DOSSIER N° : 678/19 RC :747/19
ORDONNANCE N° :560 DU : 30/08/2019
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L’an deux mil dix-neuf et le trente août;
Nous, Mme RAKOTOARILALAINA Annick Rose, Juge du Tribunal de Commerce d’Antananarivo, siégeant au Palais de Justice de ladite ville en son audience publique des référés commerciaux,
Assistée de Me RATSIMBAZAFY Christiane, GREFFIER
Oui la requérante en ses demandes, fins et conclusions,
Oui la requise en ses défenses, fins et moyens,
Tous droits et moyens des parties expressément réservés ;
Par exploit introductif d’instance en date du 13 août 2019, servi à la requête de la société MADA OZI, représentée par son Directeur Général Sieur LAZASOA Michel, ayant son siège social au lot 6.K6 Imotro Ivato Antananarivo, et ayant pour Conseil Me Faratiana RALAMBOMANANA, Avocat au Barreau de Madagascar , en vertu de l’ordonnance sur requête n° 527 du 12 août 2019 portant autorisation d’assigner à bref délai, assignation a été donnée à la société AMETIS sise au lot III J 133 L Ambohijatovo Ambodivoanjo Antananarivo, d’avoir à comparaître devant le tribunal de commerce de céans, statuant en matière de référé à bref délai, pour entendre :
- Ordonner la rétractation de l’ordonnance sur requête n°493 du 30 juillet 2019 ;
- Ordonner la mainlevée immédiate des saisies ;
- Ordonner l’exécution sur minute et avant enregistrement de l’ordonnance à intervenir ;
- Condamner la requise aux frais et dépens de l’instance dont distraction au profit de Me Faratiana RALAMBOMANANA, Avocat aux offres de droit.
Au soutien de ses demandes, la société MADA OZI, par le truchement de son Conseil Me Faratiana RALAMBOMANANA, Avocat, expose ce qui suit :
Une Ordonnance sur requête n°493 en date du 30 juillet 2019 par le tribunal de commerce d’Antananarivo ayant autorisé la saisie arrêt des comptes bancaires ainsi que la saisie conservatoire des biens meubles et effets mobiliers appartenant à la société MADA OZI pour une somme de 18 648 279 144 ariary 7 ;
La BOA lui a informée de cette Ordonnance à laquelle elle a immédiatement formulé opposition suivant déclaration n°116-C du 09 août 2019 étant donné que par la décision ministérielle n°373 MSP/SG/DGPN/DRCIE/CAB du 09 novembre 2018, elle a été choisie par le Ministère de la Sécurité Publique en substitution de la société AMETIS pour l’exécution de la régie totale du système e-Visa, objet de la convention de délégation de service public ;
Ce Ministère a ainsi donné l’ordre à la société MADA OZI d’ouvrir et de gérer le « compte projet E-VISA » au sein de l’Agence BOA, dans le cadre de l’exécution de ce projet d’Etat ;
Dans la même décision suscitée, le Ministère de la Sécurité Publique souligne que la société MADA OZI est également chargée d’assurer les virements des droits de visa perçus en faveur du compte de la Direction des Grandes Entreprises, soit l’Etat Malagasy ;
Ceci étant, les sommes bloquées par la BOA en faveur de la société AMETIS sont insaisissables vu qu’elles constituent des versements à faire en faveur de l’Etat et rentrent dans le cadre de l’exécution du projet e-Visa qui constitue un service public, lequel doit être assuré sans discontinuation, la note explicative du 09 août 2019 émise par le Ministère de la Sécurité Publique atteste que ce compte projet e-Visa au sein de la BOA est chargé d’assurer le virements des droits de visa perçus en faveur du compte de la Direction des Grandes Entreprises et « est spécialement dédié pour gérer les recettes de l’Etat qui n’a rien à voir avec le compte d’exploitation de la société délégataire » ;
La société AMETIS est malvenue de soutenir dans sa requête que sa créance serait incontestable puisque MADA OZI a toujours émis les plus expresses réserves sur les diverses mises en demeure envoyées, tel que cela a été consigné sur les actes d’Huissier versés au dossier;
La société AMETIS est malvenue dans sa requête à baser le mode de calcul de sa prétendue créance sur les droits de visa perçus mais non versés par MADA OZI, la défenderesse verse la sommation de payer du 23 mai 2019 pour des prix de visas électroniques non réglés par MADA OZI depuis novembre 2018 jusqu’au 10 mai 2019 pour aboutir au montant de 18 169 300 000 ariary alors que la décision ministérielle sus-énoncée a substitué la société MADA OZI à la place de la société AMETIS qui n’a donc plus aucune qualité juridique pour réclamer le paiement des droits de visas électroniques ;
La société AMETIS fait également état de l’existence du remboursement d’un acompte de 12 000 Euros, lequel serait dû dans le cas où le contrat de sous-traitance serait résilié alors qu’aucune résiliation n’est encore acquise, la demande d’annulation de ce contrat sous la procédure n°918/18 et la contestation de résiliation unilatérale enregistrée sous la procédure n°477/19 sont en cours devant le tribunal de fond ;
La demande est en conséquence contestable, l’Ordonnance attaquée a été rendue sur la base d’éléments non fondés puisque la créance y énoncée n’est ni certaine, ni liquide, ni exigible, mais aussi et surtout, il ne s’agit pas d’une somme appartenant à la société MADA OZI, qu’il échet d’ordonner la mainlevée immédiate de la saisie arrêt dans l’intérêt public ;
Actuellement, le blocage des comptes de la société MADA OZI porte préjudice grave à la gestion des droits de visa, lesquels constituent des deniers publics, une extrême urgence est constituée justifiant la compétence du juge des référés.
