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JUGEMENT N° 187-C

DOSSIER N° : 233/17 RC :711/17
NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :187-c DU 20/09/2018
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 27/10/2017
DELAI DE TRAITEMENT : __0 Année(s) 11 Mois 14 Jour(s)
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Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique ordinaire du jeudi vingt septembre deux mille dix-huit , salle 7, où siégeaient :
Madame/ Monsieur, RAKOTOARILALAINA Rosa – PRESIDENT
En présence de : Mme/ Mr RAZAFIARISON
Andrianavalomanana – ASSESSEUR
RAMANANA R. Charles – ASSESSEUR
Assisté(e) de Me RAMORASATA Hanitramalala – GREFFIER
Il a été rendu le Jugement suivant :
ENTRE :
Entreprise CONTEK , ayant son siège à Lot II K 44 Antaninandro , ayant pour Conseil Maître : RANAIVOMARIA Andoniaina Judith Estelle
Requérant(e), comparant et concluant.
ET :
Entreprise MBM , ayant son siège à Ankadilalampotsy Lot IC 36 ,ayant pour Conseil Maître : ALIARlVELO Maromanana
Requis(e), comparant et concluant.
LE TRIBUNAL
Vu toutes les pièces du dossier :
Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;
Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par assignation introductive d’instance en date du 11 octobre 2017, l’Entreprise CONTEK, représentée par Sieur Faly RARIVOSON et ayant pour Conseil Me RANAIVOMARIA Andonirina, Avocat au Barreau de Madagascar, a attrait l’Entreprise MBM (Menuiserie en Bois en Mélamine) au tribunal pour s’entendre :
l Condamner l’Entreprise MBM à lui payer la somme de 10 320 000 Ariary (dix millions trois cent vingt mille ariary) à titre de dommages-intérêts pour les pertes occasionnées par le non-respect des obligations contractuelles;
l Lui condamner également à lui payer la somme de 200 000 000 Ariary( deux cent millions Ariary) à titre de dommages-intérêts pour perte de grands clients et pour manque à gagner ;
l La condamner aux frais et dépens de l’instance dont distraction au profit de Me RANAIVOMARIA Andonirina, Avocat aux offres de droit.
Moyens et prétentions des parties :
Aux motifs de ses demandes, l’Entreprise CONTEK, par le truchement de son Conseil Me RANAIVOMARIA Andonirina, Avocat à la Cour, fait valoir les moyens suivants :
Le 29 avril 2016, suite à une commande de la Banque Centrale de Madagascar, l’Entreprise CONTEK a sous-traité 67 tables qu’elle a commandées à l’Entreprise MBM dont le petit modèle était facturé à 470 000 Ariary l’unité soit 11 280 000 Ariary en totalité et le grand modèle à 500 000 Ariary l’unité donnant en totalité la somme de 21 500 000 Ariary ;
Pour le paiement, les deux parties se sont convenues que le 50% du montant total seront dû à partir de la conclusion du contrat dont 25% jusqu’au 10 mai 2016 et 25 % jusqu’au 31 mai 2016, les 50% restants seront payés lorsque l’Entreprise CONTEK recevra le paiement de la Banque
Centrale ;
Le jour de la conclusion du contrat, la requise a perçu une avance de 2 000 000 Ariary, le 04 mai elle a perçu 3 000 000 Ariary et le 07 mai, elle a perçu 3 000 000 Ariary faisant au total la somme de 8 000 000 Ariary représentant les 25% du prix total des tables et la requérante a toujours honoré ses obligations et a respecté le calendrier de paiement ;
Le 30 mai 2016, lors de la récupération des 10 premiers tables, Dame RASOAMALANTO Bernardine, gérante de l’Entreprise MBM a déclaré qu’elle ne pouvait plus achever la confection des 67 tables convenus eu égard à la hausse des prix du bois, sinon, elle entrera en perte, ce qui devait déjà être prévu avant l’établissement du devis et la conclusion du contrat, donc totalement inopposable à la requérante étant postérieur à la conclusion du contrat ;
Dès lors, la requise a livré 10 tables le 30 mai, 06 tables le 16 juin et 04 tables le 24 juin 2016 seulement après sommation interpellative d’huissier vu qu’un délai a été convenu avec la Banque Centrale ;
