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JUGEMENT N° 306-c/19

DOSSIER N° : 883/18 RC :971/18

NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE

JUGEMENT N° : 306-c/19 DU 12/12/2019

PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 29/11/2018

DELAI DE TRAITEMENT : __1 Année(s) 0 Mois 20 Jour(s)

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Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique

ordinaire du jeudi douze décembre deux mille dix-neuf , salle 7 (2), où

siégeaient :

Madame/ Monsieur, RAKOTOARILALAINA Rosa – PRESIDENT

En présence de :

Mme/ Mr RAVELOSON Landy – ASSESSEUR

RAZAFIMIHARY Mejamirado – ASSESSEUR

Assisté(e) de Me RAMORASATA Hanitramalala – GREFFIER

Il a été rendu le Jugement suivant :

ENTRE :

La Bank Of Africa-BOA MADAGASCAR , ayant son siège à 2,place de l’indépendance Antaninarenina , ayant pour Conseil Maître :RAKOTONATOANDRO Eleonore

Requérant(e), comparant et concluant.

ET :

Société MAHA-TRANS SARLU , ayant son siège à Lot 123 Parcelle 447Ambalavola , ayant pour Conseil Maître : Issak Houssen Vadia

Requis(e), comparant et concluant.

LE TRIBUNAL

Vu toutes les pièces du dossier :

Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;

Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par assignation en date du 16 novembre 2018, la BANK OF AFRICA, représentée par son Directeur Central, Sieur RAKOTONAIVO Emile, a attrait au tribunal la société MAHA-TRANS SARLU, pour s’entendre :

  • Déclarer bonne et valable les saisies conservatoires pratiquées le 28 septembre 2018 et le 13 octobre 2018 et les convertir en saisie exécution;
  • Ordonner l’exécution provisoire du jugement nonobstant toutes voies de recours et sans caution.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Au soutien de ses demandes, la banque BOA fait valoir qu’elle est créancière de la société MAHA-TRANS SARLU d’une somme d’un montant de 7 986 545 940Ariary 92 ;

Toutes les démarches amiables en recouvrement de sa créance sont demeurées vaines et infructueuses ;

Une lettre de mise en demeure lui a ainsi été envoyée mais la requise ne s’est pas manifestée ;

En conséquence, par ordonnance n°575 rendue par le Président du Tribunal de Commerce d’Antananarivo, la BOA a été autorisée à pratiquer la saisie arrêt de tous les comptes bancaires ouverts au nom de la société MAHA-TRANS SARLU auprès de tous établissements bancaires ou tout autre Etablissement de crédit et de procéder à la saisie-conservatoire des biens meubles, effets mobiliers et véhicules appartenant à la requise pour avoir sûreté et garantie de sa créance.

La société MAHA-TRANS SARLU, représentée par son gérant statutaire, Sieur Sylvain et par le biais de son Conseil Me Isaak Houssen Vadia, Avocat, rétorque qu’elle soulève in limine litis les exceptions suivantes :

  • Une exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce de MAHAJANGA en application de l’article 80 du code de procédure civile qui dispose péremptoirement qu’en matière commerciale, les actions sont portées devant le tribunal du domicile du défendeur. Le siège social de la requise se trouve à Mahajanga, qu’il y a lieu pour le tribunal de céans de se déclarer incompétent. En outre, l’article 128-5 du code de procédure civile, étant d’ordre public, prévoit que les sociétés commerciales, jusqu’à leur liquidation définitive, sont convoquées en leur maison sociale ou au lieu de leur principal établissement et s’il n’y en a pas, en la personne ou au domicile réel de leurs associés.
  • Une exception de nullité de l’assignation qui ne respecte pas l’article 129 du code de procédure civile sur le délai entre la délivrance de l’assignation et le jour indiqué pour la comparution à l’audience vu que le siège social de la requise se trouve à Mahajanga et requiert ainsi un délai d’u mois au lieu de 13 jours.
  • Sur le non respect du droit d’opposition étant donné que la société MAHA-TRANS SARLU a formé opposition sous le numéro 106-                Cdu 02 octobre 2018 contre l’ordonnance n°575 du 27 septembre 2018, laquelle est devenue sans objet jusqu’à l’issue de la décision de la Cambre des référés, vu les dispositions de l’article 159.3 du code de procédure civile qui prévoit que l’exécution provisoire est suspendue à compter de l’assignation, la saisie conservatoire opérée est ainsi nulle et non avenue.
  • Une exception sur le non respect de la communication des pièces à l’appui de l’assignation.

