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JUGEMENT N°060-C

DOSSIER N° : 628/18 RC :691/18
NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :060-c DU 21/03/2019
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 27/09/2018
DELAI DE TRAITEMENT : __0 Année(s) 6 Mois 15 Jour(s)
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Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique ordinaire du jeudi vingt et un mars deux mille dix-neuf , salle 7, où siégeaient :
Madame/ Monsieur, RAKOTOARILALAINA Rosa – PRESIDENT
En présence de : Mme/ Mr RAMANANA R. Charles – ASSESSEUR
ANDRIANASOLONDRAIBE Ony Lalaina – ASSESSEUR
Assisté(e) de Me RAMORASATA Hanitramalala – GREFFIER
Il a été rendu le Jugement suivant :
ENTRE :
Société DRAMCO Sarl , ayant son siège à Belobaka , ayant pour Conseil Maître : ANDRIANARY Arthur
Requérant(e), comparant et concluant.
ET :
Société LFL MADAGASCAR S.A. , ayant son siège à Mamory Ivato , ayant pour Conseil Maître : RADILOFE Hantavololona, RADILOFE Jacques Herizo Koto
Requis(e), comparant et concluant.
LE TRIBUNAL
Vu toutes les pièces du dossier :
Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;
Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Faits et procédure :
Par assignation introductive d’instance en date du 05 septembre 2018, la société DRAMCO SARL, représentée par son gérant, Sieur DRAMSY Nizar et ayant pour Conseil Me ANDRIANARY Arthur, Avocat au Barreau de Madagascar, a attrait la société LFL Madagascar SA au Tribunal pour s’entendre :
– Condamner la société LFL Madagascar SA à lui payer la somme de 3 500 000 ariary à titre de dommages-intérêts représentant le montant convenu des propriétés en cause ;
– La condamner également à lui payer la somme de 2 500 000 000 Ariary à titre de dommages-intérêts pour Immobilisation abusive de ses deux terrains objet du projet de bail emphytéotique ;
– Condamner la société LFL Madagascar SA aux frais et dépens de l’instance dont distraction au profit de Me ANDRIANARY Arthur, Avocat aux offres de droit.
Moyens et prétentions des parties :
Aux motifs de son action, la société DRAMCO SARL, par le truchement de son Conseil Me ANDRIANARY Arthur, Avocat à la Cour, fait valoir les moyens suivants:
Elle est propriétaire de deux immeubles bâtis sur les propriétés dites « MAMIKO », TF N°16 357 H et « MAMIKO II », TF N°16432-H ;
La société LFL SA s’est intéressée desdites propriétés avec les bâtiments et annexes y implantés pour le besoin de son commerce et elle a voulu conclure un bail emphytéotique de 99 ans convertible en contrat de vente ;
Par lettre du 21mars 2018, la société LFL SA a marqué son offre de 3 500 000 000 Ariary pour les deux propriétés et 500 000 000 Ariary pour une autre appartenant à Sieur DRAMSY Nizar ;
Ainsi, par mail du 09 avril 2018, la société DRAMCO SARL a présenté son acceptation et la LFL Madagascar SA en a pris acte par lettre du 09 mai 2018 et a communiqué à DRAMCO SARL un projet de bail emphytéotique;
Ceci étant, les clauses essentielles du contrat (prix convenu et détermination des biens loués) ont été établies et arrêtées par les parties, il leur restait à formaliser leur accord devant le notaire choisi par la LFL Madagascar SA;
Toutefois, la requise a renoncé à l’acquisition des biens redonnant à la DRAMCO SARL leur libre disposition des biens et la possibilité de conclure leur cession avec un tiers ;
Les pourparlers entre les parties ont été entamés depuis le mois de septembre 2017, la requérante n’aura plus trouvé la libre disposition des biens depuis plusieurs mois, la remise des biens sur le marché de l’immobilier après plusieurs mois d’immobilisation est, de droit et de fait, infructueuse, de surcroît, c’est une source de perte d’option potentielle (hypothèque auprès de la banque, vente ou location,…), source de crédit utile à la requérante pour octroyer de fonds d’apport pour faire face à ses échéances financières relativement importantes que la requise
ignorait ;
