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ORDONNANCE 2019 N° 01

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DOSSIER N° : 922/18 RC :1013/18
ORDONNANCE N° : 01 DU JEUDI 03 JANVIER 2019

 

 

L’an deux mil dix-neuf et le trois Janvier ;
Nous, RAKOTOARILALAINA Annick Rosa Juge du Tribunal de Commerce d’Antananarivo,siégeant au Palais de Justice de ladite ville en son audience publique des référés commerciaux,
Assisté(e) de Me RAMORASATA Hanitramalala, GREFFIER
Oui les requérants en leurs demandes, fins et conclusions,
Oui la requise en ses défenses, fins et moyens,
Tous droits et moyens des parties expressément réservés ;

Par assignation en date du 10 décembre 2018, la Compagnie de Sécurité Privée et Industrielle (CSPI), ayant pour Conseil Me RAHARISON Hubert, Avocat au Barreau de Madagascar, ayant été autorisée par l’ ordonnance n°766 du 10 décembre 2018 à assigner à bref délai, a attrait le Cabinet des Auditeurs et Associés (CGA), à comparaître devant le Tribunal de Référé à bref délai commercial pour s’entendre suspendre toute action, en l’occurrence, un audit au sein des aéroports de Madagascar.
Moyens et prétentions:
Aux motifs de son action, la Compagnie de Sécurité Privée et Industrielle (CSPI), par le truchement de son Conseil Me RAHARISON Hubert, Avocat à la Cour, expose:
Suivant un appel d’offre internationale, un contrat BOT (BUILD-OPERATE-TRANSFER) a été conclu entre le Ministère des Transports et de la Météorologie, l’Aviation Civile de Madagascar (ACM) et la CSPI, adjudicataire le 23 février 2013 relatif à la concession de service public relatif à la gestion, à l’exploitation des sûretés et de sécurité des huit aéroports principaux de Madagascar ;
Comme le contrat le définit, les contrats BOT sont des contrats de concession par lesquels des personnes publiques confient à un tiers pour une durée déterminée en fonction de la période d’amortissement des investissements immatériels, d’ouvrage ou d’équipements nécessaires au service public ;
Des obligations respectives des parties y sont clairement définies notamment en son article 23 pour le Ministère des Transports et de la Météorologie et l’Aviation Civile de Madagascar (ACM) et au titre III pour la CSPI ;
Depuis quelque temps, suite aux manquements des obligations contractuelles, divers litiges ont eu lieu entre les parties, des démarches amiables ont échoué et ainsi, un cabinet d’audit dénommé Cabinet des Auditeurs et Associés (CGA) a signifié la CSPI que le contrat BOT susdit fera l’objet d’un audit par ses soins et suivant la directive unilatéral du Ministère des Transports ;
Cependant, auditer un contrat signifie évaluer son exécution dans le temps et dans l’espace conformément aux stipulations contractuelles ;
Par ailleurs, l’article 123 de la Loi sur la Théorie Générale des Obligations stipule que le contrat légalement formé s’impose aux parties au même titre que la Loi, elles ne peuvent la révoquer ou le modifier que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la Loi autorise ;
L’audit ainsi envisagé fait fi des dispositions contractuelles valant Loi entre les parties sachant qu’en cas de litige, seul l’arbitrage, sous l’égide de la Chambre de Commerce Internationale est compétent pour trancher le litige tel que stipulé dans l’article 4.2 du contrat BOT qui dispose ainsi : « Les parties conviennent expressément que tout litige relatif à l’établissement, à l’interprétation ou exécution du présent contrat qui ne peut trouver de dénouement amiable, sera reglé par voie d’arbitrage et échappera à la compétence des juridictions malgaches, en conformité avec les documents de référence, l’arbitrage se fera devant l’Organisme d’arbitrage de la Chambre Internationale de Commerce… »
Par ailleurs, en cette période électorale où la forte augmentation du nombre des passagers et du trafic aérien avec la venue de nombreux observateurs et les missions de la Communauté Internationale est de plus en plus croissante, il est plus que nécessaire pour la CSPI de relever le niveau des sûretés dans les aéroports afin d’assurer la sécurité des passagers ;
La réalisation d’un audit dans les aéroports ne peut que perturber le déroulement des opérations de sûreté, qu’il y a extrême urgence à suspendre toute action, en l’occurrence, un audit au sein des aéroports ;
L’exception d’incompétence au profit du tribunal administratif ne saurait prospérer dans la mesure où ce contrat BOT est un contrat international, d’autant plus que tout contrat conclu avec ne personne publique n’est pas forcément un contrat administratif, cette personne publique a confié à une personne privée d’apporter son investissement financier tel que les caméras, les machines de détection de métaux, le service cynophile, …, l’objet du contrat est en ce sens purement commercial ;
D’autre part et principalement, le tribunal de céans n’a pas à statuer sur le contrat BOT et signé et dans son exécution, mais de statuer sur l’incident survenu entre la CSPI et le CGA qui pourrait provoquer des conséquences dommageables sur la sûreté des aéroports et conformément aux articles 223 et suivants du code de procédure civile, le tribunal de référé est compétent dès qu’il y a urgence sans entrer sur le fond ;
Concernant le fond, le CGA lui a informé par signification en date du 07 décembre 2014 qu’il allait faire l’audit du contrat BOT, auditer un contrat signifie examiner les différents articles du contrat et sa mise en œuvre par les parties contractantes, aucun article de ce contrat ne prévoit un audit par l’une des parties ;
