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ORDONNANCE N° 441

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DOSSIER N° 491/2018 RC 526/2018
ORDONNANCE N° 441

 

 

L’an deux mil dix-huit et le trois août ;
Nous, Mme RAMANANDRAITSIORY Miharimalala, Vice-Président du Tribunal de Commerce d’Antananarivo, siégeant au Palais de Justice de ladite ville en son audience publique des référés commerciaux,
Assistée de Me RATSIMBAZAFY Christiane, GREFFIER
Oui la requérante en ses demandes, fins et conclusions,
Oui les requis, Groupe SURYS, sieur Laurent Elimberaza MANDRIDAKE et la Sté AMETIS SA, en leurs défenses, fins et moyens,
Nul pour sieur Ruphin JUVENCE,
Tous droits et moyens des parties expressément réservés ;

FAITS ET PROCEDURE:
Suivant exploit d’huissier en date du 20 juillet 2018, et réassignation en date du 23 juillet 2018, à la requête de la banque BNI MADAGASCAR SA représentée par son Directeur juridique, ayant son siège social au 74, rue du 26 juin 1960 Analakely Antananarivo et ayant pour conseil Me Alain RAONDRY, assignation à bref délai fut servie au Groupe SURYS, représenté par Monsieur Hugues SOUPARIS, sis au PRICE WATER HOUSE COOPERS, rue RAJAKOBA Augustin Ankadivato Antananarivo, ainsi qu’à la Société AMETIS SA ayant son siège social au lot II J 133 L Ambodivoanjo Ambohijatovo Antananarivo, ayant pour conseils Mes Harilanto RAKOTOARIVONY et Fredon RATOVONDRAJAO, à Monsieur Laurent Elimberaza MANDRIDAKE, élisant domicile au 13, rue RATSIMILAHO Antaninarenina Antananarivo, ayant pour conseil Me Olivia RAJERISON et enfin à Monsieur JUVENCE Ruphin, sis au lot II J 133 L Ambohijatovo Ambodivoanjo Antananarivo, d’avoir à comparaître devant le Tribunal de référé à bref délai commercial de céans pour s’entendre :
– au principal, désigner un administrateur provisoire choisi d’un commun accord par le Groupe SURYS et Monsieur Laurent Elimberaza MANDRIDAKE jusqu’à l’issue définitive des procédures en cours ;
– à titre subsidiaire, à défaut d’accord entre les parties, désigner un administrateur provisoire choisi par le tribunal de céans qui n’aurait pas été proposé par aucune des parties ;
– à titre très subsidiaire, à défaut de désignation, autoriser la BNI MADAGASCAR à retenir les fonds disponibles sur les comptes bancaires ouverts au nom de la Société AMETIS SA jusqu’à l’issue définitive des procédures en cours ;
– ordonner l’exécution sur minute et avant enregistrement de la décision à venir ;
– laisser les frais et dépens à la charge des requis, dont distraction au profit de Me Alain RAONDRY, Avocat aux offres de droit ;
Aux motifs de sa requête, par le truchement de son conseil Me Alain RAONDRY, la requérante expose qu’elle est tiers détenteur des avoirs de la Société AMETIS qui a deux comptes ouverts en son sein dont l’un fonctionne pour recevoir les versements dus à l’Etat à titre de perception des e-visas et l’autre a pour objet de recevoir les commissions dues à l’AMETIS SA ;

