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JUGEMENT N°112C-19

DOSSIER N° : 446/18 RC :485/18
NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :112C-19 DU 10/05/2019
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 13/07/2018
DELAI DE TRAITEMENT : __0 Année(s) 10 Mois 5 Jour(s)
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Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique ordinaire du vendredi dix mai deux mille dix-neuf , salle 7, où siégeaient :
Madame/ Monsieur, RAFALIMANANA Mahamanina – PRESIDENT
En présence de : Mme/ Mr RAKOTOMANGA Alisoa – ASSESSEUR
GASSARD Afick – ASSESSEUR
Assisté(e) de Me RAHARISON Rova – GREFFIER
Il a été rendu le Jugement suivant :
ENTRE :
RAZAKA Mamy , ayant son siège à Lot 169 B Antanetibe Antehiroka Antananarivo , ayant pour Conseil Maître : ANDRIANASOLO Andry Fiankinana
Requérant(e), comparant et concluant.
ET :
RANAIVO RALAMBOZAFY Nirina , ayant son siège à Villa Pradon Antanimena Antananarivo , ayant pour Conseil Maître : RAKOTOSON Herisoa,RAKOTOSON
Requis(e), comparant et concluant.
LE TRIBUNAL
Vu toutes les pièces du dossier :
Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;
Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par exploit d’huissier en date du 04 Juillet 2018, le sieur Mamy Razaka, demeurant au lot 169 B Antanetibe Antehiroka Antananarivo, ayant pour Conseil Me Andry Fiankinana Andrianasolo, a assigné devant le Tribunal commercial de céans le sieur Nirina Ranaivo Ralambozafy, demeurant à Villa Pradon Antanimena pour s’entendre :
l Déclarer nul et de nul effet la reconnaissance de dette du 03 Mai 2018 avec les conséquences de droit ;
l Condamner le requis aux frais et dépens de l’instance ;
Aux motifs de son action, le requérant fait valoir ce qui suit :
Suivant acte sous seing privé du 04 Juillet 2016, sieur Rakotoseheno Solofoniaina a cédé 10% des actions qu’il détient de la société Siran’i Menabe au sieur Nirina Ranaivo Ralambozafy moyennant la somme de 150 000 000 Ariary ;
Il est stipulé qu’à la fin de la saison de campagne, deux choix se présentent :
l A Nirina Ranaivo Ralambozafy de compléter le paiement des 200 000 000 Ariary sur les 150 000 000 Ariary déjà avancés ;
l A Rakotoseheno Solofoniaina de s’engager à racheter les actions de 10% pour un montant de 150 000 000 Ariary ;
Apparemment, après les discussions entre Rakotoseheno Solofoniaina et Nirina Ranaivo Ralambozafy, ce dernier entend réclamer le remboursement de la somme de 150 000 000 Ariary ; pour ce faire, fréquentant la même église et au motif que c’est le requérant qui a mis en relation les deux
personnages sus cités, le requis a usé de manoeuvres inimaginables pour extorquer du requérant une reconnaissance de dette en date du 03 Mai 2018, pour la somme de 150 000 000 Ariary, prix équivalant à la cession des 10% de parts sociales ci-dessus mentionnée ;
Il s’agit en réalité d’un acte de cautionnement soumis à la loi 2003-041 du 03 Septembre 2004 notamment en ses articles 04 à 16 ; outre le fait que cet acte était le fruit d’une contrainte, il ne répond pas aux exigences d’ordre public prescrites par la loi sus citée ;
L’acte est de ce fait nul, la cause et l’objet faisant défaut, sieur Mamy Razaka ne doit rien au sieur Nirina Ranaivo Ralambozafy ;
Le requérant met ainsi au défi le requis d’apporter la preuve des dettes qu’il lui doit pour que ledit acte de reconnaissance soit valable ;
Pour y répondre, le sieur Nirina Ranaivo Ralambozafy, ayant pour Conseil Mes Rakotoson, avance les moyens suivants :
Attendu que la reconnaissance de dette en date du 03 Mai 2018 portant sur le montant bien précis de 150 000 000 Ariary a été dûment souscrite,
reconnue et signée personnellement par sieur Mamy Razaka par devant deux témoins en la personne des sieurs Raminoarison Johny Mamy et Rasolomampionona Haja Herimalala, des notables de l’église également, attestant l’authenticité et la sincérité des déclarations ; dès lors, aucune contrainte n’a été exercée sur la personne du sieur Mamy Razaka, pasteur de son état, un personnage influent et sensé ;
