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ORDONNANCE N° 647-19

DOSSIER N° : 465/19 RC :512/19

ORDONNANCE N° :647-19 DU : 02/10/2019

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L’an deux mil dix-neuf et le deux octobre ;

Nous, Mr RAZAFINDRAKOTO Rivoniaina José, Juge au Tribunal de Commerce d’Antananarivo, siégeant au Palais de Justice de ladite ville en son audience publique des référés commerciaux,

Assistée  de Me RATSIMBAZAFY Christiane, GREFFIER

Oui le requérant en ses demandes, fins et conclusions,

Oui le requis en ses défenses, fins et moyens,

Tous droits et moyens des parties expressément réservés ;

 

Par exploit d’huissier en date du 20 mai 2019, LI CHEN CHE LAI HON TSAOU Jean Claude, demeurant au lot IVC 1 Ambatomitsangana Antananarivo, ayant pour conseil Me RADILOFE, Avocat, a attrait devant la juridiction de référé commercial de céans l’Institut privé IFAGI-PARAMED, représenté par son Directeur M. RASOLONANTOANDRO Andry, au lot IVC 1 Ambatomitsangana Antananarivo, ayant pour conseil Me ANDRIANARIHAJA Tokimahefa Rivo, Avocat, pour s’entendre :

  • Constater la régularité du commandement de payer du 17 avril 2019 et son inexécution à l’échéance du délai d’un mois ;
  • Prononcer en conséquence la résiliation du contrat de bail en date du 11 octobre 2016 ;
  • Ordonner l’expulsion de l’Institut IFAGIPARAMED avec tout occupant de son chef des locaux sis au lot IVC 1 Ambatomitsangana, Antananarivo, au besoin manu militari ;
  • En cas de fermeture des lieux, en ordonner l’ouverture ;
  • Condamner, à titre provisionnel, l’Institut IFAGIPARAMED à payer à LI CHEN CHE LAI HON TSAOU Jean Claude la somme totale de 42 863 496,8 MGA, se répartissant comme suit :
    • 36 800 000 MGA à titre de reliquat de loyers impayé de janvier 2018 à avril 2019 ;
    • 2 800 000 MGA à titre de loyer de mai 2019 ;
    • 1 766 500 MGA à titre de droits d’enregistrement du contrat de bail du 11 octobre 2016 ;
    • 1 496 996,8 Ar à titre de coût du commandement de payer du 17 avril 2019 ;
  • Condamner l’Institut IFAGIPARAMED aux frais et dépens de l’instance dont distraction au profit de Mes RADILOFE, Avocats aux offres de droit.

Au soutien de son action, le requérant fait exposer ce qui suit :

Suivant contrat de bail en date du 11 octobre 2016, l’Institut IFAGI-PARAMED a pris en location les 1er et 2e étage de l’immeuble sis au lot IVC 1 Ambatomitsangana, Antananarivo, appartenant au requérant, ce moyennant un loyer mensuel de 2 800 000 Ar hors droits et taxes ;

Le requis est un établissement d’enseignement supérieur mais les parties ont expressément convenu que les locaux loués sont destinés à l’usage exclusif de bureaux administratifs ;

Néanmoins, pour répondre aux nombreuses demandes de formation payante des étudiants, le locataire a violé l’interdiction d’utiliser les lieux en salle de cours et de nombreux mobiliers (bancs, tables bancs et tableaux blancs) destinés à recevoir des étudiants ont été découverts sur les lieux ;

A partir du mois de janvier 2018, le locataire a cessé de payer les loyers et les impayés s’élevaient à la somme totale de 44 800 000 Ar au mois d’avril 2019 ;

En outre, le locataire n’a pas payé les droits d’enregistrement d’un montant de 1 766 560 Ar dont le paiement lui incombe selon le contrat, ayant obligé ainsi le bailleur à s’en acquitter auprès du service de l’enregistrement ;

Suivant commandement de payer du 17 avril 2019, un délai d’un mois a été donné au locataire pour régler les loyers impayé et les droits d’enregistrement, et le locataire a été informé de l’intention du bailleur de se prévaloir de la clause résolutoire prévue par l’article 13 du contrat de bail ;

Le 18 avril 2019, le locataire a fait remettre au bailleur par voie d’huissier la somme de 8 000 000 Ar, en exécution de l’ordonnance de référé n° 390 du 13 juillet 2018 rendue par le tribunal de commerce d’Antananarivo l’ayant condamné à payer la somme de 14 140 000 Ar ;

Le règlement de cette somme ne saurait être retenu comme une preuve de bonne foi du locataire car il a été effectué en exécution d’une décision de justice intervenue depuis le mois de juillet 2018 et la somme est modique en comparaison à la créance totale du bailleur ;

