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JUGEMENT N° 248-19-C

DOSSIER N° : 369/14+124/15 RC :5065

NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE

JUGEMENT N° : 248-19-C DU 04/10/2019

PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 23/04/2015

DELAI DE TRAITEMENT : __4 Année(s) 6 Mois 24 Jour(s)

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Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique ordinaire du vendredi quatre octobre deux mille dix-neuf , salle 7, où siégeaient :

Madame/ Monsieur, RAMANANDRAITSIORY Miharimalala -PRESIDENT

En présence de : Mme/ Mr CHEUK Gary – ASSESSEUR

RAKOTOMIAMINA Nauno Philippe – ASSESSEUR

Assisté(e) de Me RANDRIAMAHERISOA Solomon – GREFFIER

Il a été rendu le Jugement suivant :

ENTRE :

ANSART Jean Joel , ayant pour Conseil Maître : RAHARISON HERIMALALA Hubert

Requérant(e), comparant et concluant.ALBALADEJO Raphael , ayant pour Conseil Maître : RAHARISONHERIMALALA Hubert

Requérant(e), comparant et concluant.

ET :

DUBERNARD Francis , ayant pour Conseil Maître : RAZANAJAFIARIVELOFOCK Vololontsoanarivo

Requis(e), comparant et concluant.RAZAKASOLO Herisoa , ayant pour Conseil Maître :RAZANAJAFIARIVELO FOCK Vololontsoanarivo

Requis(e), comparant et concluant.

LE TRIBUNAL

Vu toutes les pièces du dossier :

Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;

Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

FAITS ET PROCEDURE:

Monsieur Francis DUBERNARD, Président du Conseil d’Administration de la CSPI- M qui est une Société titulaire d’un contrat BOT de délégation de service de sécurisation aéroportuaire de l’Etat, a convoqué les membres du Conseil d’Administration pour une réunion qui s’est tenue le 06 novembre 2014 ;

Le présent litige se fonde sur la contestation du procès-verbal de ladite réunion du Conseil par la moitié des administrateurs présents qui représentent les actionnaires français, la Société ayant deux actionnaires majoritaires, propriétaires par moitié égale desdites actions, l’autre moitié étant composé des actionnaires mauriciens ;

Par requête en date du 10 novembre 2014, Messieurs Jean Joël ANSART et Raphaël ALBALADEJO Monsieur ayant pour conseil Me Hubert RAHARISON ont attrait Messieurs Francis DUBERNARD, Administrateur au sein de la CSPIM et Président du Conseil d’Administration de ladite Société CSPIM et Zakazo RANAIVOSON, ainsi que Madame Herisoa RAZAKASOLO ayant pour conseils Mes Lalao RAKOTOTAHINA, Vololontsoanarivo RAZANAJAFIARIVELO FOCK, Philippe DISAINE RAKOTONDRAMBOAHOVA devant le Tribunal de commerce de céans pour s’entendre:

  • dire et juger que les délibérations lors de la réunion du Conseil d’Administration du 06 novembre 2014 ont été prises en violation des statuts de la CSPIM ;
  • déclarer nulles et de nul effet toutes les décisions lors de ladite réunion faute de majorité ;
  • dire et juger que l’établissement du procèsverbal de la réunion ainsi que son enregistrement au bureau fiscal le 07 novembre 2014 ont été faits en fraude des droits des « associés français » ;
  • déclarer nul et de nul effet ledit procèsverbal ;
  • condamner les requis aux frais et dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Hubert RAHARISON, Avocat aux offres de droit ;

Aux motifs de leur requête, les requérants, par le biais de leur conseil Me Hubert RAHARISON, soutiennent en substance que les résolutions adoptées lors dudit Conseil d’Administration sont illégales car aucune majorité ne fut atteinte, les résolutions ayant fait l’objet d’une voix de 50% pour et 50% contre ;