Que la prétention du requérant en l’existence de soi-disant manoeuvres frauduleuses exercées pour lui extorquer la somme de 150 000 000 Ariary relève d’une pure élucubration et affirmation gratuite dénuée de toute preuve ;
Alors même que de par sa reconnaissance de dette dûment souscrite, le requérant se reconnaît lui-même finalement être l’initiateur et doublement le bénéficiaire emprunteur de la somme de 150 000 000 Ariary, qui constitue la cause du prêt, initialement affectée en contrepartie de la cession non aboutie des parts sociales du sieur Rakotoseheno Solofoniaina ;
Qu’il n’est nullement question de cautionnement puisqu’il s’en est constitué le débiteur principal, à la limite débiteur conjoint avec sieur Rakotoseheno Solofoniaina ;
Que d’ailleurs, une sommation de payer en date du 05 Juin 2018 portant réclamation du remboursement de la somme de 150 000 000 Ariary a été servie à sieur Mamy Razaka, sans qu’il ait daigné élever contestation traduisant de facto son acquiescement ;
Que la reconnaissance en date du 03 Mai 2018, à objet et cause d’engagement bien existant et non illicite, dépourvue de tout élément constitutif de vice, dol, erreur, lésion ou encore contrainte, est parfaitement valide pour produire son plein effet ;
Qu’il n’est pas sans intérêt de relever, à toutes fins utiles que le concluant a pris soin d’introduire une action civile en réclamation d’une somme de 150 000 000 Ariary envers sieur Mamy Razaka, actuellement pendante devant la juridiction civile suivant procédure n°3579/18 en 4è section I ;
Que néanmoins à titre reconventionnel, sieur Ralambozafy Nirina Christian réclame le paiement par sieur Mamy Razaka de la somme de 150 000 000 Ariary avec toutes les conséquences de droit ;
Dans ses conclusions ultérieures, le requérant soutient les allégations suivantes :
Attendu que selon l’article 64 de la LTGO, quatre conditions sont essentielles pour la formation du contrat : la capacité de contracter, la volonté des parties, un objet certain et une cause licite ;
Que selon l’article 68 de la même loi, la volonté de chacun des contractants doit être exprimée en connaissance de cause, elle doit être libre ;
Que tel n’est pas le cas en l’espèce, car le sieur Ranaivo et le sieur Rakotoseheno , étant deux fidèles de l’église où le sieur Mamy Razaka est l’« ancien », c’est-à-dire le « sage », ce dernier a été obligé d’effectuer ladite reconnaissance de dette, pour éviter tout éventuel conflit et séparation au sein de l’église ;
Que de plus, l’objet du contrat n’existe pas, il est clair que la somme de 150 000 000 Ariary énoncée dans la reconnaissance de dette n’est jamais rentrée dans le portefeuille du requérant, c’est le sieur Rakotoseheno qui en a bénéficié ;
Qu’enfin, selon l’article 92 de la LTGO, « le contrat sans cause ou dont la cause est illicite ne produit aucun effet » ;
Qu’il n’est pas inutile de rappeler que selon l’article 91 de la même loi, « la cause est le but juridique immédiat et direct poursuivi par la partie qui s’oblige » ;
Qu’il est clair que dans le présent cas, la reconnaissance de dette du 03 Mai 2018 est dépourvue de cause, et par conséquent, ne produit aucun effet ; l’article 123 de la LTGO est applicable en l’espèce, également l’article 126 qui stipule que : « dans le doute, la convention s’interprète en faveur du débiteur» ;
Attendu que dans ses conclusions, le requis se prévaut d’une sommation datée du 05 Juin 2018, qu’il prétend être sans contestation et équivaloir à un acquiescement ;
Que le concluant invite le Tribunal à jeter un oeil sur ladite sommation, où il appert que l’acte a été reçu par un certain « Mr Faly, son employé ainsi déclaré, qui a reçu copie sous pli fermé… » ;
Que donc, en déduire un acquiescement alors que le requérant n’a nullement reçu l’acte personnellement est complètement erroné ;
Attendu an outre que le requérant ne peut être qualifié de débiteur principal, ni de débiteur conjoint avec le sieur Rakotoseheno, car la reconnaissance de dette du 03 Mai 2018 est en réalité un acte de cautionnement moral soumis à la loi 2003-041 du 03 Septembre 2004 sur les sûretés ;
