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JUGEMENT N° 099-C-19


DOSSIER N° : 234/17 RC :712/17
NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :099-C-19 DU 26/04/2019
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 26/10/2017
DELAI DE TRAITEMENT : __1 Année(s) 6 Mois 13 Jour(s)
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Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience
publique ordinaire du vendredi vingt-six avril deux mille dix-neuf ,
salle 7, où siégeaient :
Madame/ Monsieur, ANDRIAMBELOMANANA Vero Bako -PRESIDENT
En présence de : Mme/ Mr RAKOTOARISOA Albertio -ASSESSEUR
RAZAFIARISON Andrianavalomanana -ASSESSEUR
Assisté(e) de Me RAHARISON Rova – GREFFIER
Il a été rendu le Jugement suivant :
ENTRE :
Riedinger Slohan
Requérant(e), comparant et concluant.
ET :
RASOANAIVO Lalao
Requis(e), comparant et concluant.
LE TRIBUNAL
Vu toutes les pièces du dossier :
Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;
Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
DOSSIER N°234/19 COM
FAITS ET PROCEDURES :
Par exploit introductif d’instance en date du 18 Octobre 2017, à la requête de RIEDINGER SHOHAN, ayant pour conseil Me Ramangalahy Ranaivomanana Hanta, avocat au Barreau de Madagascar, assignation a été servie à Rasoanaivo lalao représentant ses collatéraux d’avoir à comparaitre devant le tribunal de commerce pour entendre:
En la forme :
Dire et déclarer valable l’assignation de contestation de congé commercial fait dans les délais prescrits par la loi;
In limine litis, dire que l’exploit de signification de congé commercial dépourvue de date et servie au mépris d’une loi en vigueur et entachée d’irrégularité ;
Sur le fond :
Déclarer nul et du nul effet le congé fait par Rasoanaivo lalao et consorts pour contradiction de motifs et motifs fallacieux ;
Maintenir le requérant sur les lieux dans les mêmes termes et conditions prévues dans le contrat de bail ;
Dire qu’il bénéficie de l’indemnité d’éviction estimé par un expert par décision avant dire droit et qu’il a droit au maintien sur les lieux jusqu’à parfait paiement de l’indemnité d’éviction ;
Ordonne l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours te sans caution ;
Laisser les frais et dépens de l’instance à sa charge dont distraction au profit de Me Ramangalahy Ranaivomanana Hanta, avocat aux offres de droit ;
PRETENTIONS DES PARTIES:
Aux motifs de sa demande, la requérante fait exposer:
Que suivant contrat de bail dit « FIFANARAHANA FAMPANOFANA » en date du 1er Mars 2016, Rasoanaivon Lalao et consorts ont donné en bail commercial un kiosque portant N°04dit « SOA IOMBONANA »TN°53677-A sis au lot IVPDJ Ter Antohomadinika Antsalovana ;
Qu’actuellement, la requise entend rependre le kiosque loué au requérant en signifiant à ce dernier un congé dont le motif étant la reprise pour réparation et habitation ;
Que déjà, le congé servi suit les dispositions de l’ordonnance N°60050 alors que la loi susdite a déjà été abrogée ;
Qu’ensuite, conformément à l’article 139 alinéa 1er du code de procédure civile tout exploit contient, à peine de nullité, la date de l’acte servi, cependant, aucune date n’est mentionnée sur l’acte litigieux ;.
Qu’ensuite, il ya contradiction de motifs en ce que dans l’acte, la bailleresse a déclaré que le congé est justifié par la reprise pour réparation et habitation, puis pour cause indépendante de sa volonté Que tels motifs
contradictoires démontre une mauvaise foi apparente de sa part, méritant irrecevabilité de l’acte ;
Que conformément à l’article 33 de la loi sur les baux commerciaux, l’acte extra judiciaire notifiant le refus de renouvellement de bail, doit, à peine de nullité, indiquer le motif invoqué ;
Que la requise a déclaré qu’elle entend reprendre les lieux pour réparation et occupation, cependant, elle sait pertinemment que le requérant a beaucoup investi dans la réparation du kiosque susdit ;
Qu’ensuite, elle a déclaré que la reprise est indépendante de sa volonté, cependant, à maintes reprises, elle a proposé à l’épouse du requérant la cession du kiosque susdit en échange du non paiement des loyers du mois de Mars-Avril-Mai ;
Pourtant, chaque preneur proposé par cette dernière se heurte à un refus tacite de la part de la bailleresse ; Qu’à la grande surprise du requérant, elle lui a même fait servir une sommation de payer les loyers susdits qui ont été pourtant acquittés dès réception de la sommation ;
Que ce dernier a dû s’acquitter du montant de 8 millions d’ariary, constituant le pas de porte, sans parler des dépenses s’élevant à 2932000 ariary à titre d’embellissement des lieux ;
Que si le tribunal estime que le congé servi par la requise est régulier, il sollicite par avant dire droit une indemnité d’éviction évaluée par un expert;
Que le requérant fait ajouter que du fait des menaces et voies de fait perpétrées par la requise, l’épouse du requérant tombe malade et a du être hospitalisée ;
Que de tout ce qui précède, il fait solliciter à titre additionnel, la somme d 30 millions d’ariary pour toutes causes de préjudice subis ;