Toutefois, avec les dissensions internes des actionnaires et la signification faite à l’endroit de la Banque concernant la désignation judiciaire de Monsieur JUVENCE Ruphin en tant qu’Administrateur Provisoire, la banque ne sait plus qui est la personne habilitée à débloquer les fonds de la Société AMETIS ;
Ce pourquoi elle s’adresse à justice pour avoir la protection de son droit, de peur d’engager sa responsabilité ;
En réplique à l’exception de fin de non-recevoir soulevée par les requis, la Société AMETIS et le groupe SURYS, elle soutient qu’elle a intérêt à agir de par sa qualité de tiers détenteur des fonds de la Société AMETIS au sein de la laquelle les dissensions internes sont avérées ;
En défense, par l’organe de ses conseils Mes Harilanto RAKOTOARIVONY et Fredon RATOVONDRAJAO, la Société AMETIS et le groupe SURYS soulèvent in limine litis l’irrecevabilité de la requête pour défaut de qualité de la banque qui n’est pas un actionnaire dans la société et s’immisce ainsi dans les affaires internes de la Société AMETIS en sollicitant une nouvelle nomination d’un administrateur provisoire ;
Par ailleurs, ils soulèvent l’incompétence du présent tribunal en avançant que l’exécution de l’Ordonnance de référé ayant désigné Monsieur JUVENCE comme administrateur provisoire est suspendue et la saisine du Premier Président de la Cour d’Appel est en cours, aussi le présent tribunal ne peut désigner un autre administrateur provisoire ;
Subsidiairement, ils soutiennent que l’Administrateur nommé par l’Assemblée Générale, et voté unanimement par les actionnaires présents devrait être maintenu dans la mesure où l’Assemblée était régulièrement réunie ;
Ils attirent l’attention du tribunal sur le fait que seul Monsieur MANDRIDAKE est en litige avec les autres actionnaires ;
Toutefois, ils sollicitent à titre reconventionnel le déblocage par la banque des frais afférents à toutes les dépenses courantes de la société, notamment pour le paiement des salaires, la JIRAMA, la TELMA ;
En réponse, de son côté, par le biais de son conseil Me Olivia RAJERISON, Monsieur Laurent Elimberaza MANDRIDAKE sollicite à titre reconventionnel le maintien de Monsieur JUVENCE en tant qu’Administrateur provisoire tout en précisant que l’Appel avec défense à exécution provisoire interjeté par le groupe SURYS ne suspend pas l’exécution de l’Ordonnance de référé ;
Il soutient en outre ne pas avoir reçu l’assignation devant le Premier Président de la Cour d’Appel invoquée par les autres parties ;
Enfin, à titre reconventionnel, il sollicite que le compte soit bloqué en cas de désignation d’un nouvel administrateur neutre par le tribunal, mis à part les paiements courants des fournisseurs et des salaires ;
Vu toutes les pièces du dossier ;

MOTIVATION:
I-En la forme,
Sur la nature de la présent décision :
Bien que régulièrement assigné, Monsieur JUVENE Ruphin n’a ni comparu ni conclu, il y a lieu de déclarer réputé contradictoire la présente décision à son égard ;

Sur l’exception de fin de non-recevoir soulevée par le groupe SURYS et la Société AMETIS concernant les chefs de demande de désignation d’un nouvel administrateur provisoire d’un commun accord ou neutre sollicités par la BNI:
Certes, le constat d’une entrave au fonctionnement de la Société AMETIS susceptible de compromettre les intérêts de ladite Société est incontestable et la banque agit dans ce sens pour solliciter la désignation d’un nouvel administrateur provisoire, tant dans l’intérêt social que pour sa propre protection ;

Toutefois, la banque n’étant ni actionnaire de la Société AMETIS, ni dirigeant de ladite société, ni un créancier social ou une personne ayant qualité pour agir au nom de ladite Société, elle n’a donc pas un intérêt juridique au sens des dispositions de l’article 2 du code de procédure civile en ces termes : « l’action n’est recevable que si le demandeur justifie d’un intérêt juridique, né et actuel, direct et personnel » ;
L’intérêt selon lequel il agit de peur de représailles s’il débloque le compte au profit de la Société AMETIS ou de son représentant n’est pas un intérêt au sens juridique du terme, outre qu’on agit pas dans l’éventualité future ou pour se protéger d’un événement qui n’est pas né et actuel ;
Par conséquent, il y a lieu de déclarer l’exception fondée eu égard aux chefs de demande de désignation d’un administrateur provisoire initiés par la banque et de déclarer la demande irrecevable pour défaut de qualité et d’intérêt pour agir ;

Sur la recevabilité du chef de demande principal d’autorisation donnée à la BNI MADAGASCAR pour retenir les fonds disponibles sur les comptes bancaires ouverts au nom de la Société AMETIS SA jusqu’à l’issue définitive des procédures en cours ainsi que des demandes reconventionnelles connexes de déblocage des fonds pour les dépenses courantes et de fonctionnement :
Il y a lieu de joindre ces chefs de demande de par leur lien de connexité évident ;
Il convient de prime abord de préciser que la banque a intérêt pour agir dans le cas d’espèce puisque, en sa qualité de tiers détenteur des fonds de l’AMETIS et des demandes de paiements exigés à son endroit alors que le litige sur l’administration de la société est encore en cours, elle a ainsi intérêt à solliciter au tribunal l’autorisation de bloquer les fonds pour ne pas abuser de son droit en tant que tiers détenteur ;
Les demandes reconventionnelles formulées par la société AMETIS, le groupe SURYS et Monsieur MANDRIDAKE sont ainsi recevables car connexes à ce chef de demande principale et ce conformément aux dispositions des articles 355 et suivants du code de procédure civile ;

