DOSSIER N° : 769/18 RC :847/18
NATURE DU JUGEMENT :SUR REQUÊTE
JUGEMENT N° :301-c/19 DU 12/12/2019
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 26/10/2018
DELAI DE TRAITEMENT : __1 Année(s) 1 Mois 26 Jour(s)
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Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique ordinaire du jeudi douze décembre deux mille dix-neuf , salle 7 (3), où siégeaient :
Madame/ Monsieur, RAKOTOARISON Rindra Nirina – PRESIDENT
En présence de :
Mme/ Mr RAVELOSON Landy – ASSESSEUR
ANDRIANASOLONDRAIBE Ony Lalaina -ASSESSEUR
Assisté(e) de Me RAMORASATA Hanitramalala – GREFFIER
Il a été rendu le Jugement suivant :
ENTRE :
La BNI MADAGASCAR S.A. , ayant son siège à 74, rue du 26 Juin1960 Analakely
Requérant(e), comparant et concluant.
ET :
La TOUR.COM , ayant son siège à Lot II V 14 Ampandrana Besarety ,ayant pour Conseil Maître : RAKOTOARIMANANA Russel
Requis(e), comparant et concluant.
LE TRIBUNAL
Vu toutes les pièces du dossier :
Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;
Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
FAITS ET PROCEDURES :
Suivant exploit d’huissier servi le 05 décembre 2018 ; la société anonyme BNI –MADAGASCAR (BNI) ayant son siège social au 74 rue du 26 juin 1960 Analakely Antananarivo représentée par Monsieur Andriamasinony Clément , a attrait La TOUR.COM sise au lot II V 14 Ampandrana Besarety Antananarivo 101 devant le tribunal commercial de céans pour entendre :
- Condamner la TOUR.COM à payer à la BNI MADAGASCAR la somme de 244.173.667,96Ariary en principale outre les agios courus et les intérêts de droit de la dite somme,
- Condamner également la requise à payer à la requérante la somme de 40.000.000Ariary à titre de dommage intérêt pour résistance abusive ainsi qu’au frais et dépens,
- Ordonner l’exécution du jugement à intervenir.
- MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Aux motifs de son action, la BNI soutient :
Que la TOUR.COM ne saurait nier ni disconvenir qu’elle lui est redevable de la somme de 244.173.667, 96Ariary en principal outre les agios,
Que toutes ses démarches à l’amiable faites pour avoir paiement sont restées vaines et sans résultat notamment la lettre de mise en demeure en date du 22 Août 2018.
La TOUR.COM par le biais de son conseil Maître Rakotoarimanana Russel a conclu ainsi qu’il suit :
Sur les faits :
Elle est une entreprise ayant pour activité des organisations de circuit touristiques et location de voitures,
Pour le bon fonctionnement de ses activités elle a loué un TPE GPRS SAGEM, plusieurs de ses clients ont payé par carte,
A chaque paiement par carte, il revient à la banque de mettre en valeur le compte de la société requise, que la banque ne débite jamais le compte de ses clients sans avoir vérifié la liquidité des sommes versées dans le compte bancaire ;
Que dans la présente procédure, le solde du compte de la TOUR.COM en date du 30 mars 2018 s’est élevé à 3.391.790Ariary,
Après cette date jusqu’à présent, elle n’a aucunement effectué ou autorisé la banque BNI à effectuer une opération de débit pour son compte sauf pour les seuls types de frais de comptes qui sont les agios, les frais de tenue de compte PACK PRO et frais de location de TPE,
Grande fut sa surprise lorsque la banque a débité un montant total de 254.131.472,15Ariary alors que son compte ouvert au nom de la société TOUR.COM n’est pas un compte à découvert,
Sur la créance non justifiée :
Toutes les opérations au crédit du compte de la TOUR.COM ont respecté toutes les termes fixés par la banque,
Il appartient à la banque de déterminer la normalité des opérations au sein même de ses services,
La requise n’a fait que de simple usage de machine TPE livrée et paramétrée par la banque,
Son compte a été bel et bien crédité par les paiements par carte de la part de ses clients,
En conséquence, il appartient à la banque de ne pas débiter un compte n’ayant pas de solde, elle aurait pu vérifier la liquidité des montants crédités dans le compte ;
C’est à tort que la banque lui tienne responsable de leur faute professionnelle et de leur erreur bancaire.
