«

»

ORDONNANCE 2019 N° 021

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DOSSIER N° 025/2019 RC 019/2019
ORDONNANCE N° 021

 

 

L’an deux mil dix-neuf et le vingt-quatre janvier ;
Nous, Mme RAKOTOARILALAINA Annick Rosa, Juge du Tribunal de Commerce d’Antananarivo, siégeant au Palais de Justice de ladite ville en son audience publique des référés commerciaux,
Assistée de Me RATSIMBAZAFY Christiane, GREFFIER
Oui les requérants en leurs demandes, fins et conclusions,
Oui la requise en ses défenses, fins et moyens,
Tous droits et moyens des parties expressément réservés ;

Par exploit introductif d’instance en date du 17 janvier 2019, servi à la requête de la banque BMOI Madagascar, poursuites et diligences de son Directeur Central, Sieur Jacky COUPAT, ayant son siège social à la Place de l’Indépendance Antaninarenina Antananarivo et ayant pour Conseil Me Iloniaina RANDRANTO, Avocat au Barreau de Madagascar, et en vertu de l’ordonnance sur requête n° 003 du 17 janvier 2019 portant autorisation d’assigner à bref délai, assignation a été donnée à la Société M&C Aviation, représentée par RAAFIVO RASOLOMANANA, lot 149 F IV Talatamaty Antananarivo, d’avoir à comparaître devant le tribunal de référé commercial de céans, statuant en matière de référé à bref délai, pour entendre :
– Ordonner la discontinuation des poursuites avec toutes les conséquences de droit et l’annulation de la vente aux enchères du véhicule FORD Explorer n°8475 TBB prévue le 25 janvier 2019 ;
– Ordonner la remise de ladite véhicule, de ses clefs de contact et des papiers administratifs y afférents par la société M&C Aviation ou par tout détenteur dudit véhicule auprès de la BMOI ;
– Vu l’extrême urgence, ordonner l’exécution sur minute et avant enregistrement de l’ordonnance à intervenir, nonobstant toutes voies de recours ;
– Condamner la requise aux frais et dépens dont distraction au profit de Me Iloniaina RANDRANTO, Avocat aux offres de droit.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Au soutien de son action, la banque BMOI Madagascar, par le truchement de son Conseil Me Iloniaina RANDRANTO, Avocat à la Cour, expose les moyens suivants:
Elle est créancière de la société VIP LOGISTICS SCS SARL pour un montant total de 614 309 797,20 Ariary en principal, en vertu du contrat de prêt du 26 mai 2014, enregistré le 01er juillet 2014 et cette société débitrice a fait un acte de nantissement de véhicules et constitutif de gage à son profit le 26 mai 2014 ;
Plusieurs démarches amiables ont été entreprises par la BMOI en vue de recouvrer sa créance mais il a été constaté que cette société débitrice a fermé ses portes ;
La banque a alors entamé une procédure de réalisation de gage et a obtenu une ordonnance sur requête n°689 du 12 décembre 2018 l’ayant autorisé à appréhender les véhicules et biens meubles matériels entre les mains de la société VIP LOGISTICS SCS SARL ou celle de tout autre détenteur de son chef aux fins de vente aux enchères publiques desdits biens dont le véhicule FORD Explorer n°8475 TBB ;
Cependant, le 10 janvier 2019, elle a été informée qu’à la requête de la société M&C Aviation, un autre Huissier de justice avait saisi le véhicule suscité pour une vente aux enchères publique prévue pour le 25 janvier 2019 à 10 heures, après quoi, elle a diligenté son Huissier auprès du siège social de cette société mais lorsque la requérante a voulu procéder à l’enlèvement de ce véhicule, la société M&C Aviation n’a pas voulu obtempérer ;
Le 11 janvier 2019, une dénonciation d’un procès-verbal d’affichage annonçant la vente aux enchères de ce véhicule pour le 25 janvier 2019 dans l’enceinte de la société M&C Aviation à Talatamaty a été servie à la requérante ;
Ainsi, ce véhicule, déjà gagé à son profit est prévue être vendue par une autre créancière de la société VIP LOGISTICS SCS SARL alors que les articles 643 et suivants du nouveau Code de Procédure Civile permettent à la requérante de s’opposer à cette vente et de saisir le Tribunal de céans en sa qualité de créancière privilégiée, une saisie par une créancière tierce ne peut avoir lieu sur son bien déjà gagé et non moins la vente aux enchères publiques de celui-ci.
Pour appuyer ses prétentions, la banque BMOI Madagascar verse au dossier :-
– La copie de l’acte de nantissement de véhicules et constitutif de gage du 26 mai 2014 ;
– L’ordonnance sur requête n°689 du 12 décembre 2018 ;
– Signification commandement avec procès-verbal de saisie-exécution du 10 janvier 2019 par la société M&C Aviation ;
– Dénonciation d’un procès-verbal d’affichage du 11 janvier 2019 par la société M&C Aviation ;
– La signification de la société VIP LOGISTICS pour information en date du 17 janvier 2019.

