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JUGEMENT N°114C-19

DOSSIER N° : 766/18 RC :848/18
NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :114C-19 DU 10/05/2019
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 25/10/2018
DELAI DE TRAITEMENT : __0 Année(s) 6 Mois 20 Jour(s)
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Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique ordinaire du vendredi dix mai deux mille dix-neuf , salle 7,
où siégeaient :
Madame/ Monsieur, RAFALIMANANA Mahamanina – PRESIDENT
En présence de : Mme/ Mr RAKOTOMANGA Alisoa – ASSESSEUR
GASSARD Afick – ASSESSEUR
Assisté(e) de Me RAHARISON Rova – GREFFIER
Il a été rendu le Jugement suivant :
ENTRE :
Entreprise MBC-BC Blues , ayant son siège à 8, rue général Rabehevitra Antaninarenina Antananarivo , ayant pour Conseil Maître: RAHARIVOLOLONA Noro Helisoa
Requérant(e), comparant et concluant.
ET :
RAMANANTSOA Alain , ayant son siège à 8, rue général Rabehevitra Antaninarenina Antananarivo , ayant pour Conseil Maître : RAMBELOSON Saholiniaina Njivasoa Nathalie
Requis(e), comparant et concluant.
LE TRIBUNAL
Vu toutes les pièces du dossier :
Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;
Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par exploit d’huisier en date du 16 Octobre 2018, le sieur Randriamorasata Charles Aimé, gérant de l’entreprise MBC BC BLUES, ayant pour Conseil Me Raharivololona Noro Helisoa, Avocat à la Cour, a assigné devant le Tribunal de commerce de céans le sieur Ramanantsoa Alain pour s’entendre :
l Ordonner l’annulation du congé en date du 01 octobre 2018 ;
l Ordonner la désignation d’un expert pour l’évaluation du montant de l’indemnité d’éviction qui doit être égale à la valeur du fonds de commerce augmentée notamment des frais de déménagement et de réinstallation, des frais de mutation à payer pour un fonds de même valeur, conformément à l’article 32 alinéa 4 de la loi 2015 037 ;
l Condamner au paiement de ladite indemnité au requérante ;
l Condamner aux entiers frais et dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Noro Helisoa Raharivololona, Avocat aux offres de droit ;
Aux motifs de son action, le requérant fait valoir ce qui suit :
Attendu que suivant contrat de bail entre le requérant et sieur Ramanantsoa Alain, en date du 15 Décembre 2016 pour une durée de 01 an à compter du 01 Janvier 2017, et en date du 10 Janvier 2018 pour une durée de onze mois à compter du 01 Janvier 2018, l’entreprise MBC BC BLUES, représentée par son gérant, sieur Randriamorasata Charles a loué une salle d’une superficie de 250 m² au 2ème sous sol de l’immeuble sis à 8, rue Général Rabehevitra Antaninarenina Antananarivo ;
Que par exploit d’huissier en date du 01 octobre 2018, le requis a signifié une lettre de congé au requérant, lui donnant un délai de deux mois pour quitter les lieux au motif qu’elle ne veut plus renouveler le bail ;
Attendu que suivant l’article 30 de la loi 2015-037, il est stipulé que : « dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail, en vertu de l’article 29 ci-dessus, doit demander le renouvellement de celui-ci, par acte extra judiciaire, au plus tard trois mois avant la date d’expiration du bail, sauf stipulation du bail prévoyant que celui-ci sera automatiquement renouvelée pour une durée identique au bail initial à moins que le bailleur ne donne congé, par acte extra judiciaire six mois au moins avant le terme convenu du bail » ;
Attendu que dans le cas d’espèce, le sieur Ramanantsoa Alain lui a donné congé de deux mois, ce qui entre en violation de l’article sus cité qui est de six mois ;
Attendu que suivant l’article 32 alinéa 2 de la loi sus cité : « le locataire qui peut prétendre à l’indemnité d’éviction a droit jusqu’à son versement, au maintien dans les lieux aux clauses et aux conditions du bail expiré » ; qu’ainsi la requérante a droit au maintien dans les lieux ;