Les requérants précisent que cette décision se fonde sur la mise à jour des statuts en date du 13 octobre 2013, attribuant une voix pour chaque Administrateur, qui est une loi des parties à laquelle on ne peut déroger, outre le pacte d’actionnaire du 23 septembre 2013 dont l’esprit étant justement de ne pas donner de prépondérance à l’un ou l’autre des actionnaires en possession du même nombre d’actions, afin d’éviter qu’un bloc puisse diriger la société sans l’accord de l’autre, obligeant ainsi les parties à trouver un consensus ;

Ils invoquent l’article 9 de la loi sur les sociétés commerciales qui indique que les statuts constituent le contrat de société et les modifications statutaires n’ont fait l’objet d’aucune réserve et ont même été initiées lors de l’entrée des actionnaires mauriciens dans la société ;

Malgré cela, les requis se sont empressés d’enregistrer le procès-verbal en le signifiant aux tiers, au mépris d’une autre disposition statutaire qui donne le droit aux Administrateurs d’approuver le procès-verbal dans un délai de 15 jours à compter de sa réception par l’Administrateur qui veut exercer ce droit, avant communication aux tiers ;

Or, selon les requérants, bien que Monsieur ANSART ait exigé ce droit de se réserver avant de donner son approbation du procès-verbal, outre que la pratique au sein de la Société est de donner l’approbation du procès-verbal lors de la prochaine réunion du Conseil avant diffusion aux tiers, tel ne fut pas le cas puisque, dès le 07 novembre 2014, le procès-verbal fut enregistré et signifié aux banques ;

Les requérants prétendent ainsi qu’il y a violation des dispositions statutaires en leur article 23, 24 ainsi que violation du pacte d’associés et ce, au mépris également de l’article 123 de la LTGO du fait de l’inexécution de mauvaise foi de la loi des parties par les défendeurs, actionnaires mauriciens ;

En réplique aux exceptions de nullité de la requête et de défaut de communication de pièces soulevées par les requis, les requérants avancent qu’ils ont pu présenter leur moyen de défense en temps utile, outre qu’il n’y a aucun grief et que toutes les pièces ont déjà fait l’objet de communication entre conseils ;

En défense, par le truchement de leurs conseils Mes Lalao RAKOTOTAHINA, Vololontsoanarivo RAZANAJAFIARIVELO FOCK, Philippe DISAINE RAKOTONDRAMBOAHOVA, les requis soulèvent in limine litis des exceptions de nullité de la requête ainsi que de non communication de pièces, justifiant que ces pièces soient écartées des débats ;

Ils sollicitent à titre reconventionnel :

  • de rétablir par le tribunal la prépondérance de la voix de Monsieur DUBERNARD en tant que Président du Conseil d’Administration de la CSPIM ;
  • dire et juger que les délibérations prises lors de la réunion du Conseil d’Administration du 06 novembre 2014 demeurent valables et produisent leur plein et entier effet depuis cette date ;
  • ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
  • condamner les requérants aux frais et dépens, dont distraction au profit de Mes Lalao RAKOTOTAHINA, Vololontsoanarivo RAZANAJAFIARIVELO FOCK, Avocats aux offres de droit ;
  • Par conclusion additionnelle déposée par l’un de leurs conseils, Me Philippe DISAINE RAKOTONDRAMBOAHOVA, ils sollicitent également la condamnation des requérants au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire d’un montant de 50.000.000 ariary ainsi que la distraction des frais et dépens au profit de Me Philippe DISAINE RAKOTONDRAMBOAHOVA ;

Ils invoquent les articles 15, 16, 18 et 117 du code de procédure civile qui sont d’ordre public et violés par les requérants qui, d’une part, n’ont communiqué que tardivement leurs pièces et non conformes avec les prétentions ;

D’autre part, l’identité et la qualité des défendeurs ne sont pas précisées dans la requête, encore moins leur adresse qui ne se présume pas et ce, en violation des exigences légales;

Ils arguent que leurs moyens de défense ont été désorganisés du fait de ces violations procédurales par les requérants et qu’ainsi la requête mérite annulation ;

Subsidiairement au fond, les requis prétendent que le véritable problème réside dans l’impossibilité d’atteindre une majorité qualifiée pour faire adopter les résolutions du Conseil puisque les actionnaires sont chacun propriétaires de la moitié des actions ;