Par sa conclusion et lors de sa plaidoirie à l’audience du 23 janvier 2019, Me Andy RAMAMONJISOA, Conseil de la société M&C Aviation, expose que :
Sur les faits, elle est créancière de la société VIP LOGISTICS SCS SARL pour la somme de 266 173 659 Ariary et elle a obtenu l’Ordonnance n°489 du 21 août 2018 rendue par le Tribunal d’Antananarivo l’autorisant à procéder au recouvrement par toutes voies judiciaires de sa créance ;
Une saisie-exécution sur le véhicule FORD Explorer n°8475 TBB appartenant à la société VIP LOGISTICS a pu être effectuée le 10 janvier 2019 dont la vente aux enchères était fixée le 25 janvier 2019 suivant dénonciation d’un procès-verbal d’affichage versé au dossier ;
Suite à ces opérations, un acte de signification commandement avec procès-verbal d’enlèvement lui a été servie par la BMOI le 10 janvier 2019 pour le notifier que ce véhicule saisi était gagé au profit de cette banque qui voulait effectuer une réalisation de gage et sommait la société M&C Aviation de lui remettre le véhicule afin de lui permettre de procéder à une vente aux enchères publiques prévue le 24 janvier 2019, une restitution qu’elle refuse, faute d’opposition formée légalement par la BMOI à l’encontre de la saisie et de la vente aux enchères en cours et de décision de justice définitive réglant la situation ;
Elle soulève in limine litis l’exception de nullité de l’assignation du 17 janvier 2019 aux motifs que :
Suivant l’article 136 alinéa 5 du code de procédure civile, l’assignation doit, à peine de nullité, contenir l’indication du tribunal qui doit connaître de la demande, de la date et l’heure de la comparution et le lieu où l’audience doit être tenue ;
Pourtant, l’assignation servie le 17 janvier 2019 par la BMOI n’indique pas la juridiction qui va statuer et dès lors, cette assignation est nulle, de nul effet et irrecevable ;
Il soulève, en outre, une exception d’irrecevabilité de la demande de la BMOI vu que les articles 643 et suivants du code de procédure civile édictent que si un tiers revendiquant désire s’opposer à la saisie pratiquée ou à la vente, il doit formellement former opposition avant de saisir le tribunal des référés, or, aucune opposition n’a été formée ni signifiée à la société requise par la BMOI et donc sa demande est irrecevable ;
Subsidiairement au fond, sur le privilège de la BMOI, la société M&C Aviation ne conteste pas que ce véhicule litigieux soit gagé au profit de la BMOI mais la requise est également en possession d’une grosse exécutoire et est une créancière privilégiée autant que la BMOI ;étant chacune créancière privilégier, les parties peuvent légalement procéder aux voies d’exécution sans que l’une d’entre elles ne puisse prévaloir d’être plus privilégiée que l’autre, les prétentions de la BMOI sont ainsi non fondées et doivent être rejetées ;
Par ailleurs, l’article 70 de la loi n°2003-041 sur les sûretés dispose que « Dans tous les cas, le privilège ne subsiste sur le gage qu’autant que ce gage a été mis et est resté en la possession du créancier ou d’un tiers convenu entre les parties. » ;
Or, lors de la saisie-exécution effectuée par la M&C Aviation, le véhicule litigieux était entre les mains d’un tiers qui n’a aucun lien juridique avec la BMOI ou la VIP LOGISTICS, ni la BMOI, ni le détenteur ne sont en mesure de produire une convention selon laquelle ce détenteur était autorisé à le détenir, ce gage et le privilège dont se prévaut la BMOI n’est donc plus effectif ;
Enfin, la Loi sur les sûretés fixe plusieurs conditions et des mentions obligatoires sur l’acte de nantissement à peine de nullité ;
Son article 120 dispose en effet comme mentions obligatoires le domicile des parties et les conditions d’exigibilité de la dette principale et des intérêts, or, ces mentions ont été omises dans l’acte de nantissement de la BMOI et vu la nature de ces contestations ainsi que les demandes d’annulation de la vente aux enchères publiques et de restitution du véhicule litigieux, de ses clés et papiers relèvent du juge du fond, la requise soulève l’incompétence de la juridiction de céans.
De tout ce qui précède, la société M&C Aviation demande au tribunal :
En la forme :
– De déclarer l’assignation nulle et de nul effet ;
– Déclarer la requête irrecevable faute d’opposition formée préalablement.
Subsidiairement au fond :
– Constater l’existence de contestations sérieuses et se déclarer incompétent pour trancher du litige ;
– Débouter la BMOI de toutes ses prétentions ;
– La condamner aux frais et dépens dont distraction au profit de Me Andy RAMAMONJISOA, Avocat aux offres de droit.
Pour soutenir ses prétentions, la société M&C Aviation verse au dossier :
– La signification commandement de payer avec procès-verbal de saisie-exécution en date du 10 janvier 2019 ;
– L’ordonnance n°489 du 21 août 2018.