Pour appuyer ses prétentions, la société MADA OZI verse au dossier :
- La copie de la BOA du 09 août 2019 ;
- Déclaration d’opposition n°116C du 09 août 2019 ;
- Sommation de payer du 23 mai 2019 ;
- Réplique de la société MADA OZI ;
- Décision ministérielle n°373 MSP/SG/DGPN/DRCIE/CAB du 09 novembre 2018 ;
- Assignation du contrat de soustraitance introduite par la société AMETIS ;
- Assignation en contestation de résiliation unilatérale introduite par la société MADA OZI ;
- Note explicative du 09 août 2019 du Ministère de la Sécurité Publique.
La société AMETIS, par l’intermédiaire de son Conseil de, Me Fy RATIARISOLO, Avocat à la Cour, lors de la plaidoirie à l’audience du 28 août 2019, et par sa note en délibéré, expose que de prime abord, l’opposition formée par la société MADA OZI est irrecevable étant donné que cette société n’a pas la qualité pour demander la mainlevée de la saisie pratiquée en lieu et place de l’Administration et ne saurait prétendre se substituer au Trésor Public par une décision administrative émise par le Ministère de la Sécurité Publique ;
En plus, le litige qui oppose les deux parties concernant les créances visées dans la présente procédure est en cours devant le tribunal commercial,
Si par impossible, le tribunal de céans se déclarerait compétent et déclarerait l’opposition recevable, il échet d’ordonner le renvoi de la présente procédure au dossier devant le tribunal du fond pour jonction avec la procédure n°713/19 ayant pour objet la validation de la saisie-arrêt pratiquée pour être également statué sur le bien fondé de la créance;
Par ailleurs, la créance réclamée concerne des impayés, la restitution d’acompte mais également la restitution de trop perçus, laquelle n’a pas été contestée ;
De surcroît, comme l’opposante a déclaré devant le Conseil d’Etat, le compte bancaire de la société MADA OZI est encore fonctionnel, le blocage de compte par la saisie arrêt ne porte pas atteinte à sa relation financière avec l’Etat Malagasy.
De tout ce qui précède, la société AMETIS demande au tribunal de :
- déclarer l’opposition irrecevable ;
- ordonner la jonction de la présente procédure au dossier en cours devant le tribunal du fond ;
- très subsidiairement, rejeter l’opposition.
Pour justifier ses dires, la société AMETIS verse au dossier :
- la copie du reçu de l’introduction de l’assignation en validation de saisie arrêt contre la société MADA OZI devant le tribunal de commerce ;
- la copie de l’assignation en validation de saisie arrêt contre la société MADA OZI en date du 21 août 2019.
Pour justifier ses arguments, la société AMETIS verse au dossier :
- la copie du reçu d’introduction d’instance n°48/398 ;
- la copie de la signification avec assignation en paiement et en validation de saisiearrêt bancaire en date du 21 août 2019.
DISCUSSION
En la forme,
Sur la recevabilité de l’opposition :
Il résulte de la déclaration d’opposition versée au dossier que celle-ci fut formée dès le 09 août 2019, soit le jour-même de la notification de l’Ordonnance attaquée;
Ayant ainsi été faite dans le délai prescrit par l’article 235 du code de procédure civile, il convient de déclarer l’opposition recevable;
Sur la demande de jonction de procédures formulée par la défenderesse:
Le tribunal des référés sur opposition étant une juridiction distincte de celle du fond et statue en matière de recours, contrairement à la saisie du tribunal de fond, il convient de vider l’opposition, sans qu’une jonction soit ordonnée, sans qu’un risque de contrariété de décisions puisse intervenir dans la mesure où les compétences de chacune de ces juridictions sont limitativement définies par la loi ;
Il n’y a donc pas lieu d’ordonner la jonction ;
Sur la compétence du tribunal des référés:
Sur la saisie conservatoire :
La défenderesse prétend que le fond est déjà saisi en validation de l’Ordonnance contestée et soulève ainsi l’incompétence du présent tribunal;
Certes l’article 729 du code de procédure civile dispose que « au cours de l’instance au fond, le débiteur, s’il justifie de motifs sérieux et légitimes, peut en tout état de cause, et par simples conclusions, demander la mainlevée, la réduction ou le cantonnement de la saisie » mais l’assignation en saisine du fond en date du 21 août 2019 ne sollicite que la validation de la saisie-arrêt, aussi le fond n’est-il pas encore saisi d’une validation de la saisie conservatoire, le tribunal des référés sur opposition reste donc compétent ;
Sur la saisie-arrêt :
L’article 679 du même code édicte que « à tout moment de la procédure, et quel que soit l’état de l’affaire, le juge des référés est compétent pour statuer sur les difficultés nées de la saisie-arrêt. Il peut notamment ordonner la mainlevée pure et simple, totale ou partielle de la saisie, ou la réduire en autorisant le saisi à toucher du tiers saisi le montant de sa créance (…) », ainsi, bien que le fond soit déjà saisi en validation, le présent tribunal demeure toujours compétent en cas de difficultés nées de la saisie comme tel est le cas en l’espèce.