Ainsi donc, parmi les 67 tables convenus, seulement 20 tables ont été confectionnés par la requise, les marges bénéficiaires prévues par la requérante ont alors été écartées, la MBM a eu l’intention d’augmenter le prix des tables en cours de contrat et lorsque la CONTEK a refusé cette hausse du prix, une exécution tardive et une inexécution partielle d’une obligation contractuelle sont flagrantes, c’est-à-dire la confection des 47 tables restantes, ce qui mérite une réparation en vertu de l’article 177 alinéa 1 de la LTGO ;
De ce fait, MAER BTP a facturé la confection des grandes tables à 700 000 Ariary l’unité, ce qui était à 500 000 Ariary auparavant et 650 000 Ariary pour les petits modèles, celles facturées à 470 000 Ariary auparavant, qu’il y a lieu de solliciter au tribunal la réparation des préjudices qu’elle a subi en application des articles 190 et 191 de la LTGO ;
En conséquence, la requérante sollicite au tribunal la condamnation de la requise à 10 320 000 Ariary à titre de dommages-intérêts se répartissant comme suit : 8 920 000 Ariary (tables GM de 200 000 Ariary X 23 et PM 180 000 Ariary X 24) pour les pertes engendrées par l’inexécution et la somme de 1 400 000 Ariary à titre de réparation des 14 tables livrées par la requise et qui présente des fissures ;
La requérante demande en outre la condamnation de la requise à lui payer la somme de 200 000 000 Ariary de dommages-intérêts pour manque à gagner ;
Pour sa défense, la MBM se prévaut d’un non paiement des 75% du montant total de la somme convenue alors que ce paiement n’est pas prévu par le contrat, ce qui démontre sa mauvaise foi manifeste ;
En application de l’article 171 de la LTGO, la CONTEK peut refuser la prestation qu’elle doit dont le paiement de du reliquat de 2 000 000 Ariary
Bien que le contrat soit muet sur le montant de l’avance, il a été convenu que les 50% de la valeur du marché seront dûs dès la conclusion du contrat, 25% jusqu’au 02 mai 2016 et 25% jusqu’au 31 mai 2016 et les 50% dès le paiement par la Banque Centrale ;
Si le paiement des 75% était réellement convenu, la MBM n’aurait jamais accepté un paiement échelonné et encore moins commencer les travaux et livrer 10 tables le 30 mai 2016, ces 75%n’ont été avancés par la MBM que lors de la sommation interpellative du 18 juin 2016 après avoir livré 16 tables ;
La MBM demande le paiement du reliquat de 2 000 000 Ariary, la CONTEK ne conteste pas cette somme mais elle a été détournée au profit d’un autre fournisseur, la MAER BTP suite à une exécution tardive du contrat et pour respecter les délais impartis par la Banque Centrale, la CONTEK peut ainsi refuser la prestation qu’elle doit en application de l’article 171 de la LTGO sur le principe d’exception d’inexécution ;
Quant à la demande de dommages-intérêts par la MBM, elle ne peut prospérer dans la mesure où la rupture du contrat provient d’elle et non pas de la CONTEK.
Si 50% de la valeur du marché, soit 50% des 33 500 000 Ariary étaient réellement dûs à la conclusion du contrat, 16 750 000 Ariary auront dû être payés à la MBM en vue d’exécuter la commande, la CONTEK reconnaît avoir payé les 8 000 000 Ariary en totalité, ce qui prouve l’incohérence de ses affirmations et l’inexécution des obligations qui lui incombent, sa mauvaise foi se constate en contractant avec l’entreprise BTP MAER le 02 juin 2016, soit trois jours après l’établissement de la facture qui lie les parties ;
Pour preuve de la bonne foi de la MBM, elle a livré 10 tables de bureau le 30 mai 2016, 10 tables de plus le 16 juin et la CONTEK s’est fait livré les 04 derniers tables sur les 20 sans avoir payé les factures correspondantes, soit au total 2 000 000 Ariary;
Concernant la procédure n°6970/16 enrôlée devant le tribunal civil, ce tribunal s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce par jugement n°926/17 du 27 février 2018.