Ils attirent l’attention du tribunal sur la prépondérance de la voix du Président du Conseil avant la mise à jour des statuts et pourtant, en ôtant cette prépondérance, un blocage permanent est constaté, ce pourquoi il appartient au tribunal selon eux d’y remédier ;

Les requis estiment que le juge peut recourir à la doctrine, l’équité et les usages pour statuer, notamment en se référant à l’article 124 de la LTGO;

Que l’article 483 alinéa 2 de la loi sur les sociétés commerciales conforte la nécessité de cette prépondérance de voix puisque dans le cas où elle a été omise dans les statuts et qu’il n’y est pas renoncé expressément, les requérants ne peuvent se réfugier derrière des dispositions statutaires ;

En tout état de cause, les requis soutiennent qu’il y va de l’intérêt de la Société car cela permet d’avoir une fluidité et une rapidité dans les prises de décision, notamment l’assainissement de la Société, et c’est manifestement vers le blocage que veulent tendre les requérants démontrant leur mauvaise foi;

Eu égard aux assertions des requérants selon lesquelles le procès-verbal fut enregistré sans leur approbation, ils attirent l’attention du tribunal sur le fait que l’Administrateur, Monsieur ANSART, a précisé vouloir prendre connaissance du procès-verbal, sans exiger qu’il devait ou voulait signer pour donner son approbation ;

Ils avancent que si Monsieur ANSART avait des observations à émettre concernant les débats mais ne se rapportant pas aux décisions, il peut le faire par écrit, lequel sera annexé au procès-verbal et l’article 32 du décret n°2004-453 du 06 avril 2004 de préciser que les décisions sont valablement prises dès signature du procès-verbal par le Président, un Administrateur et le secrétaire de séance ;

Ils prétendent que tant que Monsieur ANSART ne s’inscrit pas en faux, les procès-verbaux font foi jusqu’à preuve du contraire conformément à l’article 489 de la loi sur les sociétés commerciales ;

Ils allèguent par ailleurs que l’enregistrement est une exigence fiscale à laquelle on ne pouvait déroger, aussi les prétentions des requérants sont mal fondées ;

Eu égard à la demande reconventionnelle de réparation, ils arguent que n’ayant pas violé des dispositions législatives et statutaires comme voudraient le prétendre les requérants, les requis subissent des préjudices coûteux avec la présente procédure initiée de mauvaise foi par les requérants ;

Cette procédure est enregistrée sous n°369/14 ;

Par une autre requête en date du 04 avril 2015, Messieurs Jean Joël ANSART et Raphaël ALBALADEJO Monsieur ayant pour conseil Me Hubert RAHARISON ont attrait Messieurs Francis DUBERNARD, Administrateur au sein de la CSPIM et Président du Conseil d’Administration de ladite Société CSPIM et Zakazo RANAIVOSON, ainsi que Madame Herisoa RAZAKASOLO ayant pour conseils Mes Lalao RAKOTOTAHINA, Vololontsoanarivo RAZANAJAFIARIVELO FOCK, Philippe DISAINE RAKOTONDRAMBOAHOVA devant le Tribunal de commerce de céans pour s’entendre:

  • Dire et juger que l’établissement des procèsverbaux de la réunion du Conseil d’Administration du 19 janvier 2015 et celui de l’Assemblée Générale Mixte du 10 février 2015 ont été faits en fraude des droits des « associés français » et en violation des règles de procédure et décisions de justice ;
  • déclarer nul et de nul effet lesdits procèsverbaux ainsi que tous les actes subséquents qui pourront en découler ;
  • condamner les requis aux frais et dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Hubert RAHARISON, Avocat aux offres de droit ;

Aux motifs de leur action, par l’organe de leur conseil Me Hubert RAHARISON, les requérants exposent que diverses procédures judiciaires ont été engagées pour suspendre l’exécution du procès-verbal de réunion du Conseil d’Administration du 06 novembre 2014 qui a révoqué le Directeur Général et changé les mandataires ayant pouvoir de signature au sein de la CSPIM ;