Sur l’exception d’incompétence soulevée par la Société AMETIS et le groupe SURYS concernant la nouvelle demande de désignation d’un nouvel administrateur provisoire ainsi que l’irrecevabilité des chefs de demande reconventionnelle de confirmation de Monsieur JUVENCE Ruphin en tant qu’administrateur provisoire ainsi que de confirmation de la qualité d’Administrateur Général de Monsieur Aimé Findrama TSIAZONALY :
En vertu de l’article 12 des dispositions liminaires du code de procédure civile, le juge peut « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé.
Il peut relever d’office les moyens de droit quel que soit le fondement juridique invoqué par les parties » ;
En l’espèce, les prétentions au soutien de l’exception d’incompétence soulevées par les requises se fondent sur l’existence d’un recours contre la décision du tribunal des référés sur la désignation judiciaire d’un administrateur provisoire ;
Toutefois, le tribunal requalifie les faits en précisant qu’il s’agit d’une irrecevabilité des demandes tant principale que reconventionnelle touchant de nouveau à un fait déjà débattu en première instance concernant l’administration de la Société AMETIS sans qu’il n’y a ait de faits nouveaux rapportés par les parties ;
En effet, l’article 307 de la LTGO dispose que « pour que l’autorité de la chose jugée puisse être invoquée contre la recevabilité de la nouvelle demande en justice, il faut:

1° qu’il y ait, entre les deux demandes, identité d’objet c’est-à-dire que le même droit soit invoqué sur la même chose ou en vertu du même fait;
2° qu’il y ait identité de cause, c’est-à-dire que la nature juridique du droit invoqué soit la même quant à sa qualification;
3° qu’il y ait identité des parties, c’est-à-dire qu’elles figurent dans les deux instances en la même qualité juridique » ;
Ces trois conditions étant remplies en l’espèce car, indépendamment du recours formulé contre l’Ordonnance de référé ayant désigné Monsieur JUVENCE comme administrateur provisoire, le groupe SURYS demande la confirmation de l’administrateur nommé par voie d’AGO tandis que de son côté, monsieur MANDRIDAKE demande le maintien de Monsieur JUVENCE au titre d’administrateur provisoire, faits déjà tranchés et dé battus par le présent tribunal et impliquant les mêmes parties ;
Ainsi, ces chefs de demande reconventionnelle ayant acquis l’autorité de la chose jugée, il y a lieu de les déclarer irrecevables ;

II-Au fond,
Sur les chefs de demande principale d’autorisation donnée à la BNI MADAGASCAR pour retenir les fonds disponibles sur les comptes bancaires ouverts au nom de la Société AMETIS SA jusqu’à l’issue définitive des procédures en cours ainsi que des demandes reconventionnelles connexes de déblocage des fonds pour les dépenses courantes et de fonctionnement :
Les parties ne contestent pas que les dépenses courantes doivent être honorées d’urgence et de par sa nature, l’administration provisoire consiste à faire assurer momentanément la gestion des affaires sociales par une personne tiers aux actionnaires en conflit ;
Cette administration provisoire doit se cantonner à de l’administration courante, et elle emporte dessaisissement des organes sociaux tout en rappelant la nature essentiellement conservatoire de l’administration provisoire ;
L’administrateur doit préserver la conservation de l’entreprise, en assurant sa marche habituelle et en accomplissant les actes courants et banaux de gestion et seulement ceux-là, il doit s’acquitter des obligations légales ou contractuelles courantes d’un chef d’entreprise ;
Or, certes, actuellement, la nomination de l’administrateur provisoire par le tribunal fait encore l’objet d’un recours en suspension d’exécution, mais il y a péril en la demeure dans la mesure où les dépenses de fonctionnement courantes ainsi que le caractère alimentaire des salaires ou le paiement des créanciers et fournisseurs non contestés doivent être débloquées ;
Ces dépenses rentrent ainsi dans le cadre de l’administration de la Société AMETIS et ne sont pas contestées par les actionnaires en litige, il y a lieu d’ordonner leur paiement par la banque, sous réserve de la production de pièces justificatives par le responsable financier de la Société AMETIS ;
Il y a donc lieu d’ordonner à la BNI d’effectuer le paiement au profit du responsable administratif et financier de la Société AMETIS SA concernant ces dépenses courantes, en l’occurrence les factures échues de la JIRAM, les factures échues de la TELMA, les créances salariales du personnel de la Société AMETIS SA, ainsi que les créances échues des fournisseurs dans le cadre des contrats contractés par la Société AMETIS SA, mais pour le surplus, la banque n’effectuera pas de déblocage jusqu’à ce que les actionnaires règlent leurs différends en cours quant à l’administration de ladite société ;
Sur l’exécution sur minute et avant enregistrement :
Le cas d’absolue nécessité prévue par l’article 229 du code de procédure civile est suffisamment caractérisé car le fonctionnement anormal de la Société AMETIS ne doit pas léser ses créanciers privilégiés et dont une partie revête un caractère alimentaire ;

