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ORDONNANCE N° 515

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DOSSIER N° 469/2018 RC 502/2018
ORDONNANCE N° 515

 

 

 

L’an deux mil dix-huit et le trente et un août ;
Nous, Mme RAKOTOARILALAINA Annick Rosa, Juge du Tribunal de Commerce d’Antananarivo, siégeant au Palais de Justice de ladite ville en son audience publique des référés commerciaux,
Assistée de Me RATSIMBAZAFY Christiane, GREFFIER
Oui la requérante en ses demandes, fins et conclusions,
Oui la requise en ses défenses, fins et moyens,
Tous droits et moyens des parties expressément réservés ;

Par exploit introductif d’instance en date du 20 juillet 2018, servi à la requête de la Société QUALITY TRANSMISSION EQUIPEMENT Madagascar , représentée par Sieur Chris Van JAARSVELD, General Manager, ayant son siège social à la Zone Tana Water Front Ambodivona Antananarivo et ayant pour Conseil Me Solo RATRIMOARIVONY, Avocat au Barreau de Madagascar, assignation a été donnée à la société VIMA SERV SARL, sis à Ankorondrano Antananarivo, d’avoir à comparaître devant le tribunal de référé commercial de céans, statuant en matière de référé, pour s’entendre :
-Recevoir le contredit ;
-Le déclarer fonder ;
-Rétracter l’ordonnance OSPL n°366 en date du 02 juillet 2018 avec toutes les conséquences de droit ;
-Ordonner la mainlevée des saisies opérées ;
-Condamner la société VIMA SERV SARL aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Me Solo RATRIMOARIVONY, Avocat aux offres de droit ;
-Ordonner l’exécution sur minute et avant enregistrement de l’ordonnance à intervenir nonobstant toutes voies de recours.

Au soutien de son action, la société QUALITY TRANSMISSION EQUIPEMENT Madagascar, par le truchement de son Conseil Me Solo RATRIMOARIVONY, Avocat au Barreau de Madagascar, fait valoir les moyens suivants:
Elle est en relation commerciale avec la société VIMA SERV SARL et dans le cadre de cette relation, la société contredisante avait émis différentes lettres de change en paiement des services et des marchandises mais suite à des difficultés financières, elle a été dans l’incapacité temporaire de payer les lettres de change émises à échéance ;
Ainsi, le 12 juillet 2018, elle a été signifiée par voie d’Huissier d’une sommation de payer ainsi que d’un commandement avec procès-verbal de saisie-arrêt et ce, en exécution de l’Ordonnance OSPL n° 366 en date du 02 juillet 2018 rendue par le Tribunal de Commerce d’Antananarivo suite aux lettres de change impayées et échues d’un montant total de 113 883 366,57 Ariary ;
Le contredit a été fait selon les formes et délais prévus par la loi, qu’il y a lieu de le recevoir ;

Les saisies contestées ont été opérées en exécution de l’Ordonnance suscitée vu que dans la requête ayant abouti à ladite Ordonnance, la société VIMA SERV SARL a justifié ses créances sur des lettres de change retournées impayées et s’est référée aux dispositions des articles 244, 243, 245 et 246 de la loi n°2017-012 modifiant et complétant les dispositions du Code de procédure civile instituant une procédure spéciale pour les petits litiges civils et commerciaux du 29 juin 2017 pour appuyer ses demandes ;
Certes, l’article 242 de ladite loi dispose qu’«en matière commerciale et civile, toute demande en paiement d’une somme d’argent peut être soumise à la procédure réglée par cette loi lorsque la demande a une cause contractuelle et ne dépasse pas le montant fixé par arrêté du Ministère de la Justice ou lorsque l’engagement résulte d’une lettre de change acceptée, d’un warrant, d’un billet à ordre ou d’un chèque ou lorsque la reconnaissance de dette a été faite par acte authentique ou authentifié.»
En l’espèce, il s’agit effectivement d’un recouvrement de créances suite à des lettres de change mais les articles 148 et suivants du Code de Commerce dont notamment l’article 148-A dispose que «le refus d’acceptation ou de paiement doit être constaté par un acte authentique (protêt faute d’acceptation ou faute de paiement)» ;
L’article 161 de ce code énonce également que «Nul acte de la part du porteur de la lettre de change ne peut suppléer l’acte de protêt, hors le cas de la perte de la lettre de change» ;
Or, dans le cas d’espèce, la société VIMA SERV SARL s’est passée outre de ces dispositions alors que celles-ci ne sont pas contraires aux dispositions de la loi n°2017-012 qui n’abroge pas les dispositions du code de commerce et le tribunal a fait une fausse application de la loi en autorisant les saisies, les créances ne sont ni réelles ni exigibles faute de protêt, qu’il échet de rétracter l’ordonnance n°366 en date du 02 juillet 2018 et d’ordonner la mainlevée des saisies opérées conformément aux dispositions de l’article 253 de la loi.