En appui de ses prétentions, l’Entreprise CONTEK verse au dossier :
l La copie du devis du 29/04/16 ;
l Copie de la facture du 07/05/16 ;
l Copie de la facture de livraison des 10 tables en date du 30/05/16 ;
l Copie de la facture de livraison des 06 tables en date du 16/06/16 ;
l Copie de la facture de livraison des 04 tables en date du 24/06/16 ;
l Copie de la sommation interpellative du 18/06/16 faite par l’entreprise CONTEK ;
l Copie de la facture du 29/04/16 contenant le calendrier de livraison établi par la MBM ;
l Copie du devis de MAER BTP pour la confection des 47 tables restantes et reçus
des paiements ;
l Copie du devis de MAER BTP pour la réparation des 14 tables livrés par MB ;
l Procès-verbal de réception par la Banque Centrale de Madagascar et autres documents prouvant le contrat.
Par sa conclusion en date du 24 novembre 2017, Dame RASOAMALANTO Bernardine, représentant de l’Entreprise MBM, par le biais de son Conseil Me ALIARIVELO Maromanana, Avocat au Barreau de Madagascar évoque les moyens suivants :
Elle soulève in limine litis une exception d’incompétence vu qu’une procédure n°6970/16 est pendante devant le Tribunal civil en application de l’article 82 du code de procédure civile ;
Concernant le fond, elle soulève que c’est l’entreprise CONTEK qui n’a pas honoré ses engagements, elle n’a effectué que le paiement des 50% du prix bien que le paiement des 75% des prix total des mobiliers était convenu dans le contrat d’origine, au moment de l’établissement du devis et de la facture ;
La CONTEK se contredit car si les 50% des 33 500 000 Ariary était réellement dû à la conclusion du contrat, 16 750 000 Ariary auront dû être payés en vue d’exécuter la commande, elle reconnaît avoir payé 8 000 000 Ariary, ce qui prouve l’incohérence de ses affirmations, sa mauvaise foi est
également prouvée par l’engagement d’une autre entreprise La MBM est une PME, elle est dépourvue de fonds nécessaire aux achats des matières premières pour la réalisation de ses commandes, il lui était impossible d’honorer ses engagements sans les fonds dues par CONTEK, laquelle lui est encore débiteur de la somme de 2 000 000 Ariary ;
Il est en conséquence déplacé de la part de CONTEK d’attribuer à la MBM la perte de ses marchés alors que c’est la conséquence directe de ses propres fautes pour défaut d’exécution du contrat ;
Si 50% de la valeur du marché, soit 50% des 33 500 000 Ariary étaient réellement dûs à la conclusion du contrat, 16 750 000 Ariary auront dû être payés à la MBM en vue d’exécuter la commande, la CONTEK reconnaît avoir payé les 8 000 000 Ariary en totalité, ce qui prouve l’incohérence de ses affirmations et l’inexécution des obligations qui lui incombent, sa mauvaise foi se constate en contractant avec l’entreprise BTP MAER le 02 juin 2016, soit trois jours après l’établissement de la facture qui lie les parties ;
Pour preuve de la bonne foi de la MBM, elle a livré 10 tables de bureau le 30 mai 2016, 10 tables de plus le 16 juin et la CONTEK s’est fait livré les 04 derniers tables sur les 20 sans avoir payé les factures correspondantes, soit au total 2 000 000 Ariary.
De tout ce qui précède, l’entreprise MBM demande reconventionnellement au tribunal de :
l Dire qu’il y a litispendance et se déclarer incompétent au profit du tribunal civil ;
l Condamner l’entreprise CONTEK au paiement du reliquat d’un montant de 2 000 000 Ariary représentant les tables livrés non payés ;
l La condamner à lui payer la somme de 30 000 000 Ariary de dommages-intérêts pour rupture abusive de contrat ;
l Débouter l’entreprise CONTEK de toutes ses demandes, fins et conclusions dont distraction au profit de Me ALIARIVELO Maromanana, Avocat aux offres de droit.