Par contre, l’article 4.2 de ce contrat prévoit l’arbitrage en cas de litige et l’article 123 de la Loi sur la Théorie Générale des Obligations énonce qu’un agissement unilatéral est illégal ;
Cet audit constitue en conséquence un incident majeur et un acte illégal sans parler du risque de perturbation des activités de la CSPI, en cette période de haute saison qui requiert beaucoup de vigilance, qu’il convient de le suspendre.
Pour appuyer ses demandes, la CSPI verse au dossier :
– L’Ordonnance sur requête n°766 du 10 décembre 2018 ;
– La copie de la signification du 07 juillet 2018 ;
– La lettre en date du 06 décembre 2018 sur l’audit du contrat BOT.
Par la procédure n°932/18 par requête en date du 14 décembre 2018, l’Aviation Civile de Madagascar (ACM), par l’organe de son Conseil Me Haingo RAZAFINDRAKOTO, Avocat au Barreau de Madagascar, sollicite au tribunal de céans son intervention volontaire dans la présente procédure vu que le CGA lui a communiquée la requête de la CSPI tendant à la suspension de l’audit du contrat BOT conclu entre l’ACM, le Ministère des Transports et la CSPI ;
En effet, en sa qualité de contractante et sachant que le Cabinet CGA s’est trouvé adjudicataire de l’appel d’offre lancé dans le cadre du contrat BOT ainsi conclu, l’ACM a le plus haut intérêt à intervenir dans cette procédure ;
Lors de sa plaidoirie à l’audience du 27 décembre 2018, le Conseil de l’ACM soulève in liminelitis l’exception d’incompétence du tribunal de céans étant donné que l’objet du contrat contre la sûreté et la sécurité du transport aérien sont des services publics qui relèvent de la compétence du Tribunal Administratif en cas de litige ;
Par contre, si le tribunal retient sa compétence, l’ACM soulève que le contrat BOT ainsi conclu prévoit l’audit engagé par l’Autorité concédante et à sa charge, qu’il échet de rejeter toutes les demandes de la CSPI au fond.
Pour justifier ses prétentions, l’ACM verse au dossier :
– La copie du contrat BOT en date du 23 février 2013 ;
– La copie du marché public n°10-ACM/PRMP/UGPM/2018 du 09 octobre 2018 ;
– La copie du PV de carence du 18 décembre 2018.
Par la procédure n°936/18, par sa requête en date du 17 décembre 2018, le Ministère des Transports et de la Météorologie, par l’intermédiaire de son Conseil Me Haingo RAZAFINDRAKOTO, Avocat au Barreau de Madagascar, demande également au tribunal de céans son intervention volontaire dans la présente procédure en sa qualité d’autorité concédante de l’audit du contrat BOT sus énoncé sachant que le Cabinet d’Audit et Associés (CGA) tient sa qualité de défendeur du fait que c’est à lui qu’a été adjugé la mission d’audit préconisée par ce contrat BOT ;
Pendant sa plaidoirie à l’audience du 27 décembre 2018, le Conseil du Ministère des Transports et de la Météorologie confirme l’exception d’incompétence et conclut au débouté de la demande de la CSPI en affirmant que l’audit est prévu par le contrat BOT et il n’y a aucune raison de suspendre son exécution.
Le Cabinet d’Audit et Associés (CGA), par le truchement de son Conseil Me Allain RAJOELINA, Avocat à la Cour, et par la plaidoirie de ce dernier soulève in liminelitis l’exception d‘incompétence de la juridiction saisie en application de l’article 4 du contrat BOT ;
De plus, suivant le marché public n°10-ACM/PRMP/UGPM/2018 du 09 octobre 2018 liant le Ministère des Transports et de la Météorologie, l’Aviation Civile de Madagascar (ACM) et le Cabinet d’Audit et Associés (CGA), il est stipulé en son article 4.3 que les parties saisissent le Tribunal Administratif territorialement compétent en cas de litiges relatifs à l’exécution du marché ;
La présente procédure entamée par la CSPI tend à mettre en cause et à suspendre l’exécution de l’audit ;
Les deux contrats ne relèvent pas de la compétence de cette juridiction, qu’il convient de se déclarer incompétent au profit de la procédure d’arbitrage et de la juridiction administrative ;
Si le tribunal de céans rentre quand même dans le fond de l’affaire, à la lecture de ce contrat BOT et du marché public suscité, la CSPI et la CGA n’ont aucun lien juridique, ces deux contrats, malgré leur lien de connexité, ne donnent pas droit à la CSPI de demander la suspension de l’audit comme elle l’a fait constater par voie d’huissier le 18 décembre 2018 son refus d’exécution de la mission de la CGA ;
Qu’il convient en conséquence de débouter la CSPI de toutes ses demandes ;
Par ailleurs, l’article 16 de ce marché public prévoit une pénalité calculée sur le nombre de jours de retard jusqu’à son exécution effective, l’entrave perpétrée par la CSPI entraîne d’énorme préjudice au CGA qui est contraint de payer cette pénalité de retard alors qu’il n’a commis aucune faute dans l’accomplissement de sa mission.
De tout ce qui précède, le CGA sollicite au tribunal :
– Sur la compétence :
Constater l’existence des clauses attributives de compétence dans les deux contrats ;
Se déclarer incompétent au profit du tribunal arbitral et du tribunal administratif.
– Subsidiairement au fond :
Débouter purement et simplement la CSPI de toutes ses demandes mal fondées ;
Autoriser le CGA à poursuivre l’audit et faire défense à la CSPI de le troubler ;
En cas de résistance, condamner la CSPI à payer une astreinte de 20 000 Euros par jour de retard jusqu’à la parfaite réalisation de l’audit et ce, à compter de la signification de la décision à intervenir ;
Laisser les frais et dépens à qui de droit dont distraction au profit de Me Allain RAJOELINA, Avocat aux offres de droit.

