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ORDONNANCE N° 387

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DOSSIER N° 345/2018 RC 365/2018
ORDONNANCE N° 387

 

 

 

L’an deux mil dix-huit et le onze juillet ;
Nous, Mme RAKOTOARILALAINA Annick Rosa, Juge du Tribunal de Commerce d’Antananarivo, siégeant au Palais de Justice de ladite ville en son audience publique des référés commerciaux,
Assistée de Me RATSIMBAZAFY Christiane, GREFFIER
Oui la requérante en ses demandes, fins et conclusions,
Oui la requise en ses défenses, fins et moyens,
Tous droits et moyens des parties expressément réservés ;

Par exploit introductif d’instance en date du 29 mai 2018, servi à la requête de la société JOVENA MADAGASCAR SA, ayant son siège social au Complexe Kube A enceinte Zone GalaxyAndraharo Antananarivo, ayant pour Conseil Me Alex RAFAMATANANTSOA et Associés, Avocats au Barreau de Madagascar, en vertu de l’ordonnance sur requête n° 330/2018 du 28 mai 2018 portant autorisation d’assigner à bref délai, assignation a été donnée à la société LOGISTIQUE PETROLIERE SA, sise au bâtiment Logistique Pétrolièce enceinte de l’immeuble Explorer Business Park (ex-village des jeux)Ankorondrano Antananarivo, d’avoir à comparaître devant le tribunal de référé commercial de céans, statuant en matière de référé à bref délai, pour s’entendre :
– Ordonner la rétractation de l’ordonnance n°288 en date du 02 mai 2018 et la mainlevée des saisies pratiquées en son exécution ;
– Ordonner l’exécution sur minute et avant enregistrement de l’ordonnance à intervenir.
Au soutien de son action, la société JOVENA MADAGASCAR SA, par le truchement de ses Conseils Me Alex RAFAMATANANTSOA et Associés, Avocats au Barreau de Madagascar, fait valoir les moyens suivants:
Suivant ordonnance sur requête n°228 en date du 02 mai 2018, la société LOGISTIQUE PETROLIERE SA ( LPSA) a été autorisée à pratiquer une saisie-arrêt sur tous les comptes bancaires ouverts au nom de la société JOVENA MADAGASCAR SA pour avoir sûreté et garantie d’une créance évaluée provisoirement à la somme de 1 779 352 884,26 Ariary, laquelle ordonnance a été exécutée par exploit de saisie-arrêt en date du 14 mai 2018 ;
La société JOVENA a formé opposition sous le n°37-C du 15 mai 2018 contre l’ordonnance suscitée en ce qu’elle conteste fortement la créance réclamée, la société LOGISTIQUE PETROLIERE SA n’a versé qu’un simple tableau récapitulatif qui ne saurait constituer un titre de créance dans sa requête aux fins de saisie-arrêt, malgré les demandes expresses et incessantes de JOVENA, elle n’a produit aucune des factures échues d’un montant total de 959 181623,78 Ariary qu’elle prétend être impayées ;
La lettre de mise en demeure adressée à JOVENA est manifestement entachée d’erreur et l’ordonnance rendue sur sa base mérite d’être rétracté en ce qu’elle a été rendue sans même que le tribunal ait vu ces factures, on ne voit pas comment la créance ait pu être considérée comme étant certaine en son principe;
La société JOVENA Madagascar conteste en tous les cas les sommes réclamées qui se répartissent comme suit :
– 314 868 928,20 Ariary au titre de reliquat de prestations datant de 2011 ;
– 644 312 696,58 Ariary au titre de prestation datant de 2013 à 2017 ;
– 864 189 289,68 Ariary au titre d’intérêts de retard.
Les prestations de 2011 ont déjà fait l’objet de paiements partiels courant 2011 et le reliquat réclamé est déjà atteint par la prescription quinquennale, et ainsi la LPSA ne peut plus les réclamer, en plus, ces prestations de 2011 sont déjà réglées mais ce montant de 314 868 928,20 Ariary représente le reliquat exonéré par l’arrêté n°4479/2001 du 03 mars 2011 qui impose à la LPSA une baisse de son tarif de 50 Ariary par litre, la LPSA ne tient pas compte de cette baisse dans ses factures et a continué d’appliquer ses tarifs conventionnels, ce reliquat correspond au montant de cette baisse de 50 Ariary par litre ;
De plus, pour ce reliquat, la LPSA n’avait pas émis les factures correspondantes malgré les demandes expresses et incessantes de la JOVENA ;
Pour la créance de 644 312 696,58 Ariary, la JOVENA s’est déjà acquittée de cette dette à hauteur de 574 854 543,99 Ariary avant même la demande de la LPSA aux fins de saisie-arrêt ;
Quant aux factures d’intérêts de retard de 864 189 289,68 Ariary, il est à signaler que les pénalités dues en cas de retard de paiement ne sont pas soumises à la TVA et le contrat de service entre les deux parties n’a pas prévu de TVA sur ces intérêts, LPSA n’est pas fondée à facturer une TVA de 144 031 548,28 Ariary et en plus, elle n’est pas fondée à réclamer quelque intérêt de retard que ce soit vu qu’elle n’a pas respecté l’article 14.3 de leur contrat de service, l’obligeant à mettre JOVENA en demeure de régler ses factures sous 15 jours à compter de la date d’une signification de mise en demeure mais LPSA les a facturé par note de débit en date du 12 février 2018 avant sa lettre de mise en demeure qui date du 27 avril 2018 .
Pour justifier ses demandes, la société JOVENA verse au dossier :
– L’ordonnance n°228 en date du 02 mai 2018 ;
– Le procès-verbal de saisie-arrêt du 14 mai 2018 ;
– Certificat d’opposition n°37 du 15 mai 2018 ;
– La lettre de mise en demeure de la LPSA du 27 mars 2018 ;
– Justificatifs des paiements partiels des prestations FO (Fuel Oil) de 2011 ;
– Arrêté n°4497/2011 du 03 mars 2011 ;
– Lettre de l’Office Malgache des Hydrocarbures du 06 avril 2011 ;
– Justificatifs des paiements de la somme de la somme de 574 854 543,99 Ariary ;
– Mail de la société JOVENA en date du 15, 16 et 17 mai 2018,
– Contrat de service entre les deux parties.
La société LOGISTIQUE PETROLIERE SA (LPSA), par l’organe de ses Conseils Me RADILOFE, Avocats au Barreau de Madagascar, rétorque que:
La société JOVENA conteste la liste détaillée des factures échues et impayées annexée à la lettre de mise en demeure du 27 mars 2018, produite à l’appui de la requête aux fins d’autorisation de saisie-arrêt alors que cette liste est extraite de la comptabilité de la société LPSA et en application de l’article 3.10 du code de commerce, la comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice comme preuve, par ailleurs, les actes de commerce peuvent se prouver par tous les moyens ;
Cette mise en demeure portant l’accusé de réception de la JOVENA justifie amplement l’autorisation de saisie-arrêt sur le fondement de l’article 652 du code de procédure civile ;

