président du Tribunal de Commerce d’Antananarivo, siégeant au Palais de Justice de ladite ville en son audience publique des référés commerciaux,
Assistée de Me RATSIMBAZAFY Christiane, GREFFIER Oui la requérante en ses demandes, fins et conclusions, Oui la requise en ses défenses, fins et moyens,
Tous droits et moyens des parties expressément réservés ;

FAITS ET PROCEDURES:
Par exploit d’huissier en date du 24 décembre 2019, à la requête de la Société MENAKAO MADAGASCAR CHOCOLATE SA représentée par son Administrateur Général, ayant son siège social au lot II M 35 GF Androhibe Antananarivo, ayant pour conseils Mes Hanta ANDRIANARIJAONA et Tojo Maminiaina ANDRIAMBOLOLONA, assignation à bref délai a été servie à la BOA MADAGASCAR, ayant son siège social au 02 Place de l’Indépendance Antaninarenina Antananarivo, ayant pour conseil Me Eléonore RAKOTONATOANDRO RASOANOROMANANA d’avoir à comparaître devant le Tribunal de commerce de céans pour s’entendre statuer sur la discontinuation des poursuites de la vente aux enchères publiques prévue le 26 décembre 2018 ainsi qu’ordonner l’exécution sur minute de la décision à intervenir ;
Aux motifs de sa demande, par le truchement de ses conseils Mes Hanta ANDRIANARIJAONA et Tojo Maminiaina ANDRIAMBOLOLONA, la requérante expose qu’elle a contracté deux différents prêts avec deux échéances différentes et auxquels deux garanties distinctes ont été affectés ;
Que la banque a, par mise en demeure signifiée à sa cliente le 25 octobre 2018, consolidé les deux prêts et réclamé par la même occasion les soldes débiteurs de deux compte courants ouverts au nom de la requérante ;
Elle prétend pourtant qu’une telle consolidation ne peut avoir lieu puisqu’il s’agit de deux contrats distincts, outre que ces prêts ont été comptabilisés hors compte courant selon l’article premier desdites conventions ;
Par ailleurs, la déchéance du terme ne fut pas prononcée concernant le premier prêt et le second prêt n’est pas encore arrivée à échéance, la banque s’empressant de réaliser les garanties affectant lesdits prêts, le premier étant le nantissement de matériels de fonds de commerce et second une affectation hypothécaire ;
Elle estime ainsi que l’urgence est justifiée pour arrêter les poursuites dans la mesure où l’exigibilité de la totalité de la créance devra être statué au fond alors qu’une vente aux enchères publiques aura des conséquences excessives sinon irrécupérables ;
En réplique aux plaidoiries du conseil de la requise sur la novation et l’affectation en compte courant suivant lettres signées par la requérante, la requise précise que lesdites lettres ne sont ni datées ni signées d’une part et d’autre part, elle attire l’attention du tribunal sur les cinq comptes qui ressortent de la lettre de mise en demeure alors que la banque prétend avoir tout comptabilisé sur un seul compte courant indivisible ;

En défense, par l’organe de son conseil Me Eléonore RAKOTONATOANDRO RASOANOROMANANA, la requise conclut au débouté de la demande et sollicite la continuation de la vente ;
Elle prétend que la cliente n’a pas respecté les échéances dans les conventions et son compte accusait ainsi un solde débiteur de 1.833.674.069,38 ariary, obligeant ainsi la requise à procéder à la réalisation des garanties ;
Elle argue que par deux lettres intitulées « lettre de convention de compte courant et « lettre générale de nantissement et de fusion de compte », dument signées par la requérante, cette dernière a expressément accepté que tous les sous comptes qu’elle avait ouvert auprès de la banque peuvent être fusionnés à tout moment pour se balancer en un solde exigible ;
En conséquence, les garanties particulières qui pourraient être affectées à une créance dans le compte courant s’appliquent au solde de ce compte et les deux prêts ont été ainsi comptabilisés sur un compte courant unique et indivisible devenant exigible à la clôture du compte ;
Elle avance ainsi que la requérante est de mauvaise foi et la vente doit continuer car même le tribunal des référés civils s’est déjà déclaré incompétent en la matière ;
Vu toutes les pièces du dossier ;

