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JUGEMENT N° 190C-19

DOSSIER N° : 450/18 RC :493/18
NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :190C-19 DU 25/07/2019
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 13/07/2018
DELAI DE TRAITEMENT : __1 Année(s) 0 Mois 20 Jour(s)
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Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique ordinaire du jeudi vingt-cinq juillet deux mille dix-neuf , salle 7 (2), où siégeaient :
Madame/ Monsieur, RAKOTOARILALAINA Rosa – PRESIDENT
En présence de : Mme/ Mr ANDRIAMANOHISOA Damase – ASSESSEUR
RAKOTOMAVO Freddie – ASSESSEUR
Assisté(e) de Me RAHARISON Rova – GREFFIER
Il a été rendu le Jugement suivant :
ENTRE :
Société Civile Immobilière ROVA SARL , ayant son siège à Lot IVE 88 Ter Behoririka Antananarivo , ayant pour Conseil Maître : RAHARISON HERIMAMY Lalaina
Requérant(e), comparant et concluant.
ET :
RAKOTONIRINA Clément Gabhy , ayant son siège à Lot II F 28 Ter C Andraisoro Antananarivo , ayant pour Conseil Maître:
ANDRIANARISOA Eddy Ramangason
Requis(e), comparant et concluant.
LE TRIBUNAL
Vu toutes les pièces du dossier :
Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;
Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par assignation en date du 23 juin 2018, la société civile immobilière ROVA SARL, représentée par Sieur RANAIVO Claude Marie Paulin a attrait au Tribunal Sieur RAKOTONIRINA Clément Gabhy pour s’entendre :
l Résilier le contrat de bail n°C106/AC/17 du 13 septembre 2017 ;
l Ordonner l’expulsion, si besoin manu militari de Sieur RAKOTONIRINA Clément Gabhy ainsi que de tout occupant de son chef, du stand n°C106 sis au 1er étage du bâtiment T de l’immeuble AVANCE CENTER à Behoririka;
l Ordonner l’ouverture des lieux en cas de fermeture ;
l Condamner le requis au paiement de 14 mois de loyers impayés du mois de décembre 2016 au mois de janvier 2018, d’un montant total de 20 079 840 ariary en principal ainsi que ceux à échoir jusqu’à parfaite libération des lieux ;
l Le condamner au paiement de 1 326 000 ariary à titre de remboursement des frais de recouvrement prévu à l’article 8 du contrat de bail détaillés comme suit : trois exploits d’huissier, frais d’enrôlement de la procédure, frais d’honoraire du Conseil ;
l Le condamner au paiement de 6 000 000 ariary à titre de dommages intérêts pour toutes causes de préjudice confondues ;
l Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir concernant le montant principal des loyers impayés au moment du prononcé de la décision à intervenir ainsi que l’expulsion du requis nonobstant toutes voies de recours ;
l Laisser au requis les frais et dépens de l’instance dont distraction au profit de Me RAHARISON Lalaina, Avocat aux offres de droit.
Par sa conclusion en date du 12 avril 2019, Mr RAKOTONIRNA Clément Gabhy, par l’organe de son Conseil Me Eddy RAMANGASON demande in limine litis de déclarer nulle l’assignation en expulsion devant le tribunal de commerce mais le tribunal de céans a déclaré mal fondée cette exception.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Aux motifs de ses demandes, la société civile immobilière ROVA SARL par le truchement de son Conseil Me RAHARISON Lalaina, Avocat à la Cour, fait valoir les moyens suivants :
Sieur RAKOTONIRINA Clément Gabhy est locataire du stand n°C106 sis au 1er étage du bâtiment T de l’immeuble AVANCE CENTER à Behoririka appartenant à la requérante, suivant un premier contrat de bail n°C106/AC/15 du 27 août 2015 qui prévoit en son article 4 un loyer mensuel de 951 000 ariary hors taxes ou 1 141 200 ariary TTC (avec un taxe de 20%);
Ledit contrat a été renouvelé suivant contrat n°C106/AC/17 du 13 septembre 2017 avec un loyer mensuel légèrement révisé à 975 000 ariary hors taxes,soit 1 170 000 ariary TTC ;
L’article 8 de ces deux contrats dispose qu’une majoration de 5% est due pour tout paiement de facture en retard à partir du 06 du mois en cours alors que le requis n’a plus payé ses loyers depuis le mois de décembre 2016 jusqu’à ce jour, soit 1 141 200 ariary fois 09 mois (décembre 2016 à août 2017, montant sous l’ancien contrat) = 10 270 800 ariary + majoration de 5% de 57 060 ariary fois 9 mois, égal à 513 540 ariary, 1 170 000 ariary fois 5 mois( de septembre 2017 à janvier 2018), montant sous le nouveau contrat, égal à 5 850 000 ariary + majoration de 5% de 58 500 ariary fois 5 mois, égal à 292 500 ariary ;