En conséquence, la LFL Madagascar SA s’est rendue coupable, en droit et en fait, de rétractation abusive d’une offre de contracter, qu’en plus, dûment acceptée, engageant sa responsabilité ; La requérante estime ainsi la réparation de son préjudice à 3 500 000 Ariary représentant le montant convenu des propriétés en cause et à 2 500 000 000 ariary pour immobilisation indue des biens et perte des options potentielles ; Une situation juridique s’est créée entre les parties, déterminée par des écrits incontestables et incontestés (une offre de contracter un bail emphytéotique et une acceptation en bonne et due forme de cette offre et enfin l’affirmation formelle de la requise) ;
La requise s’est mise en marge des prévisions des articles 81, 82 et 84 de la LTGO vu que la requérante a pu miser totalement sur le prix du bail pour avoir des fonds d’appoints nécessaires à sa trésorerie déficitaire du fait de l’ingérence de Sieur Salim DRAMSY ; l’opposition faite par ce dernier est un acte d’imposture vu qu’il a perdu sa qualité d’associé par le jugement commercial n°16 du 02 novembre 2016 ;
Quant à la position de la LFL Madagascar SA, Sieur Salim DRAMSY a pu céder en faveur de la LFL Maurice des graines de coton destinées à la propre exploitation de DRAMCO ;
Il y a urgence et péril en la demeure compte tenu de l’indisponibilité des biens depuis le mois de septembre 2017, une situation catastrophique pour la requérante qui a une besoin pressant de fonds pour prendre normalement son exploitation, la société DRAMCO SARL demande l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Pour soutenir ses prétentions, la société DRAMCO SARL verse au dossier:
– Les lettres de la LFL Madagascar SA du 21 mars 2018 (offre d’achat) ; du 09 mai 2018 (proposition du bail emphytéotique) et du 22 juin 2018 (rétractation del’offre);
– Mail de dramco sarl du 12 mars 2018.
La société LFL Madagascar SA, par l’intermédiaire de ses Conseils Mes RADILOFE, Avocats à la Cour, rétorque que :
Son usine de production d’alimentation animale est implantée à Ambohidratrimo et la requérante possède deux terrains contigus à son usine ;
Courant fin 2017, les parties se sont rapprochées pour discuter de la cession de ces terrains, la LFL Madagascar SA envoya un courrier du 21 mars 2018 pour formaliser son intérêt à prendre à bail emphytéotique ces propriétés mais que l’acquisition serait conditionnée par la réalisation des conditions suspensives dont la réédition d’un avis
favorable au projet d’acquisition par un cabinet juridique suite à un audit juridique des documents transmis par la société DRAMCO SARL ;
Cependant, le 27 mars 2018, la LFL Madagascar SA a reçu par voie d’Huissier une lettre d’opposition à la vente des propriétés « MAMIKO » et « MAMIKO II », émanant de Sieur Salim DRAMSY, associé à la société DRAMCO SARL, lequel évoque des irrégularités dans l’application du jugement n°16 du 02 novembre 2016 rendu par le Tribunal de
Commerce de Mahajanga qui a pris acte de sa volonté de se retirer de la société et que ce retrait produira ses effets conformément aux dispositions légales et statutaires, cet homme déclare ne pas avoir donné son consentement à la transaction envisagée par ses deux autres associés ;
Pourtant, la LFL Madagascar SA a confirmé sa volonté de mener à terme la transaction par lettre du 09 mai 2018 pour étude du projet de bail emphytéotique avec rappel des conditions suspensives et des régularisations à effectuer, à savoir :
– L’obtention des permis de construire pour les bâtiments érigés sur ces terrains ;
– La communication par le Maire de la Commune Rurale d’Anosiala du récépissé de la déclaration d’achèvement des travaux de construction ;
– La communication du certificat de conformité délivré par le Maire de la Commune valant autorisation d’admission du public et du personnel ;
– Régularisation du procès-verbal d’Assemblée Générale autorisant la conclusion du bail emphytéotique en convoquant une Assemblée Générale Ordinaire et en s’assurant de convoquer tous les associés, en particulier, Sieur Salim DRAMSY;
Il fût ainsi demandé à la société DRAMCO SARL pour formaliser son accord sur ces conditions, de signer avec la mention « bon pour accord sur l’exclusivité de l’offre de cession pour deux mois renouvelable » le document du 09 mai 2018 et de le retourner à la requise, ce que la société DRAMCO SARL s’est abstenue de faire.