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En plus, il sera relevé que la JOVENA Madagascar ne conteste nullement la matérialité des factures listées ni leur montant et il est d’usage que la situation des arriérés de paiement se communique entre les parties par un listing et non par la production de facture, cette contestation de force probante de la liste est manifestement élevée par pure mauvaise foi ;
Concernant la prescription soulevée par JOVENA Madagascar, celle-ci a expressément reconnu le 29 octobre 2015 ne pas avoir réglé le montant de 314 868 927,20 Ariary et l’entier délai court à partir de cette date en application de l’article 381 de la LTGO qui stipule que l’aveu même tacite interrompt la prescription ;
Sur l’exigibilité de la somme de 314 868 927,20 Ariary, l’article 14 du contrat prévoit que toute contestation de facture doit être notifiée par écrit dans un délai de 05 jours ouvrable à compter de leur date de réception mais JOVENA n’établit pas avoir contesté les factures litigieuses dans le délai, qu’elle est forclose dans ses contestations et en tout état de cause, elle ne conteste pas avoir bénéficié des prestations objet de ces factures ;
Par ailleurs, si JOVENA estime que les mesures exceptionnelles instituées par le Gouvernement de Transition pour la baisse du prix des carburants doivent également être appliquées au fuel oil (FO), il lui appartient de faire annuler judiciairement les factures y afférentes mais tant que ces factures n’ont pas été judiciairement annulées, elle les doit dans leur intégralité ;
Pour les intérêts de retard de paiement, ils ne figurent pas parmi les opérations exonérées de la TVA, limitativement énumérées par l’article 06.01.06 du code général des impôts et non stipulés contractuellement et la JOVENA ne conteste pas l’existence de retard systématique de paiement des prestations de la LPSA nonobstant le délai contractuel de règlement de 40 jours après présentation des factures et la procédure de facturation des intérêts de retard relève de la compétence de la juridiction du fond ;
A la date du 30 avril 2018 de la requête aux fins de saisie-arrêt, JOVENA ne saurait contester que le montant total des factures échues mais resté impayé s’élève à 1 779 352 884,26 Ariary mais comme elle a commencé à régulariser ses arriérés pour un montant de 588 521 056 Ariary, il lui reste encore à payer la somme de 1 234 849 857,46 Ariary, qu’il y a lieu de maintenir l’ordonnance n°228 du 02 mai 2018 pour ce montant.
De tout ce qui précède, la société LPSA demande au tribunal de :
-Dire et juger l’opposition non fondée ;
-Ramener à 1 234 849 857,46 Ariary l’évaluation provisoire de la créance ;
-Laisser les frais et dépens de l’instance à la charge de la JOVENA MADAGASCAR dont distraction au profit de Mes RADILOFE, Avocats aux offres de droit.
Pour appuyer ses prétentions, la société LPSA verse au dossier :
-Les factures Fuel Oil (FO) ;
-Relance pour le règlement des factures FO ;
-Aveu de non-paiement du 29 octobre 2015 ;
-Récapitulatif des factures impayées ;
-Factures échues impayées pour un montant de 55 791 640,58 Ariary.
DISCUSSION
En la forme :
L’opposition est formée en respect de l’article 235 du code de procédure civile, qu’il convient de la déclarer recevable.