La société VIMA SERV SARL, par le truchement de son Conseil Me ANDRIAZANATANY FREDERIKA BANKS, Avocat à la Cour, rétorque que :
La loi n°2017-012 n’exige pas le protêt en matière de recouvrement de lettre de change suivants ses dispositions en l’article 2 et en l’article 242 qui édictent que « toute demande en paiement d’une somme d’argent peut être soumise à la procédure réglée par la présente loi… lorsque l’engagement résulte d’une lettre de change acceptée… » ;
En l’espèce, la demande de paiement est fondée car les lettres de change sont retournées impayées à son échéance et suivant cet article, une simple demande en paiement d’une somme d’argent est suffisante pour l’application de ce texte ;
L’article 245 de cette loi dispose en outre que si la créance lui paraît justifiée, le tribunal rend une ordonnance qui fait sommation au débiteur d’avoir, dans le délai de 15 jours à compter de la signification et sous peine d’y être contraint par toutes voies de droit, à satisfaire la demande du créancier avec ses accessoires en intérêts et frais ;
Le recouvrement de la lettre de change est justifié car la débitrice n’a pas payé la créance dans le délai fixé par l’OSPL ;
L’article 4 de la loi n°2017-012 stipule que toutes les dispositions contraires à la présente loi demeurent abrogées et en conséquence, son application n’est pas conditionnée par l’application d’autres textes et elle s’impose par rapport aux autres textes car tous les textes qui leur sont contraires sont abrogées ;
Le recouvrement de la lettre de change est en conséquence recevable qu’il échet de rejeter le contredit ;
Concernant le paiement et l’apposition de la formule exécutoire, la QTE a bénéficié d’un délai de paiement de 03 mois mais à l’échéance, les lettres de changes sont retournées impayées alors que la créancière travaille sur des prêts bancaires et sur des crédits octroyés par ses fournisseurs, toute lettre de change reçue est escomptée pour payer ses propres fournisseurs, les retours impayés des lettres de change de la QTE préjudicient gravement la VIMA qui fait face actuellement à des grandes difficultés financières ;
La QTE a ainsi profité de sa confiance suite à une collaboration de 07 ans comme elle a profité de la confiance de plusieurs fournisseurs ;
Les dirigeants de la QTE ont contracté des importants crédits et ils ont l’intention de quitter le territoire malgache pour fuir le paiement de la créance vu qu’actuellement tous les contrats de la QTE avec AIRTEL et AMBATOVY ont pris fin selon les informations recueillis auprès des tiers-saisis et les bureaux de la QTE à Toamasina sont fermés suite au non-paiement des loyers ;
En plus, la BOA, seule banque qui travaille avec la QTE affirme que cela fait des mois que le compte bancaire de cette dernière n’a enregistré aucun mouvement ;
De tout ce qui précède, il échet de condamner la QTE à payer à la VIMA SERV SARL la somme de 113 883 366,57 Ariary et ordonner l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance de la sommation de payer et de saisie n°366 ;
Concernant les intérêts, en vertu de l’article 192 de la LTGO et des intérêts de la Banque Centrale de l’année 2017 au taux pondéré de 19,2% par mois soit 113 883 366,57 Ariary multiplié par 19,2% donne 21 865 606,57 Ariary par mois qu’il échet de condamner la QTE à payer ce montant d’intérêts de retard pour les créances échues en juin 2018 ;
En application des articles 191 et 193 de la LTGO, la société VIMA demande au tribunal la condamnation de la QTE à 20 000 000 Ariary à titre de dommages-intérêts pour les préjudices subis privation des gains : augmentation des frais bancaires, perte de clientèle et de marché, perte de fournisseurs,….
Quant à la validation des saisies ses conversions en saisie exécution, en vertu de la OSPL n° 327, la VIMA SERV a effectué une saisie-arrêt le 19 juin 2018 dont la signification et la dénonciation a été faite le 21 juin 2018 : TOWERCO AIRTEL/MADAGASCAR TOWERS a bloqué la somme de 350 648 903,32 Ariary et AIRTEL a déclaré que le contrat avec la QTE a pris fin et qu’il n’y aura plus de facture

De tout ce qui précède, la société VIMA SERV demande reconventionnellement au tribunal de :
– Rejeter le contredit ;
– Condamner la QTE à payer à la VIMA la somme de 113 883 366,57 Ariary et ordonner l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance ;
– condamner la QTE à payer à la VIMA SERV SARL la somme de 21 865 606,57 Ariary par mois à partir du mois de juin et de juillet 2018 à partir du mois d’août 2018 jusqu’à son parfait paiement ;
– condamner la QTE SA à payer la somme de 20 000 000 Ariary à titre de dommages-intérêts pour tous préjudices confondus ;
– condamner la QTE SA aux frais et dépens de l’instance dont distraction au profit du Conseil de la VIMA SERV SARL.