Ainsi, en attendant l’issue du fond sur l’annulation dudit procès-verbal, une suspension des effets des délibérations du Conseil du 06 novembre 2014 a été statuée par le tribunal des référés, confirmée par le Président de la Cour d’Appel d’Antananarivo mais les requis y ont passé outre et ont tout de même convoqué une Assemblée Générale le 19 janvier 2015, cette dernière ayant de nouveau été annulée par le Tribunal des référés ;

Ils ont enchainé avec l’Assemblée Générale Mixte du 10 février 2015 qui est donc irrégulière car, d’une part, elle fut convoquée par le Président du Conseil d’Administrateur seul et non par le Conseil d’Administration ;

D’autre part, ils prétendent que cette Assemblée fut initiée au mépris des droits de vote des requérants qui, le 05 février 2015, ont demandé si une Assemblée allait se tenir mais n’ont pas eu de retour sur leur questionnement alors que l’Assemblée fut tout de même convoquée par le PCA ;

Ils avancent ainsi que la tenue de cette Assemblée Générale Mixte est irrégulière et est en violation d’une décision de justice exécutoire, notamment de l’Ordonnance de référé à bref délai n°1125 du 09 février 2015 qui en a ordonné annulation ;

Les requis ont tout de même procédé à la modification de l’équipe dirigeante de la CSPIM et ont violé également le Pacte d’associés liant les parties, ce pourquoi les requérants s’adressent au juge du fond pour avoir la sanction de leur droit ;

En réplique, par le truchement de leurs conseils, Mes Lalao RAKOTOTAHINA, Vololontsoanarivo RAZANAJAFIARIVELO FOCK, Philippe DISAINE RAKOTONDRAMBOAHOVA, les requis sollicitent la jonction de cette procédure avec celle portant le n°369/14 ;

Ils avancent qu’il y a un lien de connexité évident entre les deux procédures ;

Cette seconde procédure est enregistrée sous n°124/15 ;

Par note, le juge de la mise en état a joint les procédures et à l’issue de cette jonction, les parties ont conclu ;

Les requis soulèvent et confirment l’annulation de la seconde requête en reprenant ses prétentions dans le dossier n°369/14 ;

En réponse aux chefs de demande d’annulation des Assemblées Générales et Assemblée Générale Mixte respectivement en date du 09 janvier 2015 et du 10 février 2015, les requis concluent au débouté de la demande en invoquant l’article 32 du décret n°2004-453;

Ils arguent que le procès-verbal était dument signé par les actionnaires présents, donc toutes les décisions prises à cette occasion lient les actionnaires tant que le procès-verbal n’est pas argué de faux ;

Quant à la régularité de la réunion du 10 février 2015, ils prétendent qu’elle fut initiée en exécution de la quatrième résolution prise lors de l’Assemblée du 09 janvier 2015 et qu’elle est initiée en vue de régler les problèmes de subtilisation des actifs de la CSPIM par une société en concurrence déloyale avec elle;

Enfin, ils sollicitent l’exécution provisoire de la décision à intervenir en la justifiant par l’urgence d’adopter des décisions collectives et de modifier les têtes dirigeantes au sein de la direction puisqu’à l’issue d’un audit, il s’est avéré notamment que le principe de double signatures auprès des banques a fait l’objet d’un abus ;

Ils prétendent que l’intérêt social dicte que les nouvelles résolutions soient adoptées, outre qu’ils ont déjà introduit une action en concurrence déloyale constatant ces agissements frauduleux dont se sont rendus complices les actionnaires français ;

Les requérants ont rajouté à leurs prétentions précédentes que les requis ne peuvent se retrancher derrière des dispositions légales pour remettre en cause tant le protocole d’accord fixant les relations des parties que les dispositions des statuts mis à jour, pour bafouer les droits des « actionnaires français »;

Ils prétendent qu’il n’y a également aucune urgence justifiant une exécution provisoire puisqu’il est manifeste qu’il y a dysfonctionnement notoire au sein de la société, outre que les allégations d’abus de biens sociaux et de fraudes invoquées par les requis sont dénuées de preuves ;

Vu toutes les pièces du dossier ;

L’affaire fut clôturée le 16 mai 2019 puis l’Ordonnance de clôture fut révoquée pour cause grave le 20 juin 2019;