Au fond :
L’article 60 de la LTGO stipule que le créancier, dont la créance même non exigible paraît certaine en son principe, peut prendre toute mesure conservatoire prévue par la loi pour assurer l’exercice de son droit de gage général.
En effet, la créance doit être certaine, liquide et fondée en son principe pour qu’elle puisse faire l’objet d’une saisie-arrêt.
La LTGO en son article 381 prévoit, en outre que les actions tant personnelles que réelles se prescrivent par cinq années en matière commerciale si la loi n’en dispose autrement.
En l’espèce, pour obtenir l’ordonnance qui autorise la saisie-arrêt, la société LPSA a joint à sa lettre de mise en demeure une liste détaillée des factures échues et impayées. Pour la créance d’un montant de 314 868 927,20 Ariary, cette liste énonce que ces factures datent de 2015 et l’échéance aurait lieu en 2016 alors que lors de la procédure d’opposition, LPSA a produit les factures, justifiant les consommations, objet de cette créance qui datent de mars à septembre 2011 et prévoient des échéances de mai à novembre 2011.
Qu’il convient de constater que cette créance n’est plus certaine, elle est éteinte par la prescription quinquennaleet en plus, la société LPSA a évoqué lors de sa plaidoirie et dans sa conclusion que la lettre du 29 octobre 2015 ne constitue pas un aveu mais une contestation de créance, JOVENA n’a pas reconnu devoir cette somme. En conséquence, la créance d’une somme de 314 868 927,20 Ariary n’est plus fondée, ni certaine, qu’il y a lieu d’ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt sur ce montant.
Concernant la créance d’un montant de 644 312 696,58 Ariary, les factures versées au dossier attestent que JOVENNA MADAGASCAR a payé la somme de 588 521 056 Ariary, bien avant la requête aux fins d’autorisation à saisie-arrêt. La société LPSA reconnaît qu’elle a déjà encaissé cette somme et qu’il ne reste plus que la somme de 55 791 640,58 Ariary sur cette créance.
L’article 51 de la LTGO édicte que le débiteur est tenu d’exécuter son obligation dès lors que le créancier le prouve, à moins qu’il ne se prétende libérer et justifie le fait ou le paiement ayant produit l’extinction de l’obligation.
Qu’il y a lieu de donner acte au paiement effectué et d’ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt à concurrence de la somme de 588 521 056 Ariary sur celle de 644 312 696,58 Ariary réclamée ;
Quant aux intérêts de retard évalués par la société LPSA à la somme de 864 189 289,68 Ariary, l’article 381.2 de la LTGO stipule que la prescription de la créance principale éteint également les créances accessoires.
La créance d’une somme de 314 868 927, 20 Ariary, frappé de cet intérêt de retard ne paraît plus certaine. Quant à la créance d’un montant de 644 312 696,58 Ariary, 588 521 056 Ariarya déjà été régularisée avant la requête aux fins de saisie-arrêt, il ne reste plus qu’une créance d’une valeur de 55 791 640,58 Ariary. En conséquence, la somme de 864 189 289,68 Ariary n’est plus fondée en son principe dans son intégralité mais à reconsidérer suivant les factures versées au dossier. Ainsi, il échet de ramener à 200 000 000 Ariary, le montant à saisir-arrêter en garantie des intérêts de retard des créances fondées impayées en principal.