Pour appuyer ses prétentions, la société VIMA SERV SARL verse au dossier :
– les lettres de change retournées n°225 du 14/02/18 d’un montant de 84 335 280 Ariary, n°228 du 14/02/18 d’un montant de 29 548 086,57 Ariary ;

– détails des lettres de change ;
– signification commandement avec procès-verbal de saisie-conservatoire en date du 04 juillet 2018 ;
– dénonciation d’un exploit valant récolement après constatation d’une précédente saisie ;
– signification commandement avec procès-verbal de saisie-arrêt en date du 12 juillet 2018 ;
– liste des minimums et maximums des taux d’intérêts au niveau du système bancaire.

DISCUSSION
En la forme :
Le contredit est formée en respect de l’article 248 de la loi n° 2017-012 du 18 juillet 2017 sur la procédure spéciale pour les petits litiges civils et commerciaux, qu’il convient de le déclarer recevable ;
Les demandes reconventionnelles ont été formulées en respect des prescriptions légales, qu’il y a lieu également de les déclarer recevables.
Au fond :
La Société QTE forme un contredit contre l’OSPL n° 366 du 02 juillet 2018 au motif que les créances ne sont ni réelles ni exigibles faute de protêt.
L’article 148-A du Code de Commerce dispose que le refus d’acceptation ou de payement doit être constaté par un acte authentique qu’est le protêt ;
En l’espèce, il n’y a ni refus d’acceptation ni refus de paiement des lettres de change, la société QTE reconnaît les créances à lui réclamées, elle affirme seulement qu’elle est dans l’incapacité temporaire de payer les lettres de change émises à échéance, qu’il n’y a pas lieu d’exiger le protêt faute d’acceptation. En plus, les copies des lettres de change retournées versées au dossier démontrent qu’elle est encore redevable de la somme de 113 883 366,57 Ariary envers la société VIMA. Les créances sont donc fondées en son principe et son paiement se trouve en péril vu la situation actuelle de la société QTE.
Il convient en conséquence de rejeter le contredit et d’ordonner la société QTE à payer à la société VIMA la créance d’un montant de 113 883 366,57 Ariary en principal outre les intérêts, frais et accessoires à venir en application de l’article 253.3 de la loi n°2017-012 modifiant et complétant les dispositions du Code de procédure civile instituant une procédure spéciale pour les petits litiges civils et commerciaux.
Sur les demandes de paiement des intérêts de retard, vu l’instabilité du taux d’intérêt, il n’y a pas lieu de les fixer en avance mais il appartient à la créancière de les calculer au moment de l’exécution de la décision.
La société VIMA a subi des préjudices considérables, ce qui mérite réparation en dommages-intérêts mais le quantum demandé est trop excessif qu’il convient de le ramener à 10 000 000 Ariary et de condamner la société QTE à lui payer cette somme en application de l’article 193 de la LTGO ;
La présente ordonnance est exécutoire par provision comme l’édicte l’article 254.3 de la même loi.

PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé commercial et en premier ressort ;
En la forme :
Recevons le contredit et les demandes reconventionnelles.
Au fond :
– Rejetons le contredit ;
– Condamnons la société QUALITY TRANSMISSION EQUIPEMENT Madagascar à payer à la société VIMA SERV SARL la somme de 113 883 366,57 Ariary en principal outre les frais et intérêts à venir jusqu’à son parfait paiement;
– Condamnons la QTE à payer à la VIMA SERV SARL la somme de 10 000 000 Ariary à titre de dommages-intérêts;
– Disons que la présente ordonnance est exécutoire par provision ;
– Laissons les frais et dépens de l’instance à la charge de la société QUALITY TRANSMISSION EQUIPEMENT Madagascar dont distraction au profit de Me ANDRIAZANATANY FREDERIKA BANKS, Avocat aux offres de droit.
– Ainsi ordonné et signé après lecture par NOUS et le GREFFIER.-