Au fond :

Suivant lettre du 26 mars 2018 émanant de la BOA et dûment signée par ses deux responsables, l’objet est relatif au « Dispositif de financement, il ressort que la BOA a accordé un escompte commerciale de 650 000 000 Ariary et un découvert de 200 000 000 Ariary à la requise dont la validité s’expire le 31 mars 2019 ;

Le recouvrement de la créance avant le 31 mars 2019 constitue une rupture abusive et vexatoire de la convention ;

Le fait par la BOA de pratiquer une saisie conservatoire sur la base d’une ordonnance frappée d’opposition ayant entraîné l’immobilisation de deux camions le 13 octobre 2018 a causé des préjudices et que la requise sollicite reconventionnellement de condamner la BOA à lui payer la somme de 850 000 000 Ariary et une astreinte de 2 800 000 Ariary par jour à compter du 13 octobre 2018, date de la saisie conservatoire à Toamasina pour saisie abusive ;

En plus, la convention de prêt versée au dossier est incomplète rendant ainsi impossible de déterminer la compétence du tribunal en cas de litige, cette convention comporte sept pages alors que la BOA n’a versé qu’une seule page, qu’il y a lieu de la débouter en l’état de ses demandes ;

La BOA aurait dû vider l’exécution de la grosse de l’Ordonnance sur requête n°576 du 27 septembre 2018 relatif au nantissement de véhicule du 14 août 2017 avant la saisie conservatoire, l’exécution simultanée de ces deux Ordonnances pour une seule créance entraîne une insécurité juridique et une confusion de la créance.

De tout ce qui précède, la société MAHA-TRANS SARLU demande au tribunal :

En la forme :

  • Se déclarer incompétent au profit du Tribunal de Première Instance de Mahajanga ;
  • A défaut, constater la nullité de l’assignation du 16 novembre 2018 ;
  • Constater la nullité des saisies conservatoires pratiquées le 13 octobre 2018 et le 15 octobre 2018 à Toamasina ;

Au fond :

  • Débouter en l’état la BOA du chef de ses demandes ;
  • Recevoir la demande reconventionnelle et la déclarer fondée ;
  • Par conséquent, condamner la BOA à payer à la requise la somme de 850 000 000 Ariary pour rupture abusive d’une convention valable jusqu’au 31 mars 2019 ;
  • La condamner également à une astreinte de 2 800 000 Ariary jusqu’à parfait paiement à compter du 13 octobre 2018 ;
  • Ordonner l’exécution provisoire notamment sur la demande reconventionnelle ;
  • Laisser les frais et dépens à la charge de la BOA dont distraction au profit de Me Isaak Houssen Vadia, Avocat aux offres de droit.

Pour étayer ses dires, la société MAHA-TRANS SARLU verse au dossier :

  • Itératif commandement avec PV de saisie conservatoire du 13 octobre 2018 et le 15 octobre 2018 ;
  • PV de saisie conservatoire du 28 septembre 2018 ;
  • Statut de la société MAHA-TRANS SARLU ;
  • Certificat d’opposition n°106-C du 02 octobre 2018 et sa signification ;
  • Ordonnance sur requête n°575 et n°576 du 27 septembre 2018 ;
  • Ordonnance sur requête n°575 du 27 septembre 2018 ;
  • Lettre du 26 mars 2018émanant de la BOA.