Attendu que l’article 33 de la loi 2015-037 stipule que « l’acte extra judiciaire notifiant le refus de renouvellement du bail doit, à peine de nullité :
– indiquer le motif invoqué et – mentionner que le preneur qui entend soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit à peine de forclusion, saisir le Tribunal compétent avant l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement » ;
Que le congé en date du 01 Octobre 2018 n’a rien mentionné ;
En réponse, le requis, ayant pour Conseil Me Nathalie Rambeloson, avance les prétentions suivantes :
Attendu que les parties ne disconviennent pas de l’existence d’un contrat de bail commercial à durée déterminée du 14 Novembre 2016 pour un an et d’un nouveau contrat de bail le 10 Janvier 2018 pour 11 mois entre eux ;
Que la loi applicable en l’espèce est bien la loi 2015 037 régissant les baux commerciaux à Madagascar;
Néanmoins, le contrat du 10 Janvier 2018 est prévu pour compter du 01 Janvier 2018 au 30 Novembre 2018 ; étant signé par les parties, cela signifie que les termes de ce contrat ont été acceptés notamment sur la durée du bail ;
L’article 5 de loi 2015 037 précise que : les parties fixent librement la durée des baux ;
Que le 28 Juillet 2018, lettre recommandée avec accusé de réception a été envoyée au locataire annonçant la fin du bail le 30 Novembre 2018 et la volonté de ne plus renouveler le contrat, avec la proposition d’un nouveau local ;
Que l’article 6 de la même loi précise que : si à l’expiration du bail de courte durée, le bailleur qui entend écarter l’application de la présente loi doit inviter par tout moyen laissant trace écrite le preneur à quitter les lieux avant l’expiration du bail ; Une clause expresse peut valoir mise en demeure de quitter les lieux à l’échéance ; à cette date, le preneur devient occupant sans droit ni titre ;
Que cette lettre a bel et bien mentionné que le bailleur ne veut plus renouveler le bail, ; et si la loi n’impose pas une durée précise de cette trace écrite, il est quand même précisé que cette lettre a été envoyée quatre mois plus tôt avant l’expiration du bail ;
Qu’il échet de préciser ici que la loi traite différemment les baux à durée
déterminée et ceux à durée indéterminée ; le cas présent fait partie des baux à durée déterminée dont l’article 6 est celui applicable et qui écarte toute disposition en matière de congé ;
Attendu en second lieu que dans sa réponse en date du 13 Août 2018, le locataire n’a pas accepté le local proposé par le concluant ; alors même que la loi n’impose pas telle condition au bailleur ;
Que dans ce cas le locataire ne peut obliger le bailleur à continuer un contrat qu’il ne veut plus poursuivre ; c’est d’ailleurs dans un esprit de rééquilibrage des droits des bailleurs et locataires que le législateur a modifié l’ancien texte sur les baux commerciaux, afin que chaque bailleur ne soit pas défavorisé ;
La juridiction de céans constatera la bonne foi du bailleur qui n’a aucune intention de nuire aux relations d’affaires entre les parties, mais qui ne peut quand même être privé d son droit de disposer librement de son local étant le propriétaire, rappelant non vainement que le droit de propriété est un droit suprême garanti et protégé par la Constitution ;
Que le concluant a encore envoyé une lettre le 01 Septembre 2018, et par exploit d’huissier le 01 Octobre 2018 rappelant la fin du bail et qu’il ne veut plus renouveler le contrat ;
Que par ces trois lettres, le bailleur respecte bien l’article 6 de la loi susvisée;
Qu’à partir du 01 Décembre 208, le locataire devient un occupant sans droit ni titre ;
Attendu qu’un autre point est à considérer : le locataire a failli à son obligation de demander le renouvellement du bail et ce, par acte extra judiciaire ; l’article 30 précise : « le locataire qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail » ;