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De tout ce qui précède, Il y a lieu de confirmer partiellement l’ordonnance n°228 du 02 mai 2018 qui autorise la saisie-arrêt sur tous les comptes bancaires ouverts au nom de la société JOVENA MADAGASCAR jusqu’à concurrence de la somme de 255 791 640,58 Ariary, dont 55 791 640,58 Ariary en principal, outre les intérêts, frais et accessoires à venir, représentant le reliquat entre la créance de 644 312 696,58 Ariary et le paiement d’un montant de 588 521 056 Ariary plus la somme 200 000 000 Ariary, en garantie des intérêts de retard pour les créances fondées impayées.
Sur la demande d’exécution sur minute, le cas d’absolue nécessité exigée par l’article 229 du code de procédure civile n’est pas justifié, qu’il y a lieu de rejeter la demande. Par contre, l’urgence est fondée par l’importance de la somme saisie-arrêtée, qu’il échet d’ordonner l’exécution provisoire nonobstant toutes voies de recours.

PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé à bref délai commercial et en premier ressort ;
En la forme :
Recevons l’opposition.
Au fond :
Confirmons partiellement l’Ordonnance n°228 du 02 mai 2018 ;
Ramenons le montant de la saisie-arrêt à pratiquer par la société LOGISTIQUE PETROLIERE SA ( LPSA) sur tous les comptes bancaires ouverts au nom de la société JOVENA MADAGASCAR à la somme de 255 791 640,58 Ariary ( 55 791 640,58 Ariary en principal, outre les frais, intérêts et accessoires à venir et 200 000 000 Ariary en garantie des intérêts de retard éventuels) ;
Ordonnons l’exécution provisoire nonobstant toutes voies de recours;
Laissons les frais et dépens de l’instance à la charge des deux parties.

Ainsi ordonné et signé après lecture par Nous et le Greffier.-