Mais depuis septembre 2015 à novembre 2016, sous l’ancien loyer de 1 141 200 ariary, soit durant 15 mois, il a été payé par erreur par le requis la somme mensuelle de 1 340 500 ariary ;
La différence entre 1 340 500 ariary et le loyer réel de 1 141 200 ariary égal à 199 300 ariary fois 15 mois égal à 2 989 500 ariary ;
De ce qui précède, le montant actuellement dû par le requis est de 20 079 840 ariary ;
Un commandement de payer a été servi le 31 octobre 2017 pour les loyers impayés du mois de décembre 2016 au mois d’octobre 2017 mais demeure infructueux alors qu’il est de jurisprudence constante que le non-paiement d’un seul terme de loyer à son échéance après un commandement de payer sans effet dans un délai d’un mois justifie la résiliation du bail et l’expulsion du locataire ;
Il y a urgence vu que le cumul des loyers peut dépasser les possibilités matérielles du locataire alors que ce dernier persiste à rester sur les lieux, les conditions requises par l’article 190 du code de procédure civile sur
l’exécution provisoire sont ainsi remplies.
Elle verse au dossier un commandement de payer en date du 31 octobre 2017 qui a repris les termes des articles 41 et 43 de la loi sur les baux commerciaux et pour épuiser les recours à l’amiable, elle a encore envoyé un exploit d’huissier en date du 29 janvier 2018 dans lequel les termes du commandement de payer du 31 octobre 2017 ont été réitérés avec ceux des articles 41 et 43 de la loi n°2015-017 ;
Les loyers impayés jusqu’au mois de juin 2018 remontait à 20 079 840 ariary mais le montant des loyers actuellement échus jusqu’au mois d’octobre 2018 est de 24 993 840 ariary ;
Au vu de la mauvaise foi du requis et du montant significatif des préjudices,
il y a urgence à ce que cette violation contractuelle soit interrompue.
Pour appuyer ses prétentions, la verse au dossier :
l Le contrat de bail n°C106/AC/15 du 27 août 2015
l le contrat de bail n°C106/AC/17 du 13 septembre 2017 ;
l le commandement de payer en date du 31 octobre 2017 ;
l signification de mise en demeure du 29 janvier 2018 ;
l extrait de jurisprudence CA Antananarivo, 8ème section, Arrêt ADD n°813,06/07/1998 ;
l commandement de payer du 20 avril 2017 et la présente assignation ;
l convention d’honoraires du 22 février 2017 ;
l commandement de payer du 31 octobre 2017.
Mr RAKOTONIRNA Clément Gabhy, par l’organe de son Conseil Me Eddy RAMANGASON, rétorque que le bailleur est malvenu de demander la résiliation du contrat de bail et en expulsion sans s’être conformé aux dispositions de l’article 43 de la loi n°2015-037 sur le régime juridique des baux commerciaux, notamment la mise en demeure par acte extrajudiciaire, qu’il échet de prononcer l’irrecevabilité des demandes de la requérante ;
Selon la requérante, le requis n’a plus payé ses loyers depuis décembre 2016, soit 9 mois avant le renouvellement du contrat alors que la bailleresse a quand même renouvelé le contrat pour une durée de 2 ans, le contrat prendra fin donc en 2019 ;
Il y a ainsi mauvaise foi manifeste de la part de la requérante de surendetter le requis et nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ;
Au début, le commerce était rentable et le requis avait pu payer ses loyers selon les termes du contrat mais depuis fin 2016, à cause de la conjoncture économique et plusieurs vols commis par l’un de ses anciens employés, le commerce n’était plus rentable ;
Il n’y a pas d’urgence justifiant l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
A titre reconventionnel et pour faire preuve de sa bonne foi, le requis demande au tribunal de lui accorder un délai de grâce de 12 mois pour pouvoir s’acquitter de ses dettes ;
Enfin, à l’examen des dossiers déposés par la requérante, il s’avère que le contrat générateur de droit de la requérante venant du vrai propriétaire n’est pas versé, qu’il y a lieu d’ordonner la société SCI ROVA SARL de produire le contrat la liant au vrai propriétaire.