DISCUSSION
En la forme :
Sur l’exception de nullité de l’assignation du 17 janvier 2019 servie par la BMOI:
La société M&C Aviation soulève l’exception de nullité de cette assignation aux motifs qu’elle n’indique pas la juridiction saisie. Cependant, l’article 18.2 du code de procédure civile dispose que la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
En l’espèce, la requise n’a pas pu prouver ce grief et elle a eu l’opportunité de présenter ses moyens de défenses malgré l’absence de la mention de la juridiction saisie dans l’assignation, qu’il y a lieu de rejeter cette exception.
Sur l’exception d’irrecevabilité de la requête présentée dans l’assignation, la société M&C Aviation soulève que la BMOI ne s’est pas opposée à la saisie pratiquée ou à la vente. Cependant, cette banque n’a pas été notifiée de l’ordonnance n°489 du 21 août 2019 permettant à la requise d’effectuer la saisie. Qu’il convient de rejeter cette exception et de déclarer recevables l’assignation et la requête de la banque BMOI Madagascar.
Au fond :
L’article 124 de la loi n°2003-041 du 03 septembre 2004 sur les sûretés édicte que faute de paiement à l’échéance, le créancier nanti exerce son droit de suite et procède à la réalisation du matériel et des véhicules automobiles selon les dispositions de l’article 88.

Ceci étant, l’acte de nantissement octroie à la BMOI la qualité de créancière privilégiée étant donné que cet acte est dûment signé par les parties et énonce le contrat de prêt et le domicile de la VIP LOGISTICS sur les listes des véhicules mis en gage. Ansi, le tribunal de référé ne statue que sur l’urgence, entre autre, l’existence d’un même bien, objet de deux saisies et deux ventes aux enchères par deux créancières différentes. Il est dès lors prouvé que la BMOI est une créancière privilégiée pouvant exercer ses droits de suite et ses droits de préférence.
Ensuite, la M&C Aviation invoque que le véhicule litigieux s’est trouvé entre les mains d’un tiers au contrat. Cependant, son droit de suite permet à la BMOI de se faire attribuer le gage entre les mains de quelque détenteur que ce soit.
Par ailleurs, ce créancier privilégié exerce son droit de préférence conformément à l’article 219 de la loi sur les sûretés, c’est-à-dire au cinquième rang alors que le créancier chirographaire qui détient un titre exécutoire se trouve au huitième rang des créanciers, ce qui permet au tribunal de constater que la BMOI est une créancière privilégiée par rapport à la M&C Aviation.
De tout ce qui précède, il échet d’ordonner la discontinuation de la poursuite avec toutes les conséquences de droit et l’annulation de la vente aux enchères du véhicule FORD Explorer n°8475 TBB prévue le 25 janvier 2019, d’ordonner la remise dudit véhicule, de ses clefs de contact et des papiers administratifs y afférent par la société M&C Aviation ou par tout autre détenteur dudit véhicule auprès de la BMOI.
Sur la demande d’exécution sur minute, le cas d’absolue nécessité exigé par l’article 229 du code de procédure civile n’est pas constitué, qu’il y a lieu de ne rejeter la demande et d’ordonner l’exécution provisoire nonobstant toutes voies de recours.

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé commercial statuant en bref délai et en premier ressort :
En la forme :
Rejetons l’exception de nullité de l’assignation du 17 janvier 2019 ;
Rejetons l’exception d’irrecevabilité de la requête y présentée ;
Recevons les demandes.
Au fond :
Rejetons les demandes de la société M &C Aviation ;
Ordonnons la discontinuation de la poursuite avec toutes les conséquences de droit et l’annulation de la vente aux enchères du véhicule FORD Explorer n°8475 TBB prévue le 25 janvier 2019 ;
Ordonnons la remise dudit véhicule, de ses clefs de contact et des papiers administratifs y afférent par la société M&C Aviation ou par tout autre détenteur dudit véhicule auprès de la BMOI ;
Rejetons la demande d’exécution sur minute ;
Condamnons la société M&C Aviation aux frais et dépens de l’instance dont distraction au profit de Me Iloniaina RANDRANTO, Avocat aux offres de droit.
Ainsi ordonné et signé après lecture par Nous et le GREFFIER.-