Le juge de la mise en état a passé outre du motif de révocation et a de nouveau clôturé le dossier le 02 août 2019 ;

DISCUSSION:

I-En la forme,

Sur la jonction de procédures :

La jonction des procédures n°369/14 et 124/15 s’impose pour une bonne administration de la justice et afin d’éviter toute contrariété de décisions ;

En effet, la procédure 124/15 fut initiée par les requérants comme une suite et conséquence de la suspension de toute réunion délibérative jusqu’à l’issue de la procédure en annulation de la réunion du Conseil d’Administration du 06 novembre 2014 engagée dans la procédure n°369/14 ;

Il y a manifestement lien de connexité entre les deux procédures, il y a donc lieu de le joindre ;

Sur l’exception de non-communication de pièces :

L’article 15 du code de procédure civile édicte que « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense » ;

En l’espèce, ayant pu constituer des conseils et ayant pu également s’identifier dans la requête et la convocation à eux envoyée, les défendeurs sont mal venus à prétendre avoir été bafoués dans leur droit à la contradiction ;

Quant aux pièces des requérants, il est de principe entre les conseils de faire la communication entre eux et preuve est versée dans le dossier qu’elles ont été dument communiquées, outre que les requis ont pu présenter leur moyen de défense en débattant de ces pièces ;

L’appréciation du temps raisonnable pour le délai de communication est toutefois relative mais tant que les requis ont pu se défendre, le tribunal estime qu’il n’y a pas de grief et les conseils des requis ont donné quittance lors de la transmission des pièces ;

Il n’y a donc pas lieu d’écarter des débats les pièces des requérants ;

Sur l’exception de nullité des requêtes :

 

En premier lieu, il convient de rappeler les dispositions de l’article 18 du code de procédure civile en ces termes « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public » ;

Les requis soulèvent la nullité des requêtes introductives d’instance notamment pour le défaut de précisions sur les nom, prénoms usuels, demeure et qualité des défendeurs comme l’exige l’article 117 du même code, sauf que ces exigences ne sont pas prescrites à peine de nullité et ne sont donc pas d’ordre public ;

Par ailleurs, le Président du Tribunal de commerce qui a prescrit l’enrôlement peut toujours inviter les demandeurs à fournir toutes précisions nécessaires avant d’ordonner la convocation des défendeurs et les défendeurs ont été dument touchés par ladite convocation sinon ils n’auraient pu se défendre comme le prévoit les articles 120 et 121 du code de procédure civile;

Quant à la preuve de la désorganisation des moyens de défense des requis, le tribunal constate le contraire, outre qu’ils ont pu pendant plusieurs années où le dossier fut renvoyé, produire tous leurs arguments sans aucun grief subi concernant la défense et la contradiction des débats ;

Le tribunal estime ainsi que l’exception n’est pas fondée et il y a lieu de déclarer les requêtes recevables ;

Sur la demande reconventionnelle :

La demande formée par les requis s’étant prescrite aux dispositions des articles 355 et suivants du code de procédure civile, il y a lieu de la déclarer recevable ;

II-Au fond

Sur le chef de demande d’annulation des délibérations prises lors du Conseil d’Administration de la CSPIM du 06 novembre 2014 joint au chef de demande de rétablissement par le tribunal de la prépondérance de la voix de Monsieur DUBERNARD en tant que Président du Conseil d’Administration de la CSPIM :

Il résulte du procès-verbal de la réunion du Conseil d’Administration du 06 novembre 2014 qu’à chaque résolution prise par le Conseil, aucune majorité n’est atteinte puisque les deux groupes d’actionnaires ont les mêmes voix, à savoir Monsieur DUBERNARD et Madame RAZAKASOLO d’un côté, et Monsieur ANSART et Monsieur ALBALADEJO, représenté pendant la séance par Monsieur ANSART, d’un autre ;

En précisant toutefois que les décisions ont été adoptées à la majorité des voix, le Conseil a ainsi tenu en considération la prépondérance de la voix de Monsieur DUBERNARD en tant que Président du Conseil, votant d’un côté en tant qu’actionnaire avec un vote de plus en tant que Président pour atteindre la majorité requise par les statuts ;