Sur la demande reconventionnelle :
Elle se sente lésée par la présente procédure et la mauvaise foi de la requérante qu’elle est fondée à demander la somme de 10.000.000Ariary à titre de dommages intérêts pour tous préjudices confondus.
La BNI réitère ses précédentes écritures et conclut au débouté de la demande reconventionnelle par les moyens suivants :
Suivant contrat en date du 17/01/2018, l’installation du TPE loué par la TOUR COM a été effective le 05/02/2018 et la première transaction a été enregistrée le même jour,
La fonctionnalité « paiement location de Biens et Services » se déroule en deux étapes :
1-la mobilisation ou réservation du montant par la saisie sur le TPE
2-la clôture de la transaction par le débit du compte du porteur de carte du montant de la prestation et crédit du compte du titulaire du TPE, la clôture ou la finalisation des transactions doit intervenir dans un délai de 30 jours et en présence des porteurs des cartes ;
Pour le cas de la TOURCOM, des touristes ont fait appel à ses services pour la location de véhicule et réservation de chambres d’hôtels, les prix de ces transactions ont été réservés par la saisie des numéros de carte sur le TPE en l’absence des porteurs de carte elles-mêmes ;
Le 06, 12, 13, 19,20 et février 2018, le montant total des pré-autorisations saisies sur le TPE mis à la disposition de la TOURCOM s’élevait à 238.225.000Ariary outre les frais relatifs à ces transactions,
La finalisation de ces transactions est intervenue seulement 1 à 5 jours de la demande de pré-autorisation alors que pour ce genre de transaction la société requise dispose de 30 jours pour le faire et seulement en présence des porteurs des cartes et si les prestations ont été fournies ;
Les opérations au crédit du compte de la société requise n’ont pas respectés les termes fixés par la BNI relatifs au contrat de location de TPE ;
En effet la finalisation des transactions sur TPE a été fait trop tôt et sans la présence des porteurs des cartes et sans l’autorisation de ces derniers pour débiter leurs comptes ;
Les soi-disant clients de la TOURCOM n’ont jamais séjournés à Madagascar suivant confirmation de la Police de l’Air et des Frontières,
Ainsi aucune prestation n’a donc été fournie par la requise et qu’aucune clôture de la transaction n’aurait dû se faire ;
Par conséquent la TOURCOM n’aurait jamais dû encaisser le prix d’une prestation non fournie ;pourtant après seulement quelques jours de la saisie de la pré-autorisation ,les transactions ont été finalisées et créditées sur le compte de la société puis 1 ou 2 jours seulement après les fonds ont été retirés par le gérant propriétaire de cette dernière ;
Les porteurs des cartes ont fait des réclamations auprès de leurs banques car non seulement ils n’ont pas initiés les pré-autorisations et encore moins séjournés à Madagascar ;
De plus son action repose uniquement sur le non-respect des conditions contractuelles:
La TOURCOM a expressément adhéré au système VISA ; à ce titre elle a donné autorisation à VISA de prélever sur le compte de ses clients les fonds nécessaires à la réalisation d’une transaction ou en cas de contestation reçue par VISA, l’autoriser à procéder directement à l’annulation de l’opération de crédit enregistré sur son compte ;
La saisie des transactions de type « pré-autorisation » sur TPE permet de mobiliser une certaine somme d’argent liée à une prestation sans débiter le compte des clients, les clôtures des opérations effectuées sur TPE ne sont réglées que sous réserve de bonne fin d’encaissement, en présence des porteurs des cartes dans un délai de 30 jours (article des conditions générales) ;
La saisie des pré-autorisations peut se faire même en l’absence des porteurs, mais la finalisation de l’opération matérialisée par le transfert du montant réservé doit obligatoirement se faire en présence des porteurs des cartes ;
La BNI n’intervient nullement sur la saisie et la clôture des pré-autorisations,
Etant la banque de la TOURCOM, elle a l’obligation de vérifier les identités des porteurs des cartes, de voir si les cartes ne font pas l’objet d’une opposition, vérifier auprès de la banque des porteurs si les soldes disponibles sur le compte des porteurs couvrent le montant des prestations de la TOURCOM
Suites à ces réclamations, toutes les pré-autorisations ont été annulées et les fonds retournés ; et la BNI s’est trouvée obligée d’accepter les impayés à hauteur des pré-autorisations saisies et finalisées sur le TPE.
