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ORDONNANCE N° 706

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DOSSIER N° 742+743/2018 RC 819+820/2018
ORDONNANCE N° 706

 

 

 

 

L’an deux mil dix-huit et le vingt-trois novembre ;
Nous, Mme RAMANANDRAITSIORY Miharimalala, Président du Tribunal de Commerce d’Antananarivo, siégeant au Palais de Justice de ladite ville en son audience publique des référés commerciaux,
Assistée de Me RATSIMBAZAFY Christiane, GREFFIER
Oui les requérants en leurs demandes, fins et conclusions,
Oui le requis en ses défenses, fins et moyens,
Tous droits et moyens des parties expressément réservés ;

FAITS ET PROCEDURES
Par exploit d’huissier en date du 11 octobre 2018, à la requête de Monsieur ASIF MAHMOOD Bhutta, demeurant au lot IA 68 Isoraka Antannarivo, ayant pour conseil Me Solo RATRIMOARIVONY, assignation à bref délai a été servie à Monsieur SHANE MAHOMED Mourtaza, demeurant au 58, rue de Liège Tsaralalana Antananarivo, ayant pour conseil Me Jean Robert RAHERIMANDIMBY d’avoir à comparaitre devant le tribunal de référé commercial de céans pour s’entendre :
• Ordonner la suspension des travaux de démolition initiées par le requis concernant un bâtiment R+1 existant sur la propriété dite « VILLA GOULBANOU », titre n°17.434-A sise à Isotry, loué par le requérant, jusqu’à l’issue de la procédure en contestation de congé introduite par lui devant le tribunal de commerce et enrôlée suivant n°720/18;
• Ordonner l’exécution sur minute et avant enregistrement de la décision à intervenir ;
• Laisser les frais et dépens à la charge du requis, dont distraction au profit de Me Solo RATRIMOARIVONY, Avocat aux offres de droit ;

Aux motifs de sa requête, par le biais de son conseil Me Solo RATRIMOARIVONY, le requérant expose qu’il a intérêt à solliciter la suspension de cette démolition initiée par le nouvel acquéreur de l’immeuble qu’il loue dans la mesure où cette volonté de vouloir démolir l’immeuble s’apparente à un congé et qui fait encore l’objet d’une contestation au fond ;
Il estime que les motifs invoqués par le requis pour procéder à la démolition ainsi que la forme du congé sont irrégulières, ce pourquoi, en attendant l’issue du fond, il sollicite la suspension de la démolition vu l’extrême urgence caractérisée par l’existence d’un fonds de commerce du requérant dans les lieux ;

En réponse aux exceptions soulevées par le requis, il prétend qu’elles sont mal fondées car, en ce qui concerne la régularité de l’assignation, l’Ordonnance d’autorisation d’assigner à bref délai signifiée au requis fut annexée à l’exploit avec la requête qui contient les motifs, respectant ainsi les prescriptions de l’article 136 alinéa 4 du code de procédure civile ;

Eu égard à l’exception d’incompétence au profit du tribunal civil, le requérant d’attirer l’attention du tribunal sur le fait que le bail fut reconduit de manière tacite depuis le 01 octobre 2017 et qu’il est ainsi régi par la loi 2015.037 attribuant la compétence du litige au tribunal de commerce, ce, conformément à l’article 40 de ladite loi ;
Quant à l’incompétence de fond eu égard à l’existence de contestations sérieuses soulevées par le requis, le requérant rétorque que les arguments du requis sont dénués de fondement et le non-respect des dispositions d’ordre public pour expulser le locataire et détruire l’immeuble initié par le requis justifient l’existence du péril en la demeure pour suspendre la démolition ;
En réplique, par l’organe de son conseil Me Jean Robert RAHERIMANDIMBY, le requis soulève des exceptions d’irrecevabilité de l’assignation, d’incompétence du présent tribunal au profit du tribunal civil ainsi que d’incompétence de fond pour cause de contestations sérieuses ;
Il argue que l’assignation à lui servie est irrégulière dans la mesure où elle n’a pas repris les termes de la requête aboutissant à l’autorisation d’assigner à bref délai et ce, conformément à l’article 136 alinéa 4 du code de procédure civile ;
Il prétend également que la compétence du présent tribunal se limite aux actes de commerce alors que la présente action est une contestation d’une décision administrative autorisant la démolition d’un immeuble vétuste et qui est de la compétence du tribunal civil ;
Il attire par ailleurs l’attention du tribunal sur l’effet relatif du contrat de bail qui ne lui est pas opposable car il n’est qu’un acquéreur, n’ayant pas personnellement contracté avec le requérant ;
Il prétend ainsi qu’il y a contestations sérieuses ;
Cette procédure est enregistrée sous n°742/18 ;

Par un autre exploit d’huissier en date du 11 octobre 2018, à la requête des héritiers de feu BASIRALY ASGARALY, représentés par sieur Hatim BASIRALY, demeurant au 81, rue de Liège Tsaralalana Antananarivo, ayant pour conseil Me Solo RATRIMOARIVONY, assignation à bref délai a été servie à Monsieur SHANE MAHOMED Mourtaza ayant pour conseil Me Jean Robert RAHERIMANDIMBY d’avoir à comparaitre devant le tribunal de référé commercial de céans pour s’entendre :
• Ordonner la suspension des travaux de démolition initiées par le requis concernant un bâtiment R+1 existant sur la propriété dite « VILLA GOULBANOU », titre n°17.434-A sise à Isotry, loué par le requérant, jusqu’à l’issue de la procédure en contestation de congé introduite par lui devant le tribunal de commerce et enrôlée suivant n°720/18;
• Ordonner l’exécution sur minute et avant enregistrement de la décision à intervenir ;
• Laisser les frais et dépens à la charge du requis, dont distraction au profit de Me Solo RATRIMOARIVONY, Avocat aux offres de droit ;
Les prétentions et moyens de l’autre locataire sont reproduits par le requérant mais cette procédure est enregistrée sous n°743/18 ;
Vu toutes les pièces du dossier ;