Certes, la mise à jour des statuts en date du 14 octobre 2013 en son article 23 évoque la majorité des voix des membres, mais cette majorité ne peut être atteinte avec l’équité au vu des désaccords entre les deux groupes d’actionnaires sans une prépondérance de voix ;

Or, en son article 483 alinéa 2, la loi 2003-036 sur les sociétés commerciales dispose que « les décisions du conseil d’administration sont prises à la majorité des membres présents ou représentés, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte. En cas de partage des voix, la voix du président de séance est prépondérante sauf dispositions contraires des statuts.

Toute décision prise en violation des dispositions du présent article est nulle » ;

Cette disposition légale règle l’issue d’une majorité impossible à atteindre, sauf s’il est expressément prévu par les nouveaux statuts mis à jour que le président de séance n’a aucune prépondérance de voix ;

En l’espèce, les statuts mis à jour n’évoquent pas l’interdiction formelle de cette prépondérance de voix en cas de partage des voix, se cantonnant à aborder les questions de quorum dans le cas où des administrateurs venaient à être absents sans être dument représentés ;

Tel n’est pourtant pas le cas puisque Monsieur ALBALADEJO était dument représenté par Monsieur ANSART et les Administrateurs étaient donc tous présents ;

Force est de rappeler que la loi prime sur les statuts et les statuts ne peuvent pas aller à l’encontre de la loi et doivent être rédigés dans le cadre de la loi ;

Que la mise à jour des statuts n’est point illégale mais la loi peut pallier à toute carence ou omission dans les statuts et qui ne peuvent être résolue par les actionnaires et ce, dans l’intérêt de la société, aussi, le tribunal estime que les délibérations adoptées sont régulières et sont adoptées à la majorité en considération de la prépondérance de la voix délibérative du Président du Conseil;

La loi des parties demeure quant à l’approbation des mises à jour des statuts mais la loi prime quant à l’intérêt de la société sur les carences des statuts tant que ces carences ou omissions ne sont pas contraires à l’ordre public, l’usage et l’équité ;

Il y a donc lieu de constater que les délibérations adoptées sont régulières et prises par un Conseil dument constitué avec une majorité simple du fait de la prépondérance de voix du Président du Conseil d’Administration;

Sur le chef de demande d’annulation du procès-verbal de la réunion ainsi que son enregistrement au bureau fiscal le 07 novembre 2014 :

Suivant procès-verbal de constat du 06 novembre 2014, Messieurs ANSART et ALBALADEJO ont tenu à récupérer le procès-verbal de la réunion du Conseil d’Administration du même jour et ont fait consigné sur l’acte d’huissier leurs dires ainsi reproduits : « (Monsieur ANSART) je ne signe pas tout de suite ce document et j’exige l’application de l’article 24 alinéa 3 du statut (…) il s’agit d’un projet de procès-verbal que je devrais lire et approuver dans un délai de 15 jours à compter de la réception donc je le prends » ;

L’article 24 des statuts mis à jour dispose qu’ « à titre de règlement intérieur, tout Administrateur présent peut exiger que le procès-verbal de réunion soit signé de lui avant sa diffusion à tout tiers. Il ne dispose pour ce faire que d’un délai de quinze jours après réception du projet de procès-verbal (…) » ;

Cependant, pour pouvoir exercer ce droit, l’Administrateur aurait dû l’invoquer pendant la séance et non pas, à postériori, à l’insu des autres Administrateurs présents et en ne s’adressant qu’au secrétaire de séance, sensé lui remettre le procès-verbal et non un projet comme Monsieur ANSART voudrait le soutenir ;

Il y a lieu de dire que ce moyen invoqué par les requérants est mal fondé pour annuler le procès-verbal ;

Quant au moyen tiré de l’irrégularité du procès-verbal pour son enregistrement au bureau fiscal dès le 07 novembre 2014 et ce, en fraude des droits des « associés français », aucun grief n’est rapporté par les requérants, d’autant plus que l’enregistrement fiscal n’est pas une condition de validité du procès-verbal, emportant nullité dans le cas où cette exigence fiscale fut faite ou pas ;

