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JUGEMENT N° 258C-19

DOSSIER N° : 542/19 RC :598/19

NATURE DU JUGEMENT :REPUTE CONTRADICTOIRE

JUGEMENT N° :258C-19 DU 11/10/2019

PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 04/07/2019

DELAI DE TRAITEMENT : __0 Année(s) 3 Mois 18 Jour(s)

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Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique

ordinaire du vendredi onze octobre deux mille dix-neuf , salle 7 (2), où siégeaient :

Madame/ Monsieur, RAMANANDRAITSIORY Miharimalala -PRESIDENT

En présence de : Mme/ Mr CHEUK Gary – ASSESSEUR

RAKOTOMIAMINA Nauno Philippe – ASSESSEUR

Assisté(e) de Me RAHARISON Rova – GREFFIER

Il a été rendu le Jugement suivant :

ENTRE :

Leader Price Madagascar , ayant son siège à Ankadimbahoaka Tanjombato Antananarivo , ayant pour Conseil Maître : RADILOFE Hantavololona, RADILOFE Jacques Herizo Koto

Requérant(e), comparant et concluant.

ET :

Société Ryan Cap Mada SA (RCM) , ayant son siège à Lot BL 72 Belambanana Andoharanofotsy Antananarivo

Requis(e), non-comparant.

LE TRIBUNAL

Vu toutes les pièces du dossier :

Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;

Nul pour la requise non-comparante

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

FAITS ET PROCEDURE:

Par exploit d’huissier en date du 24 juin 2019, à la requête de la Distribution Leader Price Madagascar ayant pour conseils Mes Hanta et Koto RADILOFE, assignation a été servie à la Société RYAN CAP MADA SA (RCM) d’avoir à comparaitre devant le tribunal de commerce de céans pour s’entendre:

  • Condamner la requise au paiement de la somme de 17.968.936,80 ariary au titre de remboursement des marchandises avariées et détruites ;
  • Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur ce chef;
  • Condamner la requise au paiement de la somme de 5.000.000 ariary à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et vexatoire ;
  • Condamner la requise aux frais et dépens de l’instance, dont distraction au profit de Mes Hanta et Koto RADILOFE, Avocats aux offres de droit ;

Aux motifs de sa requête, par le biais de ses conseils Mes Hanta et Koto RADILOFE, la requérante avance que le 20 novembre 2018, elle a confié à la requise l’acheminement de ses produits surgelés de Tanjombato, Antananarivo, vers ses magasins à Toamasina et pour s’assurer de la chaîne de froid, la requérante a un système de mouchard permettant d’enregistrer les variations de température du camion frigorifique ;

La requérante a ainsi remarqué des variations de température tout le long du transport qui présentait des anomalies avec des variations allant de -9°C à +42°C, avariant ainsi les produits surgelés transportés qui nécessitent une température comprise entre -9°C et -18°C pour leur conservation ;

Elle prétend ainsi avoir subi des préjudices du fait de ces avaries et les marchandises étant devenues impropres à la consommation, elles ont été détruites en présence d’un expert ;

Elle s’adresse à justice pour avoir la sanction de son droit quant au remboursement de la valeur des produits transportés puisque, lors des discussions de régler par imputation sur les factures de transport suivant un calendrier à convenir entre les parties, la requérante s’est vue opposer un refus de la part de la requise qui en impute la charge au client de par la garantie d’une assurance marchandises ;

La requérante invoque pourtant l’article 103 du code de commerce pour arguer que le défaut d’assurance n’exonère pas le transporteur de son obligation de résultat d’acheminer la marchandise jusqu’à destination dans l’état qu’il l’avait reçue ;

Qu’il n’y a eu aucun cas de force majeure ni de vice propre à la marchandise et que c’est la défaillance du système frigorifique du transporteur qui est à l’origine des avaries ;

Elle sollicite l’’exécution provisoire afin d’amoindrir le préjudice financier subi par la requérante du fait de la perte de revenus qu’aurait rapportés la vente de ces marchandises ;

Elle soutient enfin que la rétractation de la requise au bout de quatre mois de discussions alors qu’elle a reconnu sa responsabilité découle d’une mauvaise foi justifiant réparation pour la requérante ;

La requise n’a pas répliqué ;

Vu toutes les pièces du dossier ;

 

DISCUSSION:

I-En la forme,

Sur la nature de la décision:

Bien que régulièrement assignée, la requise n’a ni comparu ni conclu, il convient de déclarer réputé contradictoire à son égard la présente décision ;

II-Au fond,

Sur le chef de demande de condamnation de la requise au paiement de la somme de 17.968.936,80 ariary au titre de remboursement des marchandises avariées et détruites :

Les articles 103 et suivants du code de commerce sur le transport par voiture de marchandises et la responsabilité du voiturier édictent en outre que « le voiturier (…) est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure.