Au fond,
Sur la rétractation de l’Ordonnance :
En premier lieu, il ressort de la décision n°897/MSP/CAB.18 du 28 novembre 2018 que la convention de délégation de service public concernant la délivrance de l’e-visa liant la Société AMETIS à l’Etat Malagasy fut résiliée et le recours formulé par l’AMETIS à l’encontre de cette décision devant le Conseil d’Etat fut rejeté suivant l’extrait du plumitif du 27 août 2019 versé au dossier ;
Par conséquent, la créance ne parait pas fondée en son principe pour justifier la saisie opérée sur le compte de l’opposante concernant la perception des droits sur l’e-visa dans ce sens où la Société MADA OZI ne devait plus reverser entre les mains de la défenderesse lesdits droits mais directement entre les mains de l’Etat ;
Cela est conforté par la lettre n°373MSP/SG/DGPN/DRCIE/CAB du 09 novembre 2018 émanant du Ministère de la Sécurité Publique ayant pour objet « ouverture de compte projet e-visa » dans laquelle la Société opposante « a été choisie en substitution de la Société AMETIS » pour l’exécution de la mise en régie du système e-visa, objet de la convention de délégation de service public, résiliée par l’Etat comme susdit ;
Par ailleurs, cette même lettre impose à la Société MADA OZI l’ouverture d’un « compte projet e-visa » auprès d’une Banque, ce que cette dernière a exécuté et ledit compte a donc fait l’objet du blocage, effet de la saisie ;
Les fonds y versés pourtant ne sont pas des fonds propres à la MADA OZI mais en partie y sont déposés des droits sur l’e-visa dus par MADA OZI à l’Etat et non plus à la Société AMETIS, aussi, la saisie dudit compte mérite mainlevée ;
De tout ce qui précède, les prétentions de la Société AMETIS selon lesquelles sa créance serait fondée en partie sur l’inexécution de son obligation de versement des perceptions sur l’e-visa par MADA OZI depuis le 10 novembre 2018 ne paraissent pas fondées en leur principe ;
En second lieu, il ressort de l’assignation introductive d’instance devant le Tribunal de fond statuant en matière commerciale en date du 22 mai 2019 que les parties sont en litige encore pendant devant ledit tribunal concernant la résiliation de leur contrat, ainsi la restitution d’acompte faisant l’objet d’une mesure conservatoire alors que le fond est déjà introduit, empiète sur le fond, outre que la créance, fortement contestée au fond, ne peut donc pas paraitre fondée en son principe ;
La mainlevée est donc impérative également concernant cette créance ;
En troisième lieu, eu égard à la créance pour trop-perçu par MADA OZI, sans entrer dans l’appréciation des termes du contrat liant les parties, le trop-perçu dont se prévaut la Société AMETIS consiste en une restitution d’un indu pour la surévaluation des droits d’e-visa perçus par son sous-traitant sur les sites ;
Or, la requise ne conteste pas avoir perçu ainsi le prix conventionnel entre les parties, le surplus n’étant pas prévu dans le contrat, il ne s’agit donc pas d’une créance conventionnelle, liquide et qui parait fondée en son principe ;
En conclusion, il y a lieu de rétracter l’Ordonnance contestée en toutes ses dispositions et d’ordonner la mainlevée des saisies opérées ;
Sur l’exécution sur minute et avant enregistrement :
Le cas de nécessité absolue prévue par l’article 229 du code de procédure civile est caractérisé dans la mesure où le compte faisant l’objet de la saisie est un compte de projet de délégation de service public en régie concernant l’e-visa, causant ainsi des dysfonctionnements graves dans la perception et la gestion de ces droits sur l’e-visa par l’Etat ;
Il y a donc lieu de faire droit à la demande ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé à bref délai sur opposition commerciale, en premier ressort;
- Déclarons l’opposition recevable et fondée ;
- Rejetons la demande de jonction de procédures ;
- Nous déclarons compétent ;
- Rétractons l’Ordonnance sur requête n°493 du 30 juillet 2019 rendue par le Président du Tribunal de Commerce d’Antananarivo en toutes ses dispositions;
- Ordonnons par conséquent la mainlevée des saisie conservatoire et saisie arrêt pratiquée suivant ladite Ordonnance rétractée ;
- Ordonnons l’exécution sur minute et avant enregistrement de la présente décision ;
- Laissons les frais et dépens à la charge de la Société AMETIS, dont distraction au profit de Me Faratiana RALAMBOMANANA, Avocat aux offres de droit;
- Ainsi ordonné et signé après lecture par NOUS et le GREFFIER.-