Si les requérants entendaient mettre des réserves ou des observations, cela n’en affecte pas la validité du procès-verbal, dument établi et signé par le président du conseil d’administration conformément à l’article 488 de la loi sur les sociétés commerciales ;

En tout état de cause, le procès-verbal fait foi jusqu’à preuve du contraire selon l’article 489 de la même loi et Monsieur ANSART ne conteste pourtant pas les déroulements des débats et des délibérations qu’il n’a pas argué de faux, il ne conteste que l’application de la voix prépondérante du Président ;

Ainsi, le tribunal constate que le procès-verbal est régulier, il n’y a pas lieu de l’annuler ;

Sur le chef de demande d’annulation des procès-verbaux de la réunion du Conseil d’Administration du 19 janvier 2015 et celui de l’Assemblée Générale Mixte du 10 février 2015 :

Certes, le Tribunal des référés d’Antananarivo a ordonné la suspension d’exécution du procès-verbal de la réunion du Conseil d’Administration de la CSPIM du 06 novembre 2014 jusqu’à l’issue de la procédure au fond ici statué et cette décision fut confirmée par le Premier Président de la Cour d’Appel d’Antananarivo suivant Ordonnance n°01 du 06 janvier 2015, toutefois, le fait nouveau est que le présent tribunal statuant sur le fond estime que les délibérations dudit Conseil sont régulières et doivent ainsi être effectives ;

Par une autre Ordonnance n°192 du 16 janvier 2015, le tribunal des référés a ensuite ordonné la suspension de la tenue de toute réunion du Conseil d’Administration de la CSPIM toujours jusqu’à l’issue de la procédure n°369/14 ;

Cependant, le fond n’étant pas lié par le juge des référés qui est juge du provisoire, d’autant plus que le motif invoqué par le juge des référés étant l’issue de la présente procédure au fond qui n’a pas donné gain de cause aux requérants ;

Par ailleurs, les décisions en référé étant provisoires mais n’ont pas un caractère définitif, leur exécution ou non étant aux risques et péril de celui qui s’en prévaut ou celui qui ne veut pas s’y conformer sans que pour autant cela puisse affecter la validité d’un Conseil d’Administration ;

En effet, ledit Conseil est régulier à partir du moment où il fut tenu en respectant les prescriptions de la loi sur sa convocation et la tenue du Conseil qui en l’espèce, a respecté les convocations mais les Administrateurs français n’ont pas cru bon s’y présenter ;

Les décisions adoptées au cours dudit Conseil d’Administration du 19 janvier 2015 sont ainsi régulières avec le quorum atteint et les décisions adoptées à l’unanimité des membres présents ;

Il en est de même pour la validité de l’Assemblée Générale Mixte du 10 février 2015 et qui, bien qu’elle fut annulée par le tribunal des référés aux motifs notamment que « Monsieur DUBERNARD n’a fait aucune référence à une décision du Conseil d’Administration ayant prononcé la tenue d’une assemblée dans la convocation », outre la suspension de toutes réunions ordonnée dans les autres décisions de référé, ne lie pas le présent tribunal ;

En tout état de cause, il incombe aux requérants de rapporter la preuve de l’irrégularité de la convocation et le tribunal ne peut pallier à la carence d’une partie de produire au dossier l’irrégularité de la convocation notamment si elle l’estime irrégulière, le dossier ayant été renvoyé pendant plusieurs mois pour permettre aux requérants de produire ces pièces, le tribunal ne peut suppléer à cette carence ;

Par ailleurs, les requérants n’apportent aucune autre prétention mis à part cette décision du provisoire pour contester la validité de l’Assemblée Générale et le procès-verbal ne faisant l’objet d’aucune contestation sur son contenu également, il y a lieu de faire application de l’article 489 de la loi sur les sociétés commerciales et ledit procès-verbal fait ainsi foi jusqu’à preuve du contraire ;

Lesdits procès-verbaux ainsi que tous les actes subséquents qui en découlent sont donc réguliers et peuvent être effectifs ;