DISCUSSION:
Sur le chef de demande de discontinuation des poursuites:
En premier lieu, il ressort de l’article premier de la convention de prêt avec nantissement de fonds de commerce étendu aux matériels que le prêt de 883.363.000 ariary contracté par la requérante est stipulé hors compte courant ;
Il en est de même pour le second prêt du 25 janvier 2016 avec affectation hypothécaire d’un montant de 2.124.000.000 ariary en son article premier ;
Les termes « stipulés hors compte courant » ne prêtent à aucune ambigüité quant à la comptabilisation hors compte courant de ces prêts qui échappent ainsi au principe de l’indivisibilité du compte et de la novation de ces comptes en articles du compte-courant ;
Ces termes ne peuvent pas également interprétés comme la comptabilisation sur un sous- compte du compte courant comme le soutient la requise en ce sens où un sous-compte est une ventilation du compte-courant, alors qu’une fois comptabilisés hors compte courant, ces prêts sont ainsi régis par leur convention distincte qui tiennent de loi entre les parties ;
Par ailleurs, bien que la requise excipe les lettres intitulées « lettre de convention de compte courant et « lettre générale de nantissement et de fusion de compte » pour soutenir que lesdits prêts sont comptabilisés sur un compte courant indivisible et ne constitue que des opérations de sous comptes et articles du compte courant, les opérations comptabilisées sur ce compte courant y sont spécifiées en ces énumérations : « dépôts et retraits de fonds, transferts au bénéfice de tiers ou de nous-mêmes, ouverture de crédits documentaires ou non, achat et vente de devises, négociation et encaissement d’effets commerciaux, achat et vente de titres, fourniture d’avals, caution » ;
Que même si cette énumération n’est pas limitative selon la lettre de fusion de compte, l’objet des conventions de prêt litigieux est précis et distinct de ces énumérations en ce sens où le premier prêt fut contracté pour le financement partiel de l’acquisition de matériels de production de chocolat tandis que le deuxième prêt avec affectation hypothécaire a pour destination le paiement de loyer d’un bail emphytéotique, l’acquisition de matériels d’exploitation et les frais de formalisation ;
Cela confirme que ces prêts ne sont pas comptabilisés dans le compte courant ;
En second lieu, il ressort de l’exposé contenu dans la grosse n°362 du 26 avril 2017 que le nantissement de troisième rang sur le fonds de commerce est affecté en garantie du solde d’un compte courant ouvert suivant une convention portant n°1118 du 30 septembre 2011 ainsi dénommé « convention de compte courant avec nantissement de fonds de commerce en troisième rang » ;
L’exposé contenu dans la grosse n°1088 du 20 septembre 2012 stipule également que les parties affectent en garantie du compte courant ouvert suivant la « convention de compte courant avec nantissement de fonds de commerce en troisième rang » n°1118, le nantissement de quatrième rang sur le fonds de commerce ;

Ainsi, la convention de compte courant est garantie par un nantissement de fonds de commerce distinct en troisième et quatrième rang, tandis que le prêt d’un montant de 883.363.000 ariary est garanti par un nantissement de fonds de commerce en cinquième rang étendu sur les matériels ;
Ce qui corrobore qu’il s’agit de conventions de prêt stipulées hors compte courant, aussi ne pouvant pas être consolidées et comptabilisées en compte courant pour clôturer le compte ;
De tout ce qui précède, la mise en demeure et la signification du 25 octobre 2018, à l’origine des poursuites sur la réalisation du matériel garantissant le prêt de 883.363.000 ariary est fondée sur un titre contestable car les soldes des compte courant sont distincts des créances échues des deux conventions de prêt ;
Enfin, la banque entend réaliser des éléments corporels et matériels faisant partie du fonds de commerce alors que les articles 54 et suivants de la loi n° 2003 – 038sur le fonds de commerce disposent clairement que les créanciers inscrits exercent leur droit de suite et de réalisation conformément aux dispositions du chapitre VI de ladite loi, notamment par un jugement de vente et en tout état de cause, « il n’est procédé à la vente séparée d’un ou plusieurs éléments d’un fonds de commerce grevé d’inscriptions, poursuivie soit sur saisie-exécution, soit en vertu des dispositions du présent chapitre, que dix jours au plus tôt après la notification de la poursuite aux créanciers qui se sont inscrits quinze jours au moins avant ladite notification, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions.
Pendant ce délai de dix jours, tout créancier inscrit, que sa créance soit ou non échue, peut assigner les intéressés devant le tribunal de commerce dans le ressort duquel
s’exploite le fonds, pour demander qu’il soit procédé à la vente de tous les éléments du fonds, à la requête du poursuivant ou à sa propre requête, dans les termes et conformément aux
dispositions des articles 56 à 64 » ;
La réalisation, même avec un titre privé, est subordonné à l’intervention du tribunal de commerce et ne peut être procédé comme en matière de biens meubles avec une vente aux enchères direct par le commissaire-priseur ;
En effet, la liste des matériels publiés dans le journal aux fins de vente comprend des éléments du fonds de commerce, après comparaison des matériels avec les éléments du fonds nantis dans les conventions ;
La procédure de réalisation est donc manifestement illégale, il y a donc lieu d’ordonner la discontinuation des poursuites ;

Sur l a demande d’exéc uti on s ur minute :
Le cas de nécessité absolue visée par l’article 229 du code de procédure civile est caractérisé dans la mesure où les poursuites sont, comme précédemment exposé, basées sur un titre encore contestable et la procédure de réalisation est irrégulière et illégale puisqu’elle ne se conforme pas aux dispositions de la loi sur le fonds de commerce ;
Les conséquences d’une telle réalisation créant un péril plus qu’imminent pour la société requérante dont les matériels peuvent être vendus alors que les droits du créancier ne sont pas suffisamment établis, il y a lieu de faire droit à la demande ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé à bref délai commercial et en premier ressort;
Vu l’Ordonnance d’autorisation d’assigner à bref délai n°798/18 du 24 décembre

2018 ;

Ordonnons la discontinuation des poursuites de la vente aux enchères publiques

prévue le 26 décembre 2018 portant sur les matériels du fonds de commerce de la Société MENAKAO MADAGASCAR CHOCOLATE SA ;

recours ;

Ordonnons l’exécution sur minute de la présente décision, nonobstant toutes voies de

Laissons les frais et dépens à la charge de la BOA, dont distraction au profit de Mes

Hanta ANDRIANARIJAONA et Tojo Maminiaina ANDRIAMBOLOLONA, Avocats aux offres de droit; Ainsi ordonné et signé par NOUS et le GREFFIER, après lecture.-