Les parties se sont donc réunies le 25 mai 2018 afin de trouver des solutions au problème et la société LFL Madagascar SA a avancé son souhait d’avancer leur accord mais qu’elle n’était pas cependant disposée à prendre le moindre risque eu égard à l’importance de ces enjeux financiers ;
Cependant, le retrait de Sieur Salim DRAMSY de la société DRAMCO SARL n’était pas encore effectif à ce moment, ladite société lui a encore remis un courrier du 16 mai 2018 pour la mettre en demeure de se conformer à communiquer les éléments financiers déterminant les sommes devant lui être allouées dans le cadre de son retrait de la société ;
Les deux sociétés se sont alors séparées sans trouver des solutions sur les recommandations de la LFL Madagascar SA ;
Le 08 juin 2018, la LFL Madagascar SA a encore demandé à la DRAMCO SARL d’examiner la faisabilité d’une mise en conformité avec les prescriptions avancées et des conditions suspensives devant encore être levées pour parvenir à la signature du bail mais à l’expiration du délai de 15 jours sans réaction de la requérante, elle lui a notifiée sa renonciation à l’acquisition des propriétés, en application de l’article 5 alinéa 2 de la LTGO ;
Ces conditions suspensives sont justifiées par le souci légitime de sécuriser l’important investissement financier de la LFL Madagascar SA.
Il est manifeste que l’action de la requérante revêt un caractère abusif et constitue une tentative de s’enrichir au détriment de la société requise ;
La non conclusion du contrat résulte des conflits internes de la société requérante ainsi que l’absence de la levée des conditions suspensives, même Sieur Salim DRAMCO a contesté l’introduction de la présente instance et a informé l’existence d’actions judiciaires qu’il a engagés ;
La requérante sollicite également une indemnité de 2 500 000 000 Ariary pour immobilisation de ces immeubles alors que c’est elle qui n’a pas retourné les documents avec la mention « bon pour accord » ;
En plus, il n’est pas certain que la société DRAMCO SARL ait pu obtenir des financements ou vendre ces terrains d’autant que le contentieux entre associés n’était pas résolu.
Pour appuyer ses défenses, la société LFL Madagascar SA verse au dossier :
– Le certificat de situation juridique des deux propriétés « MAMIKO », TF N°16 357 H et « MAMIKO II », TF N°16432-H ;
– Echange de mail en janvier 2018 ;
– Lettre de la LFL Madagascar SA du 21 mars 2018 ;
– Signification du 27 mars 2018 et lettre de Sieur Salim DRAMSY du 27 mars 2018 ;
– Jugement n°16 du 02 novembre 2016 ;
– Lettre de la LFL Madagascar SA du 09 mai 2018 et un projet de bail emphytéotique ;
– Compte-rendu de la réunion du 25 mai 2018 ;
– Lettre de DRAMCO SARL du 16 mai 2018 et du 30 septembre 2017 ;
– Lettre de la LFL Madagascar SA du 08 juin 2018 et du 22 juin 2018 ;
– Lettre du conseil de Sieur Salim DRAMSY DU 08 octobre 2018.
DISCUSSIONS:
En la forme:
L’assignation a été introduite en respect des articles 135 et suivants du code de procédure civile, qu’il y a lieu de la déclarer recevable.
Les demandes reconventionnelles ont également été présentées en observation des articles 355 et suivants du code de procédure civile.
Elles sont recevables.