Sur le chef de demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire d’un montant de 50.000.000 ariary:

L’article 3 du code de procédure civile édicte que « l’exercice de l’action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages intérêts que si elle constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou, au moins, une erreur grossière équipollente au dol » ;

Dans ses prétentions, les requérants ont évoqué que la mise à jour des statuts était initiée dans le but de ne pas avantager l’un quelconque des groupes d’actionnaires, les obligeant ainsi à trouver un consensus alors qu’ils avancent eux-mêmes que le dysfonctionnement de la société est notoire, plus particulièrement les dissensions entre les administrateurs ;

Ainsi, manifestement, la volonté des requérants est d’empêcher toute prise de décision alors que cela ne peut que nuire aux intérêts de la société, usant et abusant ainsi de procédures judiciaires pour faire perdurer le blocage et le dysfonctionnement de la société, ce qui constitue un acte de malice et de mauvaise foi manifeste causant un préjudice tant à la société qu’aux autres actionnaires dont l’investissement se trouve non pérennisé ;

Toutefois, le tribunal estime être en possession d’éléments d’appréciation suffisantes pour ramener le quantum de la demande à la somme de 10.000.000 ariary ;

Sur l’exécution provisoire:

Le blocage au sein de la société CSPIM pour les prises de décision affecte le fonctionnement normal de la Société alors qu’il est délégataire d’une mission de service public de par le contrat BOT impliquant la sécurisation aéroportuaire ;

Les pouvoirs de signature et de décision au niveau de la direction générale s’en retrouvent perturbés alors que les décisions entérinées et prises par le Conseil d’Administration et l’Assemblée Générale Mixte sont donc régulières et doivent prendre effet;

L’urgence au sens de l’article 190 du code de procédure civile est ainsi caractérisée, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire concernant l’effectivité des délibérations prises lors du Conseil d’Administration du 06 novembre 2014, celles du 19 janvier 2015 ainsi que les décisions adoptées par l’Assemblée Générale Mixte du 10 février 2015 ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en premier ressort ;

Vu l’Ordonnance de clôture n°504 du 02 août 2019 ;

Ordonne la jonction des procédures n°369/14 et 124/15 ;

Déclare les exceptions de non communication de pièces et de nullité des requêtes introductives d’instance mal fondées ;

Dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter des débats les pièces communiquées par Messieurs Jean Joël ANSART et Raphaël ALBALADEJO par le biais de leur conseil ;

Déclare régulières et recevables les requêtes introductives d’instance dans les deux procédures susdites ;

Déclare recevable la demande reconventionnelle formulée par Madame Herisoa RAZAKASOLO et Messieurs Zakazo RANAIVOSON/Francis DUBERNARD ;

Déboute Messieurs Jean Joël ANSART et Raphaël ALBALADEJO de toutes leurs demandes ;

Déclare régulières les délibérations adoptées par le Conseil d’Administration du 06 novembre 2014, celles du 19 janvier 2015 ainsi que les décisions adoptées par l’Assemblée Générale Mixte du 10 février 2015 de la Compagnie de Sécurité Privée et Industrielle de Madagascar(CSPIM);

Constate la régularité et la validité des procès-verbaux constatant lesdites délibérations et dit que lesdites délibérations produisent leur plein et entier effet;

Condamne Messieurs Jean Joël ANSART et Raphaël ALBALADEJO au paiement de la somme de 10.000.000 ariary à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision concernant l’effectivité des délibérations prises lors du Conseil d’Administration du 06 novembre 2014, celles du 19 janvier 2015 ainsi que les décisions adoptées par l’Assemblée Générale Mixte du 10 février 2015 ;

Condamne Messieurs Jean Joël ANSART et Raphaël ALBALADEJO aux frais et dépens, dont distraction au profit de Mes Lalao RAKOTOTAHINA, Vololontsoanarivo RAZANAJAFIARIVELO FOCK, Philippe DISAINE RAKOTONDRAMBOAHOVA, Avocats aux offres de droit;

Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus, et la minute du présent jugement a été signée, après lecture, par le Président et le greffier./.