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ORDONNANCE 2019 N° 335

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DOSSIER N° 379-393/2019 RC 372-383/2019
ORDONNANCE N° 335

 

 

 

L’an deux mil dix-neuf et le dix mai ;
Nous, Mme RAKOTONIRINA Voahirana Patricia, Juge du Tribunal de Commerce d’Antananarivo, siégeant au Palais de Justice de ladite ville en son audience publique des référés commerciaux,
Assistée de Me RATSIMBAZAFY Christiane, GREFFIER
Oui la requérante en ses demandes, fins et conclusions,
Oui la requise en ses moyens, fins et conclusions,
Tous droits et moyens des parties expressément réservés ;

Par assignation à bref délai en date du 25 avril 2019 autorisée l’ordonnance n°276 du 25 avril 2019, la société AMETIS S.A représentée par son administrateur général adjoint, RAZAFINDRAMANANA Narindra, dont le siège social au lot II J 133 A Ambohijatovo Ambodivoanjo Antananarivo ayant pour conseil maître Harivel Parson RAZAFINDRAINIBE a fait comparaître devant la juridiction de céans la société MADA OZI, ayant son siège social au lot 6K6 Ivato Imotro Antananarivo, ayant pour conseil maître RALAMBOMANANA Faratiana et sieur Laurent MANDRIDAKE, demeurant à la Résidence Panoramique Ambatobe Villa n° 10 Antananarivo, ayant pour conseil Me Herisoa RAZOELIARINIVO, Avocat au Barreau, intervenant volontaire, pour s’entendre :
– Refuser l’accès aux aéroports et de l’autoriser délégataire de service public à y accéder ;
Pour soutenir sa requête, la requérante expose que :
– Elle est constituée en 2014 et est la filiale de la société SURYS ;
– Elle a pour principal objet la conception, la vente, la maintenance de systèmes produits, logiciels ou services d’identification, de sécurisation et de traçabilité de documents ou de produits physiques ;
– Suite à un appel d’offres, elle s’est vue confier en 2017, par l’état malagasy la mission de mettre en place un système de visa électronique sécurisé dans 10 aéroports et 07 ports de Madagascar, dans ce cadre un contrat de délégation de service public a été signé ;
– Le 06 novembre 2017, un contrat de sous-traitance a été passé par l’administrateur général de l’époque avec la société MADA OZI ;
– Aux termes du contrat de sous-traitance, la requise a pour obligation parmi tant d’autres « d’encaisser de manière sécurisée le prix des visas électroniques ( en fonction de la durée de séjour du visiteur non immigrant) dans le respect des procédures de contrôle et de traçabilité communiquées par le client ;
– Cette procédure consiste pour la requise d’encaisser les prix de visas et de les verser journalièrement au personnel de sa société qui les reverse au compte projet visas où le RAF fait des virements journaliers pour la DGE et l’AMETIS ;
– Cette mode opératoire est d’ailleurs bien précise par l’article 1.2 de l’avenant n°2 du contrat de sous-traitance en ces termes : «les parties conviennent que les tâches confiées au prestataire consistent notamment à…remettre chaque jour au représentant désigné par le client l’intégralité des sommes perçues dans le cadre de l’émission des visas » ;
– Une mise en demeure a été alors signifiée à la requise le 15 novembre 2018 afin de se conformer au contrat et d’autres en ont suivi sans produire aucun effet ;
– Le pire est que cette société ose même intercepter les plis qui lui sont adressés ;
– Devant cette situation et après les multiples mises en demeures, elle n’a plus d’autres ressources que d’appliquer l’article 167 de la LTGO qui permet à une des parties de résilier unilatéralement le contrat ;
– Que malgré cela, la requise refuse de quitter les lieux de travail à savoir les aéroports ;
– Que cela entraîne des conséquences graves car elle risque d’être pénalisée par l’Etat et met en péril la sécurisation des e-visas ;
En réplique, la requise ayant pour conseil maître RALAMBOMANANA Faratiana explique qu’il est incontestable que la requête introduite par la demanderesse est relative à une demande d’ordonnance aux fins de lui interdire l’accès des aéroports et l’autoriser à y accéder;
Que telle demande ne rentre nullement dans la compétence du Tribunal judiciaire en général et du tribunal de commerce en particulier ;
Que les conditions d’accès aux aéroports sont strictement règlementées par l’aviation civile de Madagascar notamment par décision n°191/ACM/DG/DGA/DSF du 02 décembre 2011 ;
Qu’elle mentionne l’article 3 de ladite décision ;
Que ces missions dévolues à l’aviation civile de Madagascar sont prévues dans la loi n°2015-006 du 12 février 2015 modifiant la loi n°2012-11 du 13 août 2012 portant code malagasy de l’aviation civile laquelle a créé l’autorité de l’aviation civile chargée de veiller aux normes de sécurité et de sûreté sur les aéroports et de veiller à la saine concurrence entre les exploitants et les prestataires d’installation et de service ;;