Que pourtant, la loi sus citée en ses articles 04 à 16, dispositions d’ordre public, demande au requérant de produire les pièces qu’il a remis au concluant ;
Que l’acte est donc nul, de plus, il a été démontré supra que la cause et l’objet font défaut, le requérant ne doit rien au requis ; de surcroît, sieur Ranaivo n’a toujours pas pu apporter devant le Tribunal de céans la preuve des dettes que le requérant lui doit ;
Quant à la procédure pendante devant la juridiction civile, il est à noter que le requis l’a introduit postérieurement à la présente ; l’incompétence a été soulevée par le concluant, ainsi que le renvoi devant la juridiction de céans, en vertu de l’article 82 du Code de Procédure Civile, et compte tenu du fait que le litige découle d’une cession de parts sociales entre le requis et le sieur Rakotoseheno Solofoniaina ;
Par conclusions responsives, le sieur Nirina Ralambozafy indique que nul, et encore moins le requérant, ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ni de son manquement ou de ceux de son préposé ayant réceptionné la sommation de payer dont il est le destinataire, pour solliciter la consécration en justice d’une demande en nullité de l’acte qu’il a dûment souscrit ;
Qu’il est évident que si la cause et l’objet de la reconnaissance de dette souscrite par le débiteur Mamy Razaka ne sont pas formellement exprimés noir sur blanc sur la reconnaissance, responsabilité de non transcription ne pouvant d’ailleurs être imputée au détriment du concluant ; il n’en demeure pas moins que la cause et l’objet de la reconnaissance de dette existent tels
que transcrits dans les écritures et conclusions formulées par le demandeur lui-même, en rapport avec le sieur Rakotoseheno, débiteur conjoint ;
Attendu que le demandeur a lui-même souscrit en toute connaissance de cause la reconnaissance de dette, en présence de témoins co signataires, sans qu’il ait été exercé aucune contrainte, de quelque nature que ce soit, ni physique, ni morale, ni psychologique en son encontre et à l’encontre de ses co signataires ;
Que ni la notion de mission de médiation que les signataires auraient la charge d’exercer, ni la motivation procédant d’une soi-disant préservation de l’unité de l’église, qui ne constitue en rien une contrainte morale psychologique pouvant vicier ou annihiler le consentement du souscripteur, et encore moins une crainte révérencielle, ne sont exprimées dans ladite
reconnaissance de dette ;
DISCUSSION
Au regard de l’article 73 du Code de procédure civile, les tribunaux de commerce ont compétence pour statuer sur tous les litiges ayant leur cause dans un acte de commerce ;
En l’espèce , il a été invoqué au dossier que la lettre de reconnaissance de dette puise sa source de la cession par Sieur RAKOTOSEHENO Solofoniaina des 10% des actions que celui-ci détient de la société Siran’i Menabe au Sieur Ranaivo Ralambozafy Nirina moyennant la somme de 150 000 000 ariary ;
En revanche , à la lecture de l’écrit querellé et dument signé par les parties au présent litige , bien que celui-ci se rapporte au remboursement de la somme de 150 000 000 ariary , il n’y est fait pourtant point mention de l’opération de cession ;
D’ailleurs, la lettre ne concerne que Sieurs RANAIVO RALAMBOZAFY Nirina, bénéficiaire de la convention et gérant statutaire de la société Siran’i Menabe certes et Mamy RAZAKA personne physique tiers à cet accord ;
Ce qui emmène le Tribunal de céans à conclure qu’il s’agit d’un acte dépourvu d’un caractère commercial distinct de la cession d’actions, et dont l’examen relève de la compétence du Tribunal civil;
Par conséquent, il y a lieu de se déclarer incompétent au profit de la juridiction civile.
P A R C E S M O T I F S
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort ;
Se déclare incompétent ;
Renvoie les parties à se pourvoir devant la juridiction civile ;
Laisse les frais et dépens de l’instance a la charge du requérant.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jours, mois et an que dessus.
Et la minute du présent jugement a été signée par le PRESIDENT et le GREFFIER, après lecture.