Par ses conclusions responsives et par le truchement de son Conseil Me Eléonore RAKOTONATOANDRO, Avocat à la Cour, la BOA réplique qu’elle est dans l’intérêt de prendre des mesures conservatoires destinées à sauvegarder sa créance ;

Le tribunal de référé a débouté la requise de sa demande de rétractation de l’ordonnance  n°575 du 27 septembre 2018 ;

Quant à l’exception d’incompétence du tribunal, dans toutes les conventions liant les deux parties, il est fait attribution à la Juridiction d’Antananarivo et le Sieur Sylvain, gérant représentant de la société a fait élection de domicile à son bureau sis à Tanjombato lot II A 19 Enceinte France Pub Antananarivo 102, l’assignation a ainsi été faite dans le délai légal à Antananarivo ;

De plus, la société MAHATRANS SARLU n’a jamais refusé ni opposé de recevoir les lettres que la BOA avait envoyé à l’adresse Tanjombato lot II A 19 Enceinte France Pub Tanjombato Antananarivo 102, une adresse que la requise avait même communiquée à la BOA ;

D’autant plus, l’article 18.2 du code de procédure civile exige que le grief subi par l’adversaire soit prouvé ;

Sur l’exception pour non respect de l’article 722 du code de procédure civile, les saisies ont été pratiquées le 28 septembre et le 15 octobre 2018 et l’action en validation n’a été introduite que le 16 novembre 2018, l’instance n’a donc été introduite qu’à l’expiration du délai de 15 jours ;

Il y a en conséquence mauvaise foi manifeste de la société requise, toutes les exceptions soulevées ne sauraient prospérer ;

Concernant la lettre intitulée « Dispositif de financement » prétendue par la requise pour soulever une rupture abusive et vexatoire d’une convention, ce n’est qu’une information faite par la banque à son client et n’est jamais constitutive d’une convention de crédit ;

Enfin, la BOA demande additionnellement au tribunal 100 000 000 Ariary de dommages-intérêts ;

En conséquence, la BOA sollicite au tribunal de :

  • Déclarer les exceptions soulevées par la société MAHATRANS SARLU irrecevables ;
  • La débouter de sa demande reconventionnelle ;
  • Ordonner ainsi la validation de la saisie ;
  • Convertir cette saisie en saisie exécution ;
  • Allouer à la BOA 100 000 000 Ariary à titre de dommages-intérêts ;
  • Laisser les frais à la charge de la défenderesse dont distraction au profit de Me Eléonore, Avocat aux offres de droit.

 

Pour appuyer ses prétentions, la BOA Madagascar verse au dossier :

  • Les relevés bancaires présentant le solde de 7 986 545 940Ariary 92 au 31 juillet 2018 pour le compte n°1 390410 030 5.
  • Relevé bancaire du compte n°1 390410 030 5, n°1 390410 007, n °1 390410 034 4, n°1 390410 001 4, n°1 390410 000 1 ;
  •  La mainlevée de nantissements et avenant à l’acte portant nantissements de fonds de commerce de premier rang en date du 21 novembre 2013 ;
  • Le nantissement de fonds de commerce du 10 avril 2014 ;
  • Le nantissement de fonds de commerce étendu aux matériels du 08 août 2016 ;
  • La convention de prêt avec nantissement de véhicule du 14 avril 2017 ;
  • La lettre de mise en demeure du 10 juillet 2018 ;
  • Ordonnance sur requête n°575 et n°576 du 27 septembre 2018 ;
  • PV de saisie conservatoire du 28 septembre 2018 ;
  • Itératif commandement avec PV de saisie conservatoire du 15 octobre 2018.

DISCUSSION:

En la forme:

Les exceptions ont toutes été soulevées in limine litis, qu’il y a lieu de les déclarer recevables et de les prendre une par une :

Sur l’exception d’incompétence au profit du tribunal de Mahajanga, lieu du siège social de la requise, l’article 14 de la Convention de prêt qui lie les parties attribue la compétence de la Juridiction d’Antananarivo en cas de litige. Il convient en conséquence de rejeter cette exception.

Sur l’exception de nullité de l’assignation pour non respect du délai de distance, puisque c’est le Tribunal de Commerce d’Antananarivo qui est compétent, le délai de comparution de 08 jours a été bien respecté. Il y a lieu ainsi de rejeter cette exception.

Sur l’exception de nullité des saisies conservatoires pour non respect de la procédure d’opposition introduite par la société débitrice, l’article 729 du code de procédure civile dispose qu’au cours de l’instance au fond, le débiteur, s’il justifie de motifs sérieux et légitimes, peut en tout état de cause, et par simples conclusions, demander la mainlevée, la réduction ou le cantonnement de la saisie.