Rasoanaivo Lalao fait répliquer par l’organe de son conseil Me Andry Fiankinana Randrinasolo, avocat au Barreau de Madagascar,
Que le congé servi par la concluante date du 07 Juin 2017, l’action en contestation faite par le requérant date du 18 Octobre 2017, l’article 31 de l’ordonnance N° 60050, repris par l’article 33 de la loi N°2015-037 régissant
les baux commerciaux, l’acte de contestation de congé doit être introduit dans un délai de six mois à peine de forclusion ;
Qu’en outre, l’acte servi est daté du 07 Juin 2017, donc, la date y est expressément mentionnée, le seul hic étant le que celui-ci n’a pas été servi à personne mais à domicile, néanmoins, le réceptionnaire étant le sieur
IMAYA TEALY qui n’est autre que le père du requérant ;
Que la requise a réclamé les loyers impayés allant du mois de Février 2017 jusqu’à la date de l’exploit et ce par exploit en date du 11 Mai 2017, cependant, il ressort des reçus de paiement versés par le requérant que
seuls les loyers des mois de Mars, avril, Mai sont payés, ceux à échoir, soit pour le mois de Juin restent impayés ;
Qu’en plus, ceux payés l’ont été faits tardivement ;
Qu’en effet, à l’analyse des différents reçus, le loyer du mois de Mars a été payé le 10 Avril 2018, celui du mois d’Avril le 07 Mi 2018 ; celui du mois de Juillet, le 05 Juillet 2018 ;
Cependant, l’article 5 du contrat de bail stipule que le loyer doit être payé avant le 10 du mois et en espèce et que ce loyer est fixé à 500000 ariary à partir du 1er Janvier 2017 et non 450000 ariary stipulé dans le reçu, motif de
la résiliation du contrat comme le précise les termes dudit contrat de bail qui précisent que le bailleur peut résilier le contrat à défaut de paiement ou en cas de paiement tardif des loyers
Que l’article 44 de la loi N°23015-037 susdite trouve alors son application, la concluante sollicite l’expulsion du requérant, étant locataire de mauvaise foi et qu’il ne peut prétendre à aucune indemnité d’éviction ;
Qu’en outre, il ressort des attestations du Fokontany que le requérant n’occupe même pas les lieux, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 15 de la loi susdite ;
Qu’elle est fondée à demander des dommages intérêts ainsi que l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours, puisque le local est fermé depuis le mois de Février 2017 dont le risque de
dégradation totale est à craindre ;
Enfin concernant la demande additionnelle de dommages intérêts pour toutes causes de préjudices confondues, les pièces versées au dossier notamment les factures et certificats médicaux versés au dossier par le requérant ne prouvent nullement que les soit disant agissements de la concluante auraient entrainé des maladies de l’épouse du requérant alors qu’il en ressort que cette dernière est asthmatique et atteinte d’une maladie du kyste de l’ovaire, d’une grossesse extra-utérine, des chutes de cheveux, d’asthénie, de trouble de la déglutition, de la douleur épigastrique , ce qui n’a rien à voir avec ce qu’il avance, d’autant plus que l’article 229 de la loi sur la théorie générale des obligations affirme que « Il ne peut y avoir de responsabilité sans faute ou avec faute qu’autant qu’il ya un lien de causalité entre le fait ou la faute d’une part, et le dommage , de l’autre. » et l’article 233 de la même loi d’ajouter « Dans l’appréciation du dommage subi, les juges doivent tenir compte du préjudice actuel et certain, aussi bien matériel que moral. »
La concluante sollicite alors le paiement par le requis la somme de 3 millions d’ariary à titre de loyers impayés, la somme de 5 millions d’ariary, à titre de dommages intérêts, la résiliation du contrat de bail, l’expulsion du requis
ainsi que de tous occupants de son chef du local litigieux, l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toues voies de recours et sans caution, la condamnation de ce dernier aux frais et dépens de l’instance dont distraction au profit de l’avocat soussigné dans son affirmation de droit ;
Le 25 Février 2019, les parties ont été convoquées en chambre du conseil pour enquête, cependant l’enquête susdite n’a pas pu être effectuée pour absence des parties, il convient d’en donner acte ;
DISCUSSION :
En la forme :
L’exception, soulevée avant tout débat au fond est recevable ;
L’assignation, respectant les dispositions des articles 116 et suivants du code de procédure civile est régulière et recevable ;
La demande reconventionnelle, respectant les dispositions de l’article 356 du code de procédure civile qui dispose que « les demandes reconventionnelles sont formées par simples conclusions jusqu’à la clôture des débats. »
La demande additionnelle respectant les dispositions légales est régulière et recevable ;
Au fond :
Sur l’irrégularité de la signification de congé servi au requérant :
Il ressort de la signification du congé qu’aucune date n’y est précisée, cependant comme l’avance le conseil du demandeur, l’article 139 du code de procédure civile exige, à peine de nullité que tout exploit d’huissier doit
être daté ;