Elle soulève également l’article L.1.2.1-1 1 du code de l’aviation civile et l’article 1er de l’arrêté interministériel n°28.048/2018 du 14 novembre 2018 ;
Qu’il y a lieu de se déclarer incompétent au profit de l’aviation civile de Madagascar ;
Que subsidiairement, elle soulève l’incompétence du tribunal des référés car la requérante elle-même a déjà introduit devant le tribunal de commerce une procédure aux fins d’annulation du contrat de sous-traitance la liant avec la requise suivant assignation du 10 décembre 2018, procédure n°918/18, dossier renvoyé au 09 mai 2019 pour ses conclusions ;
Qu’elle cite l’article 227 du code de procédure civile ;
Qu’il est incontestable qu’il ne peut être statué sur la présente requête sans trancher sur la validité ou non du contrat de sous-traitance liant les parties actuellement pendante devant la juridiction de fond ;
Que si le juge des référés faisait droit à ladite demande, cela signifie qu’il annule le contrat liant les parties ;
Qu’en conséquence, la saisine de la présente juridiction s’avère inopportune et même peut causer une contrariété de décisions de justice puisque le Tribunal de fond statuera sur la validité ou non du contrat de sous-traitance et par voie de conséquence sur la qualité de la requérante ;
Que très subsidiairement, il y a lieu de débouter la demanderesse de toutes ses requêtes car c’est à tort que cette dernière prétend qu’elle ne se serait pas conformée au contrat ;
Que la source du litige est le refus de la requérante de régler les factures qui lui sont dues en vertu de l’article 07 du contrat de sous-traitance ;
Qu’à ce jour, deux factures restent impayées et ce malgré les diverses relances adressées par la requise à la demanderesse d’une valeur de 329.334.632 ariary 52 ;
En conséquence, s’il y a résiliation de contrat, la faute n’est pas du tout imputable à la défenderesse mais à la demanderesse ;
Qu’à son tour, Laurent MANDRIDAKE ayant pour conseil maître RAZOELIARI NIVO Herisoa a introduit une action en intervention volontaire ;
Que son action est recevable conformément à l’article 359 du code de procédure civile ;
Qu’il soulève l’irrecevabilité de l’action de RAZAFINDRAMANANA Narindra en tant qu’administrateur général adjoint de la société requérante ;
Qu’il est constant que les actionnaires au sein de cette dernière sont en conflit depuis un an auprès du tribunal et elle est composée de deux actionnaires dont le groupe SURYS ayant pour président directeur général HUGUES SOUPARIS et qui détient l’action majoritaire de 90% et la société HAREA HOLDING avec les restes 10% de l’action ;
Que lui-même est actionnaire majoritaire dans la société HAREA HOLDING ;
Que le Tribunal a confirmé la décision de l’assemblée générale du 13 juillet 2017 par ordonnance n°609 du 12 octobre 2018 sur sa qualité d’administrateur général ;
Que le mandat de l’administrateur général d’une société se poursuit jusqu’à la clôture de l’exercice social de l’année d’exercice de cet administrateur qui se traduit par une assemblée générale des associés après clôture des comptes ;
Et la clôture des comptes intervient toujours au mois de juin après cet exercice social donc il reste toujours l’administrateur général ;
Que sur les demandes elles-mêmes, RAZAFINDRAMANANA Narindra soulève l’article 553 de la loi sur les sociétés commerciales quant à sa révocation et invoque la décision de l’AGO du 25 juin 2018 tant qu’une décision de justice n’intervient ;
Que la justice a déjà tranché concernant cette AGO par ordonnance n°609 du 12 octobre 2018 et une procédure au fond est déjà en cours devant le tribunal de commerce portant le n°6/19 quant à l’annulation de cette AGO et les actes subséquents à cette AGO ;
Qu’il soutient les prétentions de la défenderesse afférente à la compétence de l’aviation civile de Madagascar pour règlementer l’accès à l’aéroport ;
Que tant que le contrat liant les deux parties n’est pas résilié, seuls les personnels de la requise ont qualité et droit à y accéder ;
Que la justification de compétence du tribunal de céans est l’urgence alors que RAZAFINDRAMANANA Narindra n’arrive pas à la justifier ;
Que les argents récoltés dans le cadre du contrat ne rentre pas dans le compte de la requérante ainsi que les plis qui lui sont adressés ;
Ce qui ne justifie nullement l’urgence en ce que ces argents ne font pas partis des biens de la requérante car constituent des deniers publics versés directement dans le compte projet ouvert dans le cadre du contrat ;
Que la plainte de RAZAFINDRAMANANA Narindra est déjà classée sans suite concernant cette demande au niveau du service pôle anti-corruption ;