Le Tribunal de céans constatera la déchéance du locataire de son droit de renouvellement ; à cet effet, il ne peut ni rester sur les lieux, ni prétendre à aucune indemnité d’éviction car le bailleur a bel et bien respecté la loi ;
Qu’il est important de préciser que le droit au renouvellement est conditionné par l’article 29 et qui exige que l’exploitation ait duré au minimum deux ans ; jusqu’au 30 Novembre 2018, cette durée n’est pas encore atteinte ;
Qu’en dernier lieu, le locataire est malvenu de contester le congé car en vertu de l’article 31, le congé concerne les contrats à durée indéterminée ;
ici, il s’agit d’un contrat à durée déterminée ; les lettres successives du bailleur ne constituent pas un congé ;
Attendu que le locataire est de mauvaise foi car il méconnait sciemment le droit absolu de propriété au bailleur ;
Attendu qu’en application de l’article 355 du Code de procédure civile, le concluant demande reconventionnellement :
l De constater qu’à l’échéance du contrat, le locataire devient un occupant sans droit ni titre, et qu’il doit être expulsé ;
l Le paiement des loyers jusqu’à ce que le locataire quitte effectivement les lieux ;
l Le paiement de 10 000 000 Ariary de dommages intérêts pour tous les préjudices moraux et financiers subis par le concluant à travers ce procès ;
l Le paiement des frais et dépens de l’instance par la requérante dont distraction au profit de Me Rambeloson Njivasoa Nathalie, Avocat aux offres de droit ;
Dans ses conclusions ultérieures, la demanderesse maintient qu’elle n’est pas déchue de son droit au renouvellement du bail car le bailleur ne lui a pas donné congé par acte extra judiciaire six mois au moins avant le terme convenu ; sieur Ramanantsoa n’a envoyé qu’une simple lettre le 28 Juillet 2018 et une signification d’une lettre de rappel de fin de contrat le 01 Octobre 2018 ;
Que la signification de fin de contrat équivaut à un congé, donc elle est nulle et de nul effet car elle n’est pas conforme à la l’article 33 de la loi sus citée ;
Que par ailleurs, le bailleur est de mauvaise foi car il refuse le renouvellement du bail et le paiement d’une indemnité d’éviction ; alors que le concluant s’est toujours bien acquitté de ses obligations envers lui, car il a déjà payé plus de 100 000 000 Ariary à titre de loyers au bailleur et il a déjà investi de grosses sommes pour l’installation de son activité dans ce local; et même si le bailleur lui propose un autre local, cela ne convient pas au concluant car c’est le local qu’il loue actuellement qui a fait l’objet de visite des agents ministériels concernant l’autorisation d’ouverture ;
DISCUSSION
En la forme
Aussi bien l’assignation que les demandes reconventionnelles remplissent les conditions exigées par la loi, elles sont donc régulières et partant recevables ;
Au fond
l Sur l’annulation du congé
La loi 2015 037 sur le régime juridique des baux commerciaux prévoit en ses articles 5 et 6 que : « Les parties fixent librement la durée des baux », « Les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions de la présente loi à la condition que la durée totale des baux successifs n’excède pas deux années. (…) Le bailleur qui entend écarter
l’application des dispositions de la présente loi doit inviter, par tout moyen laissant trace écrite, le preneur à quitter les lieux avant l’expiration du bail ou le cas échéant en cas de baux successifs, du délai de deux ans. Une clause expresse du bail peut valoir mise en demeure de quitter les lieux à l’échéance. A cette date, et sous ces conditions, le preneur devient occupant
sans droit ni titre. Est réputé, bail de courte durée, le bail à durée déterminée n’excédant pas deux années. » ;