En réplique dans ses conclusions subséquentes la TOURCOM maintient toutes ses précédentes écritures en arguant :
Qu’elle n’est pas en relation d’affaires avec la BNI, cette dernière n’a pas à s’immiscer dans ses propres affaires par le fait de vérifier les clients de la TOURCOM, qu’elle n’est pas responsable de la traçabilité de ces derniers ;
Qu’elle n’est pas en mesure de connaître tout ce qui est déroulement ou règles dans le monde de la finance et surtout pour garantir toutes les opérations qu’elle aurait à passer ,elle a entièrement fait confiance à la BNI ;
Qu’avant et après chaque transaction la BNI n’a fait aucune opposition quant à leur accomplissement,
Que le fait de réagir à postériori de diverses transactions ne peut être que qualifié de négligence,
Que c’est à tort que la banque ait remboursé une quelconque réclamation à sa place sans son aval et même aucun contrat n’a été conclu dans ce sens ;
Que de plus quand la TOURCOM effectue une opération sur le TPE cette opération est immédiatement enregistrée à la BNI en tant que demande d’encaissement de fonds,
Que par la suite la BNI demande confirmation à la banque du titulaire de la carte utilisée, ladite banque demande confirmation auprès de son client s’il a été l’auteur de la transaction ou non ;
Qu’ainsi la BNI ne crédite le compte de la TOURCOM qu’après confirmation expresse venant de la banque du titulaire de la carte et seulement après une confirmation ;
Qu’en outre l’article 1er alinéa 2 du contrat de location de TPE stipule qu’à un seuil de 199.800Ariary, chaque opération effectuée avec le TPE est soumise à une demande d’autorisation auprès de la BNI avant d’être créditée ou non sur le compte de société or toutes les opérations passées par la TOURCOM sur TPE dépassent largement ce montant ;
Qu’en conséquence la BNI ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour mettre en cause la responsabilité de la requise.
Pièces produites par la BNI :
- TPE GPRS SAGEM conditions générales de location,
- TPE GPRS SAGEM conditions particulières –vente location,
- Passeport au nom de Wise Grahan,facture n°060218A/18 du 06/02/18,ticket signé d’un montant de 15950000MGA,formulaires cardamone dossier n°41992 du 2018/02/15, « cardholder verification statement » du 15/02/2018,
- Passeport au nom de Huntington Peter,facture n°110218B/18 du 12/02/2018,ticket clôture dossier d’un montant de 16.000.000MGA, formulaires dossier 42085 du 2018/03/01,
- Mails dossiers : 42129, 42136, 42086, 42128, 42074, 42082, 42184, 42049, 4237, 41992,42084
- Passeport au nom de Martin Sarah, facture n°21028B/18 du 21/02/2018,ticket clôture dossier d’un montant de 16.600.000MGA,formulaires du 2018/03/01,
- Passeport au nom de Giustiniani Mark,facture n°210218A/18 du 21/02/2018,formulaires dossier n°42129,ticket clôture dossier d’un montant de 17.000.000MGA montant débité 16.980000MGA,
- Lettres en date du 05/04/2018,
- Passeport au nom de Woods Brett, factures n°190218A/18 du 19/02/2018 et n°200218 E/18 du 20/02/2018, tickets clôture dossier d’un montant de 16.600.000MGA et de 16.980.000MGA, formulaires dossiers 42185 et 42184,
- Passeport au nom de Wijayatilaka Pasindu,facture n°200218D/18 du 20/02/2018,
- Passeport au nom de Javon Vinson,facture n°200218C/18 du 20/02/2018,ticket clôture dossier d’un montant de 16.900.000Ariary,formulaires dossier 42086,
- Passeport au nom de Leung Lokman,facture n°200218A/18 du 20/02/2018,ticket clôture dossier d’un montant de 17.000.000MGA,formulaires dossier 42074,
- Passeport au nom de Goran Zuvela,facture n°200218B/18,ticket clôture dossier d’un montant de 17.000.000MGA,
- Passeport au nom de Cahir Brett,factures n°190218C/18 et n°190218B/18 du 19/02/2018 ;tickets clôture dossier montant débité 19.500.000MGA et de 17.990.000MGA, formulaire dossier 42082,
- Passeport au nom de Nell Peter,facture n°130218A/18 ticket clôture dossier montant débité 19.200.000MGA,
- Passeport au nom de Vella Jones Kristy,facture n°120218A/18,ticket montant débité 16.280.000Ariary formulaires dossier 42037
- Liste des 14 transactions avec les numéros des cartes,
Pièces versées par la TOURCOM :
- Extrait de compte période du 01/01/2018 au 05/04/2018.