DISCUSSION
EN LA FORME
L’intervenant volontaire soulève l’irrecevabilité de l’action de RAZAFINDRAMANANA Narindra du fait que l’ordonnance n°609 du 12 octobre 2018 a confirmé sa qualité d’administrateur général (Laurent MANDRIDAKE) ;
Que cependant toujours d’après ses prétentions, une procédure au fond est déjà en cours devant le Tribunal de commerce quant à l’annulation de l’AGO qui l’a révoqué ;
Qu’ainsi, l’assignation est recevable car aucune décision définitive n’a annulé la qualité d’administrateur général adjoint de RAZAFINDRAMANANA Narindra et que la révocation de l’intervenant volontaire (Laurent MANDRIDAKE) est encore en discussion devant le Tribunal du fond ;
Que RAZAFINDRAMANANA Narindra a ainsi le droit de représenter l’intérêt de la société requérante tel qu’il ressort de l’article 2 du code de procédure civile;
Que l’assignation est recevable de même que l’intervention volontaire qui a respecté les conditions exigées par la loi notamment des articles 359 à 362 du code sus précité ;

SUR LA COMPETENCE
Aux termes de l’article 227 du même code : « les ordonnances sur référés n’ont qu’un caractère provisoire et ne préjugent pas ce qui sera décidé au fond » ;
Que l’article 239 in fine ajoute que « les articles 223 à 231 sont applicables aux référés en matière commerciale » ;
Qu’interdire l’accès d’un lieu à une personne et autoriser une autre à y accéder contraint le tribunal de céans à discuter un problème sur le fond du fait qu’il est amené à décider qui a le droit d’occuper les lieux ;
Que tel est le cas en l’espèce où les deux parties en litige se disputent l’accès à l’aéroport eu égard le contrat qui les lie;
Que de tout ce qui précède par application notamment de l’article 227 sus précité qui limite la compétence du juge des référés à une mesure à caractère provisoire et ne préjuge pas le fond, il y a lieu de se déclarer incompétent ;

PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière des référés commerciales à bref délai, en premier ressort ;
– Déclarons l’assignation et l’intervention volontaire recevables en la forme ;
– Nous déclarons incompétents au profit du Tribunal du fond ;
– Laissons les frais et dépens de l’instance à la charge de la requérante.
– Ainsi ordonné et signé après lecture par Nous et le Greffier.-