En l’espèce, il s’agit de deux baux successifs dont le premier a duré douze mois et le second onze ; de ce fait, n’excédant pas deux années, l’on est en présence d’un bail à courte durée ;
Par la suite, comme les articles de loi sus cités le prévoient, le bailleur a signifié au locataire la fin du bail à travers deux lettres respectivement en date du 28 Juillet 2018 et du 01 Octobre 2018 ; puisque la loi n’exige aucune autre condition, l’annulation desdites lettres apparait non fondée ;
Par conséquent, il convient de débouter la requérante de sa demande en annulation du congé ;
l Sur l’indemnité d’éviction
L’article 29 de la même loi prévoit que : « Le droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée est acquis au preneur qui justifie avoir exploité conformément aux stipulations du bail ou aux dispositions des articles 15 et suivants ci-dessus, son activité dans les lieux loués, pendant une durée minimale de deux ans. » ;
Etant donné que c’est le locataire bénéficiaire d’un droit au renouvellement de son bail qui peut prétendre à une indemnité d’éviction, la durée insuffisante des baux contractés par la requérante l’évince du bénéfice d’une telle indemnité ;
D’où, la demande de désignation d’un expert pour l’évaluation de ladite somme devient elle aussi mal fondée ;
l Sur l’expulsion
Puisque les parties ont librement fixé la fin du bail pour le 30 Novembre 2018 ; semblablement, l’invitation faite par le bailleur à quitter les lieux s’est conformée aux dispositions légales ;
A ce jour donc, la société Mbc Blues est un occupant sans droit ni titre de l’immeuble donné à bail ;
Par conséquent, la demande d’expulsion à son endroit ainsi qu’à tous occupants de son chef est fondée de sorte qu’il convient d’y accéder ;
l Sur le paiement des loyers jusqu’à total déguerpissement
Il est indéniable que tout propriétaire a le droit de jouir de son bien et d’en recueillir les fruits tant qu’il n’en a pas opéré de cession ;
Ainsi, le temps du déguerpissement, il incombe au locataire de payer les loyers qui constituent la contrepartie de la privation de jouissance imposée au bailleur ;
l Sur les dommages intérêts
L’article 177 de la LTGO stipule qu’en cas d’inexécution totale ou partielle d’une obligation contractuelle, le débiteur doit réparer le préjudice causé de ce fait au créancier ;
En l’espèce, le préjudice du bailleur est matérialisé par les atteintes morales qui découlent de la résistance du locataire ;
Ainsi, de tels préjudices méritent réparation ;
Toutefois, le quantum demandé apparaît exagéré ; le Tribunal dispose d’éléments suffisants d’appréciation pour le ramener à sa juste proportion soit 700 000 Ariary ;
l Sur l’exécution provisoire
Aucune urgence n’a été articulée ni justifiée en l’espèce, comme l’exige l’article 190 du Code de Procédure Civile ;
Par conséquent, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement
P A R C E S M O T I F S
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort :
l Déboute la requérante de sa demande en annulation de conge ;
l Rejette la demande de désignation d’expert pour l’évaluation de
l’indemnité d’éviction
l Ordonne l’expulsion de l’entreprise MBC BC BLUES, représentée par son gérant, sieur Randriamorasata Charles, du 2ème sous-sol de l’immeuble sis à 8, rue Général Rabehevitra Antaninarenina Antananarivo ;
l Ordonne le paiement des loyers échus et à échoir à compter du 01 Décembre 2018 par l’entreprise MBC BC BLUES au sieur Ramanantsoa Alain jusqu’à total déguerpissement ;
l Condamne l’entreprise MBC BC BLUES à payer 700 000 Ariary de dommages intérêts au sieur Ramanantsoa Alain ;
l Dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire ;
l Condamne l’entreprise MBC BC BLUES aux frais et dépens d’instance.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jours, mois et an que dessus.
Et la minute du présent jugement a été signée par le PRESIDENT et le GREFFIER, après lecture.