Le commandement de payer du 17 avril 2019 n’a pas reçu exécution à l’expiration du délai légal d’un mois car le locataire reste encore redevable de la somme de 38 566 500 Ar (44 800 000 Ar + 1 766 560 Ar – 8 000 000Ar) ;

Le bailleur demande alors l’application des dispositions des articles 43 et 44 de la loi n° 2015-037 sur le régime juridique des baux commerciaux ;

En défense, l’Institut IFAGI-PARAMED soulève in limine litis l’incompétence de la juridiction de référé de céans au profit de la juridiction du fond en arguant que le bailleur a déjà saisi la juridiction du fond pour connaître du litige ;

En outre, le locataire invoque l’existence de contestations sérieuses, en faisant valoir les arguments suivants :

Par ordonnance de référé n° 390 du 13 juillet 2018, le locataire a été condamné à payer au bailleur la somme de 14 140 000 Ar à titre de loyers allant du mois de janvier 2018 au mois de mai 2018 avec intérêts moratoires ;

Par jugement n° 28-C du 21 février 2019, le tribunal de commerce d’Antananarivo a de nouveau condamné le locataire à payer au bailleur la somme de 8 400 000 Ar à titre de loyers impayés des mois de décembre 2017, janvier et février 2018 ;

Au vu de ces deux décisions de justice, la juridiction de céans remarquera que le locataire a été doublement condamné concernant les loyers mois de janvier et février 2018 ;

Or, dans la présente action, le bailleur demande encore la condamnation du locataire au paiement des mêmes loyers mois de janvier et février 2018 ;

Selon l’article 227 du code de procédure civile, les ordonnances de référé ne doivent pas préjuger ce qui sera décidé au fond, alors que l’existence d’une double condamnation pour un même fait risque de conduire à une contrariété de décisions ;

 

En réplique, le bailleur fait soutenir les moyens qui suivent :

Les loyers des mois de mai et juin 2019, s’élevant à 5 600 000 Ar, n’ont pas été payés ;

L’action au fond invoqué par le locataire n’a aucune influence sur la présente procédure dans la mesure la demande d’expulsion présentée au juge du fond était fondée sur la mise en demeure par voie d’huissier en date du 17 avril 2018 tandis que la présente procédure est fondée sur le commandement de payer du 17 avril 2019, servi postérieurement au jugement n° 28-C du 21 février 2019.

 

DISCUSSION

  • Sur l’exception d’incompétence :

Selon les dispositions de l’article 44 de la loi n° 2015-037 du 03 février 2016 sur le régime juridique des baux commerciaux, le juge des référés du tribunal de commerce est compétent pour ordonner l’expulsion des locataires de mauvaise foi ;

Le cas par excellence de mauvaise foi du locataire est celui du défaut de paiement des loyers injustifié après une mise en demeure dûment servie ;

Dans le présent cas, il ressort des pièces du dossier, en l’occurrence de la photocopie du jugement n° 28-C du 21 février 2019 rendu par le tribunal de commerce d’Antananarivo que, certes, le bailleur a déjà porté le litige devant la juridiction du fond ;

Cependant, il sied de noter que par ledit jugement, le tribunal a débouté le bailleur de sa demande d’expulsion du locataire au motif que la mise en demeure en date du 17 avril 2018 ne respecte pas les conditions posées par l’article 43 de la loi n° 2015-037 sur le régime juridique des baux commerciaux ;

Après l’avènement dudit jugement, il n’existe aucun obstacle juridique pour le bailleur de faire servir une autre mise en demeure au locataire ;

Tel est le cas en l’espèce où le bailleur a fait servir le commandement de payer en date du 17 avril 2019 sur la base duquel le présent procès a été introduit ;

En outre, le requis soulève l’incompétence de la juridiction de référé de céans en raison de contestations sérieuses ;

Il invoque à ce propos l’existence de deux décisions de justice, en l’occurrence l’ordonnance de référé n° 390 du 13 juillet 2018 et le jugement n° 28-C du 21 février 2019 qui opèrent une double condamnation pour le même fait et qui, de ce fait, risquent de provoquer avec la présente décision une contrariété de décisions de justice ;

Toutefois, il convient de faire remarquer que le procès qui oppose les parties dans ces différentes procédures consiste en un contentieux des baux et loyers dont la spécificité, issue de l’obligation périodique et successive de paiement des loyers, est la possibilité pour le bailleur de saisir la justice toutes les fois où il n’a pas reçu paiement des loyers échus, sans que les saisines successives puissent être considérées comme une source de contrariété de décisions ;

De tout ce qui précède, il résulte que l’exception d’incompétence n’est pas fondée et doit être rejetée ;

Il y alors lieu pour la juridiction de référé commercial de céans de se déclarer compétente.

 

  • Sur les chefs de demande de résiliation du contrat, d’expulsion et d’ouverture des lieux :

Aux termes de l’article 43 de la loi n° 2015-037 du 03 février 2016 sur le régime juridique des baux commerciaux, « le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions du bail.