DISCUSSION:
En la forme:
L’entreprise MBM soulève une exception d’incompétence au profit du Tribunal civil, lequel s’est déclaré incompétent par jugement n°3643 du 25 juillet 2017, qu’il y a lieu de rejeter l’exception.
L’assignation a été introduite en observation des articles 135 et suivants du code de procédure civile, qu’il convient de la déclarer recevable.
Les demandes reconventionnelles ont également été formulées en respect de l’article 355 du code de procédure civile, qu’il convient de les déclarer recevables.
Au fond :
Sur les dommages-intérêts :
L’entreprise CONTEK sollicite au tribunal la condamnation de la requise à 211 720 000 Ariary à titre de dommages-intérêts pour les pertes engendrées par l’inexécution des 47 tables restantes objet du contrat, pour réparation des 14 tables livrées et pour manque à gagner tandis que l’entreprise MBM demande également 30 000 000 Ariary de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat.
L’article 190.1 de la LTGO stipule que les dommages-intérêts dus par le débiteur représentent le préjudice découlant directement de l’inexécution de l’obligation et pouvant être raisonnablement prévu.
L’article 191 de cette loi prévoit que le créancier peut invoquer comme éléments de son préjudice la perte qu’il a subie et le gain dont il a été privé.
En l’espèce, la requérante invoque que le contrat prévoit que les 50% du prix du marché seront débloqués à partir de sa conclusion alors que la requise réitère que dans le contrat d’origine, 75% du prix total des mobiliers devait être payés au moment de la conclusion du contrat.
En l’espèce, aucune des pièces versées au dossier ne mentionne le mode de paiement qui lie les parties. Le contrat a été rompu du fait que l’entreprise CONTEK a engagé un autre prestataire le 01er juin 2016, soit bien avant le délai d’exécution prévu par les deux parties fixé le 09 juillet 2016 en arguant que la MBM a augmenté les prix convenus, alors que la requérante a
également accepté cette hausse du prix des mobiliers auprès de son nouveau prestataire qui est la MAER BTP, ce qui justifie que la valeur réelle des mobiliers commandés était revisée à la hausse quelque soit le fournisseur. Il s’ensuit qu’aucun préjudice n’est prouvé par la requérante pouvant justifier un manque à gagner et ainsi une allocation à des dommages-intérêts. Par ailleurs, rien ne prouve que ce sont les mobiliers livrés qui ont fait l’objet d’une réparation.
De son côté, l’entreprise MBM demande également 30 000 000 Ariary de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat alors qu’elle ne nie pas avoir augmenté le prix des mobiliers commandés en cours d’exécution du contrat. La MBM est ainsi malvenue à solliciter des réparations pour rupture abusive du contrat.
En conséquence, la rupture du contrat découle des agissements des deux parties, qu’il convient de les débouter de toutes leurs demandes en dommages-intérêts.
Sur la créance :
L’entreprise MBM réclame sa créance d’une valeur de 2 000 000 Ariary représentant le reste du prix des tables livrés. L’entreprise CONTEK ne conteste pas cette créance mais elle refuse de la payer en respect du principe d’exception d’inexécution prévu par l’article 171 de la LTGO ;
L’article 171 de la LTGO énonce que si les parties sont tenues à l’exécution simultanée de leurs obligations réciproques, chacune, sans qu’il y ait lieu à résolution ou résiliation, pourra, que l’inexécution soit totale ou partielle, refuser la prestation qu’elle doit, dans la mesure où l’autre n’a pas fourni la sienne ou offert de la fournir.
En l’espèce, il y a une inexécution partielle du contrat dans la mesure où la MBM n’a pas terminé la totalité des 67 tables, objet du contrat. Qu’il y a lieu de la débouter de sa demande en application du principe de l’exception d’inexécution prévue par l’article 171 de la LTGO.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort,
En la forme :
Reçoit les demandes ;
Au fond :
l Déboute les deux parties de leur demande en dommages-intérêts ;
l Laisse les frais et dépens à la charge des deux parties.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus
et la minute du présent jugement a été signée après lecture par le PRESIDENT et le GREFFIER.