Ceci étant, la procédure au fond statue sur la mainlevée demandée par la requise, il n’y a pas lieu d’attendre l’issue de la procédure d’opposition puisque le fond est déjà engagé. D’autant plus que la juridiction des référés a rejeté l’opposition. Il échet en conséquence de rejeter cette exception.

Les demandes présentées en observation des articles 135 et suivants du code de procédure civile, qu’il y a lieu de les déclarer recevables.

Au fond :

Sur les demandes principales :

La BOA Madagascar sollicite au tribunal la validation des saisies conservatoires qu’elle a effectuées en garantie de sa créance évaluée à 7 986 545 940Ariary 92. Cependant, malgré les renvois accordés à pour lui permettre de produire les justifications du montant de sa créance, telles que tous les intérêts mensuels, les débits et les crédits du compte de sa débitrice, la BOA n’a versé que le solde qui est fixé à 7 986 545 940Ariary92 pour le compte n°1 390410 030 5. Ainsi donc, le tribunal ne dispose pas encore les éléments nécessaires lui permettant de vérifier si le montant de la créance est réellement le montant réclamé, qu’il y a lieu de débouter en l’état la BOA Madagascar de toutes ses demandes de validation de saisie conservatoire et de dommages-intérêts.

 Sur les demandes de mainlevée des saisies conservatoires :

L’article 668.1 du  CPC stipule que le tribunal saisi de la demande en validité et de l’action en paiement statue en la forme et au fond.

L’article 668.2 du  CPC énonce en outre que ce tribunal saisi valide la procédure de saisie, si elle est régulière, ou, au contraire, en prononce l’annulation, d’office ou à la demande du saisi.

Ceci étant, les saisies conservatoires pratiquées le 28 septembre 2018 et le 13 octobre 2018 ont fait l’objet d’une assignation en validation en date du 16 novembre 2018, mais comme toutes les demandes dans ladite assignation ont été déboutées en l’état, ces saisies ne sont pas valables vu qu’elles ont été effectuées pour une créance non justifiée. En plus, elles ne respecteraient plus le délai de deux mois exigé par l’article 722 du code de procédure civile pour une prochaine assignation en validation. Il y a lieu en conséquence de prononcer leur annulation conformément à l’article 668.1 et .2 suscité et d’ordonner leur main levée ainsi que celles de la saisie conservatoire en date du 28 septembre 2018.

 

Sur les demandes de dommages-intérêts :

La société MAHATRANS SARLU demande 850 000 000 Ariary de dommages-intérêts pour rupture abusive d’une convention valable jusqu’au 31 mars 2019. En tout état de cause, c’est elle qui est redevable envers la BOA Madagascar même si les pièces justificatives sur la fixation de la créance ne sont pas encore concluantes. En plus, elle a été insolvable envers la requérante. Ceci étant, elle ne peut pas prétendre à des dommages-intérêts vu que c’est la requérante qui a subi des préjudices.

Sur les demandes d’exécution provisoire:

Sur la demande d’exécution provisoire concernant la main levée de la saisie, les requis n’ont pas prouvé l’urgence et le péril en la demeure exigés par l’article 190 et suivant du code de procédure civile, qu’il y a lieu de rejeter la demande.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement,  en matière commerciale et en premier ressort,

En la forme :

  • Reçoit les exceptions soulevées par la société MAHATRANS SARLU ;
  • Les déclare non fondées et les rejette ;
  • Reçoit les demandes.

Au fond :

  • Déboute en l’état la BOA Madagascar de toutes se demandes ;
  • Ordonne la main levée des saisies conservatoires pratiquées le 28 septembre 2018, le 13 octobre 2018 et le 15 octobre 2018 ;
  • Rejette la demande de dommages-intérêts formulée par la société MAHATRANS SARLU ;
  • Laisse les frais et dépens de l’instance à la charge de la requérante dont distraction au profit de Me Issaak Houssen Vadia, Avocat aux offres de droit.

Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus et la minute du présent jugement a été signée après lecture par le PRESIDENT et le GREFFIER.