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JUGEMENT N° 257C-19

DOSSIER N° : 418/19 RC :413/19
NATURE DU JUGEMENT :REPUTE CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :257C-19 DU 11/10/2019
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 10/05/2019
DELAI DE TRAITEMENT : __0 Année(s) 5 Mois 7 Jour(s)
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Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique ordinaire du vendredi onze octobre deux mille dix-neuf , salle 7 (2), où siégeaient :
Madame/ Monsieur, RAMANANDRAITSIORY Miharimalala -PRESIDENT
En présence de :
Mme/ Mr CHEUK Gary – ASSESSEUR
RAKOTOMIAMINA Nauno Philippe – ASSESSEUR
Assisté(e) de Me RAHARISON Rova – GREFFIER
Il a été rendu le Jugement suivant :
ENTRE :
Société LANDIS NETWORKS , ayant son siège à Lot IBF 7, rue Ravelontsalama Ambatomena BP 633
Requérant(e), comparant et concluant.
ET :
LOUYS Christiane J.L , ayant son siège à Lot IVG 161 Antanimena
Requis(e), non-comparant.
LE TRIBUNAL
Vu toutes les pièces du dossier :
Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;
Nul pour la requise non-comparante
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

FAITS ET PROCEDURE :

Suivant exploit introductif d’instance en date du 30 Avril 2019, à la requête de la société LANDIS NETWORKS, représentée par Madame RANDRIANARISOA Miora Nathalie Sariaka, responsable juridique, assignation a été servie à Madame Christiane J.L. LOUYS d’avoir à comparaitre devant le tribunal de commerce d’Antananarivo pour s’entendre :

  • Dire et déclarer valable la présente assignation;
  • Déclarer les actions détenues par Madame Christiane J.L. LOUYS en déshérence ;
  • Autoriser le rachat pour annulation de ses actions par la société LANDIS MADAGASCAR NETWORKS au prix de 20.000 ariary par action, valeur nominale actuelle d’une action suivant les statuts de la société ;
  • Ordonner la consignation des prix de rachat auprès de la caisse de dépôt et de consignation de Madagascar ;

Au soutien de sa demande, la requérante expose que malgré le respect des règles de convocation pour les assemblées générales d’actionnaires, le requis, détenant 67 actions, soit 0,61% du capital social de la société « LANDIS NETWORKS» et dont la dernière adresse connue se trouve au 88, avenue LENINE LOT IVG 161 Antananarivo a cessé de se présenter aux assemblées générales de la société depuis 2011 ;

Suite aux convocations envoyées à son dernier domicile connu, la société SOGEP, actuelle occupante des lieux, a renvoyé les convocations avec une lettre précisant qu’elle n’est plus en contact avec le défendeur;

La requérante prétend ainsi que la présence d’actions dont les propriétaires demeurent inconnus ou injoignables, appelées aussi actions en déshérence constituent une contrainte dans la prise de décision, surtout quand la prise d’une telle décision requiert l’unanimité des actionnaires;

Le 22 Novembre 2016, la requérante a introduit une requête aux fins de vente mise en vente de ces actions susdites et le défendeur, bien qu’assigné à son dernier domicile et à Parquet, n’a ni comparu ni conclu ;

Toutefois, la requérante reconnait que comme le régime de déshérence n’est pas encore réglementé à Madagascar mais le tribunal de commerce de céans s’est inspiré des principes généraux de droit, de la jurisprudence, de la doctrine en la matière et a calqué la vie d’une société, personne morale à celle d’une personne physique, traitant l’affaire de la même manière qu’une procédure d’absence ;

Ainsi, l’absence du requis aux assemblées générales de la société étant inférieure à 8 années à la date du 22 Novembre 2016 et LANDIS NETWORKS n’ayant pas pu justifier d’une recherche par voie de presse prévenant qu’en cas de non apparition, les actions seront mises en vente, le tribunal de commerce a rejeté sa demande ;

C’est à la suite de ce jugement que la requérante a fait une publication dans le journal quotidien « L’EXPRESS DE MADAGASCAR » le 15 Décembre 2017, réf FAC006827 pour rechercher les actionnaires absents pendant les Assemblées Générales de la société dont Monsieur LOUYS, mais ni le concerné, ni ses éventuels ayants droit ne se sont manifestés, ce pourquoi la requérante s’adresse de nouveau à justice pour avoir la sanction de ses droits ;

Le requis n’a pas répliqué ;

Vu toutes les pièces du dossier ;