DISCUSSION:
En la forme:
Sur la demande de paiement des frais de recouvrement tels que les exploits d’Huissier, le frais d’enrôlement, le frais d’honoraires du Conseil, l’article 198.2 du code de procédure civile énonce que la liquidation des dépens est
faite par ordonnance du président qui demeure annexée aux pièces de la procédure. Ceci étant, la demande de paiement des dépens est introduite dans une autre procédure, qu’il y a lieu de déclarer ces demandes irrecevables.
Les autres demandes ont été présentées suivant l’assignation servie en respect des articles 135 et suivants du code de procédure civile, qu’il convient de les déclarer recevables.
Au fond :
Sur la résiliation du bail, l’expulsion, la demande de délai de grâce et du paiement des loyers :
L’article 43 de la loi n°2015-037 sur le régime juridique des baux commerciaux prévoit que le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions du bail. A défaut de paiement du loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail, le bailleur peut demander au tribunal de commerce la résiliation du bail et l’expulsion du preneur, et de tous occupants de son chef, sans préjudice d’éventuels dommages-intérêts,
après avoir fait délivrer par acte extrajudiciaire une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail.
En l’espèce, le locataire reconnaît qu’il n’a pas honoré ses obligations à cause de la conjoncture économique et des vols commis pas un de ses employés. Il demande en conséquence un délai de grâce de un an pour payer ses dettes.
L’article 52 de la loi sur les théories générales des obligations stipule que les juges peuvent accorder exceptionnellement au débiteur des délais qui ne pourront au total dépasser un an.
Cependant, il est de jurisprudence constante que le juge n’accorde un délai de grâce que si le débiteur présente sa bonne foi par un commencement de paiement ou un calendrier de paiement sérieux. Ce qui n’est pas le cas, qu’il
convient ainsi de débouter le requis de sa demande de délai de grâce.
Ceci étant, il y a lieu de prononcer la résiliation du contrat de bail qui lie les parties et d’ordonner l’expulsion de Mr RAKOTONIRNA Clément Gabhy du local litigieux, ainsi que de tout occupant de son chef, si besoin, manu militari, d’ordonner l’ouverture des lieux en cas de fermeture.
En application de l’article 43 suscité, suite à la conclusion de la requérante communiquée à l’audience du 04 octobre 2018, demandant la condamnation de Sieur RAKOTONIRNA Clément Gabhy à lui payer la somme de 24 993 840 ariary à titre de 23 mois de loyers échus jusqu’au mois d’octobre 2018 avec une majoration de 5% et ceux à échoir jusqu’à la libération effective des lieux, le tribunal condamne également le requis à payer cette somme à la société ROVA SARL,
Sur les dommages-intérêts :
En application de l’article 193 de la LTGO, la requérante a droit à des dommages-intérêts en réparation des préjudices qu’elle a subi du fait du retard de paiement de la créance. Cependant, le montant demandé est trop excessif qu’il convient de le ramener à sa juste proportion et de le fixer à 2 000 000 Ariary.
Sur l’exécution provisoire :
Ni l’urgence ni le péril en la demeure exigé par l’article 190 du code de procédure civile ne sont justifiés. Il convient en conséquence de rejeter l’exécution provisoire sollicitée.
P A R C E S M O T I F S ,
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort,
En la forme :
Reçoit les demandes ;
Au fond :
l Prononce la résiliation des contrats de bail qui lient la société civile immobilière ROVA SARL et Sieur RAKOTONIRINA Clément Gabhy;
l Ordonne l’expulsion du preneur du lieu ainsi que de tous occupants de son chef, si besoin manu militari;
l Ordonne l’ouverture des lieux en cas de fermeture ;
l Condamne le requis au à payer à la requérante la somme de 24 993 840 ariary en principal à titre de loyers impayés et ceux à échoir jusqu’à parfait paiement;
l Déboute Sieur RAKOTONIRINA Clément Gabhy de sa demande de délai de grâce ;
l Le condamne à lui payer 2 000 000 ariary à titre de dommages-intérêts ;
l Déboute le requérant de sa demande de délai de grâce ;
l Ordonne l’ouverture des lieux en cas de fermeture ;
l Laisser les frais et dépens de l’instance à la charge du requis.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus
et la minute du présent jugement a été signée après lecture par le
PRESIDENT et le GREFFIER.