Il y a donc lieu d’ordonner l’exécution sur minute et avant enregistrement de la présente décision quant au paiement par la banque au profit du responsable financier de la Société AMETIS SA des factures échues de la JIRAMA, des factures échues de TELMA et des créances salariales du personnel de la Société AMETIS, sous réserve de la production de pièces justificatives par ledit responsable financier ;

PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de la BNI MADAGASCAR, la Société AMETIS, le groupe SURYS, Monsieur Laurent Elimberaza MANDRIDAKE réputé contradictoirement à l’égard de Monsieur JUVENCE Ruphin, en matière de référé à bref délai commercial, en premier ressort;
Vu l’Ordonnance d’autorisation d’assigner à bref délai n°407 du 19 juillet 2018;
Déclarons l’exception de fin de non-recevoir soulevée par le groupe SURYS et la Société AMETIS concernant les chefs de demande de désignation d’un nouvel administrateur provisoire d’un commun accord ou neutre sollicités par la BNI recevable et fondée ;
Déclarons par conséquent irrecevable lesdits chefs de demande ;
Requalifions l’exception d’incompétence soulevée par la Société AMETIS et le groupe SURYS en une exception d’irrecevabilité concernant toujours la nouvelle désignation d’un administrateur provisoire, joint à l’irrecevabilité des demandes reconventionnelles responsives à cette demande ;
Déclarons irrecevable également les chefs de demande reconventionnelle de confirmation de Monsieur JUVENCE Ruphin en tant qu’administrateur provisoire ainsi que de confirmation de la qualité d’Administrateur Général de Monsieur Aimé Findrama TSIAZONALY ;
Déclarons toutefois recevable le chef de demande principale d’autorisation donnée à la BNI MADAGASCAR pour retenir les fonds disponibles sur les comptes bancaires ouverts au nom de la Société AMETIS SA jusqu’à l’issue définitive des procédures en cours ainsi que les demandes reconventionnelles connexes de déblocage des fonds pour les dépenses courantes et de fonctionnement ;
Ordonnons à la BNI d’effectuer le paiement au profit du responsable administratif et financier de la Société AMETIS SA concernant les dépenses courantes, en l’occurrence les factures échues de la JIRAM, les factures échues de la TELMA, les créances salariales du personnel de la Société AMETIS SA, les créances échues des fournisseurs dans le cadre des contrats contractés par la Société AMETIS SA ;
Disons que pour le surplus, la banque n’effectuera pas de déblocage jusqu’à ce que les actionnaires règlent leurs différends en cours quant à l’administration de ladite société ;
Ordonnons l’exécution sur minute et avant enregistrement de la présente décision quant au paiement par la banque au profit du responsable financier de la Société AMETIS SA des factures échues de la JIRAMA, des factures échues de TELMA et des créances salariales du personnel de la Société AMETIS, des créances échues des fournisseurs dans le cadre des contrats contractés par la Société AMETIS SA sous réserve de la production de pièces justificatives par ledit responsable financier ;
Laissons les frais et dépens de l’instance à la charge de la BNI MADAGASCAR et la Société AMETIS par moitié;

Ainsi ordonné et signé après lecture par NOUS et le GREFFIER.-