DISCUSSION
I-En la forme
Sur la jonction de procédures :
Les procédures n°743/18 et 742/18 procèdent de la même cause qui est la démolition d’un immeuble loué par les locataires et acquis par le requis ;
Vu le lien de connexité et pour une bonne administration de la justice, il convient d’ordonner leur jonction ;

Sur la recevabilité de l’assignation :
Certes l’article 136 alinéa 4 du code de procédure civile édicte que « l’assignation doit, à peine de nullité́, contenir (…) les motifs, l’objet de la demande (…) » mais l’exploit précise clairement que l’ordonnance n°607 du 10 octobre 2018 fut signifiée au requis alors que cette Ordonnance est rendue au dos de la requête qui contient les motifs et l’objet de la demande ;
L’exploit n’étant pas argué de faux et étant un acte authentique, son contenu ne peut être remis en cause par des allégations unilatérales selon lesquelles l’Ordonnance n’aurait pas été dument signifiée ;
Par ailleurs, l’article 18 du même code dispose que « la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public » et en l’espèce, le requis ne rapporte aucune preuve du grief qu’il a subi puisqu’il a pu présenter ses moyens de défense, il y a donc lieu de déclarer l’exception mal fondée ;

Sur l’exception d’incompétence au profit du tribunal civil :
Les articles 40 et 47 de la loi n°2015-037 sur le régime juridique des baux commerciaux dispose notamment que la loi est applicable aux baux commerciaux conclus à compter de son entrée en vigueur.
Les baux commerciaux renouvelés ou conclus antérieurement à la présente loi restent soumis à la législation antérieure jusqu’à leur renouvellement ou leur extinction (…) les contestations découlant de l’application des dispositions de la présente loi sont portées à la requête de la partie la plus diligente, devant le tribunal de commerce dans le ressort duquel sont situés les locaux donnés à bail » ;
En l’espèce, le litige ne concerne nullement un acte de commerce mais l’exécution d’un bail commercial en cours et renouvelé tacitement depuis le 01 octobre 2017 dans la mesure où le requérant, locataire, occupe encore les lieux au jour de la promulgation de la loi le 03 février 2016, malgré qu’aucun renouvellement par écrit n’ait plus été conclu à l’expiration du contrat à durée déterminée liant le locataire à la Société Immobilière de Tsaralalana, ancien propriétaire ;
Il y a donc lieu de dire que la juridiction commerciale est compétent et l’exception est mal fondée ;

Sur l’incompétence du tribunal des référés pour contestations sérieuses :
Le juge des référés étant juge du provisoire, il ne peut statuer sur un droit encore contestable ou constater des droits et surtout empiéter ou préjuger sur le fond ;
Les effets relatifs du contrat de bail qui sont opposables au nouveau propriétaire, l’appréciation du caractère régulier de la démolition et de la décision administrative l’ordonnant ou encore le congé déguisé derrière une démolition et empreint d’irrégularités d’ordre public relèvent pourtant de débats de fonds;
En effet, le juge du fond étant déjà saisi et étant seul compétent pour statuer sur ces droits, suspendre la démolition revient à préjuger et empiéter sur sa compétence, d’autant plus que pour suspendre, le présent tribunal doit ainsi apprécier la régularité de cette démolition ou la relativité du contrat, fait échappant à sa compétence ;
D’autre part, l’article 168 de la Loi n° 2001 – 022 du 09 avril 2003 portant réforme du code de procédure civile attribue la compétence de mesure provisoires au juge de la mise en état lorsque le tribunal de fond est déjà saisi en ces termes « le juge de la mise en état a compétence exclusive pour : 5° ordonner toutes autres mesures provisoires, à l’exception des saisies-arrêts, des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires »;
Tel est le cas en l’espèce pourtant puisque le requérant lui-même évoque que le fond est déjà saisi de toutes ces actions en contestation de congé et de la démolition et il est en cours ;
Par conséquent, il existe des contestations sérieuses risquant d’empiéter sur le fond et les mesures provisoires sont de la compétence du juge de la mise en état, il convient de se déclarer incompétent ;

PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé commercial à bref délai, en premier ressort ;
Ordonnons la jonction des procédures n°743/18 et 742/18 ;
Déclarons les exceptions formulées par Monsieur SHANE MAHOMED Mourtaza recevables;
Déclarons que l’assignation du 11 octobre 2018 est recevable et régulière ;
Déclarons l’exception d’incompétence rationae materiae soulevée par Monsieur ASIF MAHMOOD Bhutta et les héritiers de feu BASIRALY ASGARALY mal fondée ;
Nous déclarons toutefois incompétent pour statuer au profit du juge de la mise en état;
Laissons les frais et dépens de l’instance à la charge de Monsieur ASIF MAHMOOD Bhutta et des héritiers de feu BASIRALY ASGARALY, dont distraction au profit de Me Jean Robert RAHERIMANDIMBY, Avocat aux offres de droit;

Ainsi ordonné et signé après lecture par NOUS et le GREFFIER.-