Au fond :
Au cours de l’année 2017, les deux parties se sont rapprochées pour mettre en bail emphytéotiques des deux propriétés de la requérante. La société LFL Madagascar SA a formalisé son offre le 21 mars 2018 et malgré l’opposition à ce projet de bail emphytéotique par un des ex-associés de la requérante, Sieur Salim DRAMSY, que la société LFL Madagascar SA a communiqué à la requérante le 27 mars 2018, cette dernière a maintenu son offre tout en immobilisant les deux propriétés, empêchant d’autres opportunités comme la mise en vente desdits propriétés sur le marché immobilier ou la conclusion d’un prêt bancaire en les mettant en hypothèque.
Cependant, Sieur Salim DRAMSY a expressément formulé sa demande de retrait de la société DRAMCO et le jugement n°16 du 02 novembre 2016 du tribunal de commerce de Mahajanga a donné acte à sa demande.
la requise a toujours insisté à examiner la faisabilité de l’accord jusqu’en juin 2018 tout en soumettant des conditions suspensives comme l’obtention des permis de construire pour les bâtiments érigés sur ces terrains ainsi que du récépissé de la déclaration d’achèvement des travaux de construction délivré par le Maire de la Commune Rurale
d’Anosiala, … Ces conditions ne seraient remplies qu’à partir du moment où le bail emphytéotique soit conclu alors que la requise est en connaissance du blocage perpétré par l’ex-associé de la DRAMCO. Ce n’est que par lettre du 22 juin 2018 que la requise a renoncé à son offre de contracter.
La société LFL Madagascar SA a ainsi immobilisé les biens tout en les réservant et en empêchant d’autres opportunités pour la requérante de prendre profit de ces biens par leur mise en vente sur le marché immobilier ou la conclusion d’un prêt bancaire en les mettant en hypothèque.
L’article 190.1 de la LTGO stipule que les dommages-intérêts dus par le débiteur représentent le préjudice découlant directement de l’inexécution de l’obligation et pouvant être raisonnablement prévu. Son article 191 prévoit que le créancier peut invoquer comme éléments de son préjudice la perte qu’il a subie et le gain dont il a été privé. Il doit cependant faire tout ce qui est en son pouvoir pour diminuer la perte résultant de l’inexécution de l’obligation, sous peine d’une réduction des dommages-intérêts correspondant à cette négligence.
La société DRAMCO SARL demande la condamnation de la requise à lui payer la somme de 3 500 000 ariary à titre de dommages-intérêts représentant le montant convenu des propriétés en cause et la somme de 2 500 000 000 Ariary à titre de dommages-intérêts pour immobilisation abusive de ses deux terrains objet du projet de bail emphytéotique.
L’agissement de la requise a causé des préjudices considérables à la requérante, ce qui mérite une réparation. Cependant, le quantum demandé par la société DRAMCO SARL est trop excessif, qu’il y a lieu de le ramener à sa juste valeur et de condamner la société LFL Madagascar SA à payer à la requérante la somme de 5 000 000 Ariary (cinq millions ariary) à titre dommages-intérêt pour tous préjudices confondus.
La requise sollicite également la condamnation de la requérante à lui payer la somme de 100 000 000 ariary à titre dommages-intérêt pour procédure abusive. Cependant, la requérante est à bon droit d’ester en justice pour demander la réparation des préjudices qu’elle a subis, qu’il y a lieu de rejeter la demande.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort,
En la forme :
– Reçoit les demandes principales et reconventionnelles;
Au fond :
– Condamne la société LFL Madagascar SA à payer à la société DRAMCO SARL de la somme de5 000 000 Ariary (cinq millions ariary) à titre dommages-intérêt pour tous préjudices confondus;
– Déboute la requise de sa demande de dommages-intérêts ;
– Laisse les frais et dépens à la charge de la requise dont distraction au profit de Me ANDRIANARY Arthur, Avocat aux offres de droit.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus et la minute du présent jugement a été signée après lecture par le PRESIDENT et le GREFFIER.