DISCUSSION :
La CSPI demande au tribunal de céans de suspendre l’audit effectué par le CGA. Il s’agit de l’audit sur l’exécution du contrat BOT en date du 23 février 2013 liant la CSPI, le Ministère des Transports et de la Météorologie ainsi que l’ACM. La CSPI elle-même relate dans sa conclusion qu’auditer un contrat signifie examiner les différents articles du contrat et sa mise en œuvre par les parties contractantes. Le tribunal de céans voit également que cet audit rentre dans le cadre le l’exécution du contrat BOT en question, vu qu’elle a pour but de contrôler l’exécution de ce contrat.
L’article 123 de la Théorie Générale des Obligations dispose que le contrat légalement formé s’impose aux parties au même titre que la Loi.
En l’espèce, l’article 4.2 du contrat BOT stipule que : « Les parties conviennent expressément que tout litige relatif à l’établissement, à l’interprétation ou exécution du présent contrat qui ne peut trouver de dénouement amiable, sera reglé par voie d’arbitrage et échappera à la compétence des juridictions malgaches, en conformité avec les documents de référence, l’arbitrage se fera devant l’Organisme d’arbitrage de la Chambre Internationale de Commerce… »
En conséquence, il y a lieu de se déclarer incompétent au profit de l’Organisme d’arbitrage de la Chambre Internationale de Commerce.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé commercial en bref délai et en premier ressort ;
– Nous déclarons incompétent ;
– Laissons les frais et dépens à la charge de la CSPI dont distraction au profit de Me Allain RAJOELINA, Avocat aux offres de droit

Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jours, mois et an que dessus
Et la minute de la présente décision a été signée par Le Président et Le Greffier. /.