Toute « contestation de quelque nature qu’elle soit, sur (…) l’exécution du contrat de transport, ou à raison d’un incident survenu au cours même et à l’occasion du transport, l’état des objets transportés (…) sont vérifiés et constatés par un ou plusieurs experts (…) » et prévoient en outre la possibilité d’ « action récursoire » respective contre chaque partie au contrat ;

En l’espèce, la RCM ne conteste pas avoir reçu des produits surgelés de qualité destinés à être commercialisés à Toamasina dans les magasins Leader Price et qui n’étaient donc pas fondus ou mous, destinés à la consommation lors de leur chargement;

Qu’en acceptant de les charger dans un camion frigorifique, un transport spécifique et non pas une quelconque voiture de transport, le transporteur est soumis à une obligation de résultat qui est d’acheminer à bon port, avec une température adaptée, les marchandises en bon état, surgelés, d’autant plus qu’elles ne présentaient pas de vices vu l’absence de réserves ou de remarques sur la qualité des marchandises lors de leur chargement dans le camion;

En vertu de l’article 179 de la LTGO qui édicte que « le débiteur d’une obligation de résultat est responsable du préjudice découlant de l’inexécution de celle-ci par le seul fait que le résultat prévu au contrat n’a pas été atteint», de par le seul fait que le résultat n’est pas atteint, le transporteur engage déjà sa faute et cette faute est prouvée par les marchandises photographiées devenues molles et impropres à la consommation puis détruites en présence d’un expert le 03 décembre 2018 ;

Par ailleurs, il ressort du mouchard de la requérante, et dont les données n’ont pas été contestées par le transporteur dans leurs échanges et correspondances postérieur aux dommages, que les températures subissaient diverses variations dans le frigo;

Il y a donc lien de causalité entre la faute et le dommage car l’inexécution fautive du transport consiste à ne pas avoir fourni un camion frigorifique avec une température permettant de conserver des produits surgelés, causant ainsi les avaries sur les produits transportés qui, arrivés à destination, étaient devenus impropres à la consommation et invendables ;

Il y a donc lieu de dire que la responsabilité du transporteur est engagée et invoquer des causes d’exonération du fait de l’existence de garanties par un assureur n’est pas opposable au propriétaire de la marchandise puisque l’article 108 du code de commerce donne la possibilité à qui de droit de se retourner contre celui qu’il estime être responsable sans qu’aucune action récursoire ait même été intentée par le transporteur ;

Il résulte des factures des marchandises versées au dossier que leur valeur est de 17.968.936,80 ariary et toutes les marchandises ont été détruites suivant le procès-verbal de l’expert, la perte de gain réelle est donc dument réparée par le remboursement de la valeur desdites marchandises par le transporteur;

Il y a lieu de condamner la RCM au paiement de ladite somme ;

Sur le chef de demande de condamnation de la requise au paiement de la somme de 5.000.000 ariary à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et vexatoire :

Le préjudice subi par le requérant découle directement de l’inexécution de son obligation de résultat par le transporteur, privant ainsi la requérante de la possibilité de commercialisation des produits en période de fête qui auraient pu lui apporter des gains importants ;

Par ailleurs, les parties sont restées en contact par emails après la survenance des dommages en novembre 2018 et la requise n’a plus répondu aux sollicitations de la requérante sur le règlement des avaries par compensation sur le coût des transports qu’en mars 2019, quand un responsable au sein de la RCM a répondu en ces termes « nous sommes dans le regret de vous informer que nous n’allons pas (payer les factures des avaries), comme vous le savez, les assurances marchandises sont à la charge du client » ;

Cette rétractation, alors que dans les précédents courriels dans lesquels le transporteur n’a pas contesté avoir vu les marchandises avariées et les résultats du mouchard de la requérante, s’apparente à une mauvaise foi manifeste et la résistance de la requise alors que la perte de gain de la requérante est incontestable aggrave le préjudice de la requérante que le tribunal estime juste et fondé;

Vu les articles 188 et suivants de la LTGO sur la réparation du préjudice;

Sur l’exécution provisoire:

La mauvaise foi manifeste du transporteur alors qu’il ne conteste pas l’existence des avaries met en péril le recouvrement de sa créance par la requérante bien que celle-ci n’est pas sérieusement contestable qui affecte la trésorerie de la requérante ;

L’urgence au sens de l’article 190 du code de procédure civile est ainsi caractérisée, il y a donc lieu de faire droit à la demande jusqu’à concurrence de la somme de 17.968.936,80 ariary, nonobstant toutes voies de recours;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de la Distribution Leader Price Madagascar, réputé contradictoirement à l’égard de la Société RYAN CAP MADA SA (RCM), en matière commerciale, en premier ressort;

Condamne la Société RYAN CAP MADA SA (RCM) au paiement de la somme de 22.968.936,80 ariary au profit de la Distribution Leader Price Madagascar ventilée comme suit :

– 17.968.936,80 ariary au titre de remboursement des marchandises avariées et détruites lors de l’exécution du contrat de transport du 20 novembre 2018, acheminant lesdites marchandises d’Antananarivo vers Tamatave;

– 5.000.000 ariary à titre de dommages et intérêts ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision jusqu’à hauteur de la somme de 17.968.936,80 ariary ;

Condamne la Société RYAN CAP MADA SA (RCM) aux frais et dépens de l’instance, dont distraction au profit de Mes Hanta et Koto RADILOFE, Avocats aux offres de droit ;

 

Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jours, mois et an que dessus.
Et la minute du présent jugement a été signée par le PRESIDENT et le GREFFIER, après lecture.