 

DISCUSSION :

I-En la forme,

Sur la nature de la présente décision :

Bien que régulièrement assigné, le requis n’a ni comparu ni conclu, il convient de déclarer réputé contradictoire à son égard le présent jugement ;

II-Au fond,

Sur la déshérence des actions :

La requérante a versé au dossier le jugement commercial N°70-c du 07 Avril 2017 qui l’a déboutée en l’état de sa demande de rachat d’actions du requis au motif qu’à défaut de texte réglementant l’action en déshérence, le tribunal doit se référer sur les principes généraux de droit et le délai de 8 ans n’a pas encore été rempli au moment de la demande ;

En exécution de cette décision, la requérante a publié dans le journal « L’EXPRESS DE MADAGASCAR » le 15 Décembre 2017 un « AVIS AUX ACTIONNAIRES » à titre de publication avertissant les actionnaires défaillants que dans un délai d’un an à compter de ladite publication, leurs actions seront vendues aux enchères suivant la procédure de déshérence ;

L’action en déshérence consiste en droit français, selon un décret du 11 décembre 2006, à régler le sort des actions dont les titulaires, à la suite de déménagements ou décès, étaient devenus injoignables ;

Or, force est de rappeler que le droit malgache n’a pas encore de législation en la matière, cependant, les articles 11 et 13 de l’ordonnance n°62-041 du 19 septembre 1962 relative aux dispositions générales de droit interne et de droit international privé édictent qu’ « aucun juge ne peut refuser de juger un différend qui lui est soumis, sous quelque prétexte que ce soit; en cas de silence, d’insuffisance ou d’obscurité de la loi, le juge peut s’inspirer des principes généraux du droit et, le cas échéant, des coutumes et traditions des parties en cause, à condition que ces coutumes et traditions soient certaines , parfaitement établies et ne heurtent en rien l’ordre public et les bonnes mœurs.

(…) Les principes généraux contenus dans le préambule de la Constitution de la République Malgache s’imposent aux juges qui doivent, en tous les cas, en faire assurer le respect et l’observation dans le cadre de la législation en vigueur » ;

Or, une vente forcée d’une action va à l’encontre de l’article 38 de la Constitution de Madagascar qui impose par ailleurs une garantie de la sécurité des capitaux et des investissements et exclure un actionnaire d’une Société équivaut à entraver à l’exercice du droit de propriété dudit actionnaire qui doit être entier, ce qui ne peut être une sécurisation de ses investissements et capitaux ;

Néanmoins, l’intérêt social prime en matière commercial et pour concilier tant l’inaliénabilité du droit de propriété avec le blocage de la Société, le tribunal s’inspire de l’ordonnance n° 62-003 du 24 juillet 1962 sur le nom, le domicile et l’absence qui constate l’absence au bout de huit années mais après deux parutions dans un journal d’annonces légales ;

En l’espèce, bien que la requérante ait déjà fait paraitre dans le journal quotidien «L’EXPRESS DE MADAGASCAR » le 17 Décembre 2017, pour une protection des droits du propriétaire de l’action et afin de s’assurer de son désintéressement total pour la société, il convient d’ordonner une deuxième publication donnant un nouveau délai d’un an, remplissant un délai total de dix années et rejoignant l’esprit du texte de la déshérence française;

Il y a donc lieu de constater que le délai n’est pas encore rempli et qu’une deuxième publication avec convocation des actionnaires à leur dernier domicile connu doit encore se faire pour une année de plus;

Sur le chef de demande de rachat pour annulation de ces actions en déshérence :

Comme précédemment exposé, la vente d’un bien d’autrui ne peut se faire, il convient d’inviter la requérante à proposer et solliciter la nomination d’un administrateur provisoire desdites actions qui permettra le fonctionnement de la Société dans la prise de décision collective;

De tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la demande et d’inciter la requérante à solliciter la demande de désignation d’un administrateur provisoire pour ces actionnaires absents et défaillants ;

Vu l’article 16 de l’ordonnance n° 62-003 du 24 juillet 1962 sur le nom, le domicile et l’absence ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de la société LANDIS NETWORKS, réputé contradictoirement à l’égard de Madame Christiane J.L. LOUYS, en matière commerciale et en premier ressort,

Déboute la société LANDIS NETWORKS de sa demande principale;

Laisse les frais et dépens à sa charge;

 

Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jours, mois et an que dessus.
Et la minute du présent jugement a été signée par le PRESIDENT et le GREFFIER, après lecture.