- MOTIFS :
En la forme :
Toutes les demandes ont été formulées conformément aux dispositions du code de procédure civile, elles sont donc recevables en la forme.
Au fond :
Sur la demande de paiement de la somme de 244.173.667,96Ariary :
Aux termes de l’article 123 de la loi 66003 du 02 juillet 1966 sur la théorie générale des obligations : Le contrat légalement formé s’impose aux parties au même titre que la loi.
Elles doivent l’exécuter de bonne foi, dans le sens qu’elles ont entendu lui donner.
Elles ne peuvent le révoquer ou le modifier que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
Et suivant les dispositions de l’article 51 de la même loi, le débiteur est tenu d’exécuter son obligation dès lors que le créancier le prouve, à moins qu’il ne se prétende libéré et justifie le fait ou le paiement ayant produit l’extinction de l’obligation, ou qu’il soit dispensé de l’exécuter par suite de la force majeure, sauf disposition contraire de la loi ou de l’acte générateur de l’obligation.
En l’espèce il n’est pas contesté par la requise que le montant réclamé par la BNI a été crédité dans son compte en contrepartie des transactions passées sur le TPE.
Les conditions particulières vente location TPE GPRS SAGEM dans son article premier-1 stipule que si l’accepteur (la Tour Com) ne communique pas le justificatif ou le communique au-delà du délai de 10jours, il s’expose à un impayé.
Et de plus l’article 6.12 du contrat d’adhésion au système d’acceptation Visa conditions générales d’adhésion au système de paiement de proximité mentionne que l’accepteur s’engage à archiver et conserver, à titre de justificatif, pendant un an après la date de l’opération :
- Un exemplaire du ticket de l’équipement électronique
- Eventuellement l’enregistrement magnétique représentatif de l’opération ou le journal de fond lui-même,
Communiquer à la demande de la banque et dans les délais prévus dans les conditions convenues avec elle, tout justificatif des opérations de paiement.
Or il est avéré que la requise n’a pas prouvé les services réellement fournis auprès des porteurs des cartes pour justifier la régularité des transactions passées correspondant à la somme de 244.173.667,96Ariary à savoir par exemple les tickets du TPE régulièrement signés par les porteurs pour permettre à la BNI d’agir par rapport aux réclamations des porteurs afin d’éviter le remboursement.
En effet, le fait d’évoquer simplement la turpitude de la banque par rapport au remboursement effectué suite aux réclamations des porteurs établit la mauvaise foi de la requise au lieu de produire à temps les pièces justificatives susmentionnées.
Par conséquent en application des articles 123 et 51 précités la réclamation de la somme ci-dessus indiquée est fondée qu’il y a lieu de faire droit à la demande et de condamner LA TOUR COM au paiement de ladite somme.
Sur la demande de dommages intérêts de 40.000.000Ariary :
L’article 193 de la loi précitée dispose qu’en cas de retard dans l’exécution d’une obligation de payer une somme d’argent, le créancier a le droit d’exiger du débiteur, outre les intérêts moratoires, des dommages-intérêts compensatoires pour tout préjudice supplémentaire, même s’il résulte du seul retard, à moins que dans ce dernier cas, le débiteur ne prouve sa bonne foi.
Dans le présent cas la créance de la banque est établie, le retard de paiement n’est pas justifié qu’ainsi la demande de dommages intérêts est fondée en son principe mais quant à son quantum elle apparait exagérée. Par conséquent il convient de la ramener à sa juste proportion à 10.000.000Ariary
Sur l’exécution provisoire :
L’urgence une des conditions exigées pour pouvoir ordonner l’exécution provisoire prévue par l’article 190 du code de procédure civile n’existe pas qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande.
Sur la demande reconventionnelle :
De tout ce qui précède la mauvaise foi de la requérante n’est pas prouvée, donc la demande de dommages intérêts formulée par LA TOURCOM n’est pas fondée qu’il convient de la rejeter.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale, en premier ressort,
Déclare toutes les demandes recevables en la forme,
Condamne la TOUR COM à payer à la BNI MADAGASCAR la somme de 244.173.667,96Ariary en principal,
La condamne également à payer la somme de 10.000.000Ariary à titre de dommage intérêt,
Rejette la demande d’exécution provisoire,
Déboute LA TOURCOM de sa demande de dommages intérêts,
Laisse les frais et dépens de l’instance à sa charge.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus.Et la minute du présent jugement, après lecture, a été signée par le PRESIDENT et le GREFFIER./-