A défaut de paiement du loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail, le bailleur peut demander au tribunal de commerce la résiliation du bail et l’expulsion du preneur, et de tous occupants de son chef, sans préjudice d’éventuels dommages-intérêts, après avoir fait délivrer par acte extrajudiciaire une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du contrat.

Cette mise en demeure doit reproduire, sous peine de nullité, les termes du présent article, et informer le preneur qu’à défaut de paiement ou de respect des clauses et conditions du bail dans un délai d’un mois, la résiliation est poursuivie » ;

L’article 44 de la même loi ajoute que pour les locataires de mauvaises fois, la compétence d’ordonner l’expulsion est reconnue à la juridiction des référés ;

Dans le présent cas, il ressort des pièces du dossier que suivant exploit d’huissier en date du 17 avril 2019, le bailleur a fait servir au locataire une mise en demeure de payer les loyers de janvier 2018 à avril 2019 dans un délai d’un mois sous peine de résiliation du contrat de bail ;

L’analyse de cette pièce du dossier permet de constater que la mise en demeure respecte les conditions posées par l’article 44 cité ci-dessus ;

Depuis la remise de ladite mise en demeure le 17 avril 2019 jusqu’à présent, le requis n’articule et ne prouve aucun paiement des loyers échus, sans donner aucune explication y afférente ;

Ainsi qu’il est évoqué précédemment, le défaut de paiement de loyers non justifié est constitutif de la mauvaise foi du locataire, ce qui est le cas du requis ;

Par conséquent, il sied de faire application des dispositions légales citées ci-dessus pour constater la régularité de la mise en demeure en date du 17 avril 2019, de prononcer la résiliation du contrat de bail qui lie les parties et d’ordonner en conséquence l’expulsion du locataire et l’ouverture des lieux en cas de fermeture.

 

  • Sur la demande de paiement des sommes de 36 800 000 Ar et 2 800 000 Ar à titre de loyers impayés, 1 766 500 MGA à titre de droits d’enregistrement et1 496 996,8 Ar à titre de coût du commandement :

L’article 223.1 du code de procédure civile dispose que « dans le cas où l’existence de la créance n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut, à titre provisionnel, toute ou partie de la somme au créancier » ;

Dans le présent cas, le preneur ne conteste nullement le défaut de paiement des loyers invoqué par le bailleur ainsi que les droits d’enregistrement et le coût de commandement qui sont prouvés par le bordereau de déclaration des droits d’enregistrement et l’exploit d’huissier versés dans le dossier ;

Dès lors, il y a lieu d’en prendre acte pour constater que la créance est fondée en son principe ;

Néanmoins, en ce qui concerne les loyers impayés, il sied de remarquer que l’ordonnance de référé n° 390 du 13 juillet 2018 a déjà ordonné le paiement des loyers pour la période de janvier 2018 à mai 2018 ;

Par conséquent, il y lieu d’ordonner le paiement des loyers échus au-delà de cette période et réclamés par le bailleur, c’est-à-dire pour la période de juin 2018 à mai 2019, soit douze (12) mois de loyers faisant un total de 33 600 000 Ar ;

Il convient également d’ordonner le paiement des sommes de 1 766 500 MGA à titre de droits d’enregistrement et 1 496 996,8 Ar à titre de coût du commandement.

 

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé commercial et en premier ressort ;

Déclarons l’exception d’incompétence mal fondée et la rejetons par conséquent ;

Nous déclarons compétent ;

Constatons la régularité du commandement de payer du 17 avril 2019 et son inexécution à l’issue du délai d’un mois ;

Prononçons en conséquence la résiliation du contrat de bail en date du 11 octobre 2016 ;

Ordonnons l’expulsion de l’Institut IFAGI-PARAMED avec tout occupant de son chef des locaux sis au lot IVC 1 Ambatomitsangana, Antananarivo, au besoin manu militari ;

En cas de fermeture des lieux, en ordonnons l’ouverture ;

Ordonnons à l’Institut IFAGI-PARAMED de payer à titre provisionnel à LI CHEN CHE LAI HON TSAOU Jean Claude la somme de :

  • 33 600 000 MGA à titre de douze mois de loyers impayés pour la période de juin 2018 à mai 2019 ;
  • 1 766 500 MGA à titre de droits d’enregistrement du contrat de bail du 11 octobre 2016 ;
  • 1 496 996,8 Ar à titre de coût du commandement de payer du 17 avril 2019 ;

Condamnons l’Institut IFAGI-PARAMED aux frais et dépens de l’instance dont distraction au profit de Mes RADILOFE, Avocats aux offres de droit.

 

Ainsi ordonné et signé après lecture par NOUS et le GREFFIER.-