Que la signification de congé par voie d’huissier dépourvue de date est nulle et de nul effet, donc l’exception est fondée, il convient de déclarer la signification de congé nulle et de nul effet ;
Sur la contestation de congé :
Le demandeur conteste le congé à lui servi au motif que les motifs sont contradictoires ;
La défenderesse fait avancer que le demandeur n’a pas respecté le délai de 6 mois pour ester en justice aux fins de contestation de congé en vertu de l’article 33 de la loi sur le régime des baux commerciaux ;
Au vu des pièces du dossier, l’assignation au fond a été servie le 18 Octobre 2017, comme la signification de congé étant sans date, la contestation est conforme à l’article susdit ;
Le bail conclu entre les parties a été fait le 1er Mars 2016, donc, c’est la loi N°2015-037 du 03 Février 2016 sur le régime juridique des baux commerciaux qui est applicable;
Que l’article 34 de la loi susdite exige comme condition de refus de renouvellement du bail, que ce soit à durée déterminée, qu’à durée indéterminée, soit, pour motif sérieux et légitime à l’encontre du preneur pour violation d’une obligation substantielle du preneur, soit pour démolition et reconstruction, soit démolition pour insalubrité, le tout, sans indemnité d’éviction ;
Qu’en l’espèce, le congé a été donné sur la base de l’ordonnance N° 60050, or, cette loi ne peut être appliquée en la matière,
Que dans ce cas, le congé servi est nul et de nul effet, puisque les motifs ne sont pas dans les cas prévus par l’article 34 susdit, la demande est fondée, il convient d’y faire droit ; Sur le paiement des loyers d’un montant de 3 millions d’ariary :
L’article 14 de la loi sur le régime juridique des baux commerciaux stipule que « Le preneur doit payer le loyer aux termes convenus entre les mains du bailleur ou de son représentant désigné au bail. »
Il est stipulé dans le contrat de bail qu’à partir du 1er janvier 2017, le loyer sera de 500000 ariary ;
Que dans le reçu versé au dossier, le loyer perçu étant de 450000 ariary par mois ;
Que le requérant reste devoir à la requise la somme de 220000 ariary(10000×22 mois= 220000 ariary), car il manque 10000 ariary par mois à chaque paiement effectué par le locataire , donc, il convient de le condamner au paiement de la somme susdite ;
Sur la résiliation du contrat :
Il appert des pièces du dossier que le locataire n’a pas régulièrement payé les loyers, d’autant plus que suivant « FANAMARINANA « du chef fokontany d’Antohomadinika que le locataire n’occupe plus les lieux, donc l’article 15 de la loi sur le régime juridique des baux commerciaux qui précise que « le preneur est tenu d’exploiter les lieux donnés à bail en bon père de famille et 5/7 conformément à la destination prévue au bail ou à défaut de convention crite, suivant celle présumée d’après les circonstances. » ;
En l’espèce, et aux termes de l’article de l’article 43 de la même loi, « A défaut de paiement du loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail, le bailleur peut demander au tribunal de commerce la résiliation du bail et
l’expulsion du preneur et de tous occupants de son chef, sans préjudice d’éventuels dommages –intérêts, après avoir fait délivrer par acte extrajudiciaire une mise en demeure d’avoir à respecter à respecter les clauses et conditions du bail ;
Cette mise en demeure doit reproduire, sous peine de nullité, les termes du présent article et informer le preneur qu’à défaut de paiement, ou de respect des clauses et des conditions de bail dans un délai d’un mois, la résiliation
est poursuivie. » ;
Que cette condition n’est cependant pas été remplie par le bailleur, donc la demande n’est pas fondée, il convient de la rejeter ;
Sur les dommages intérêts :
Certes, le bailleur a quand même subi des préjudices, du fait des agissements du locataire, la demande s’avère fondée, néanmoins, le montant de 5 millions d’artiary demandé n’est pas ventilé, le tribunal estime le fixer à un million d’ariary ;
Sur l’indemnité d’éviction :
Au vu de ce qui précède, le preneur, qui est de mauvaise foi, ne peut pas prétendre à une indemnité d’éviction, il convient de rejeter la demande ;
Sur la demande reconventionnelle de demande de dommages intérêts :
Le demandeur sollicite à titre additionnel la somme de 30 millions d’ariary et dont la moitié à titre provisionnel en avançant entre autres qu’il a investi dans des réparations et des embellissements du local dont le montant s’élève à 2932000 ariary ainsi qu’à la somme de 8 millions d’ariary à titre de pas de porte ;
Qu’aucun élément du dossier ne permet de prouver ces dires quant à l’embellissement du local ;
Quant à l’existence de menace et de violence morale ayant entrainé la dégradation de la santé de l’épouse du equérant, les différents certificats médicaux, des factures et les différents résultats d’analyse versés au dossier
ne permettent pas de justifier le lien de causalité entre ce que le requérant avance et les éléments versés ;
L’article 229 de la loi sur la théorie générale des obligations précise que « Il ne peut y avoir de responsabilité sans faute ou avec faute qu’autant qu’il y a un lien de causalité entre le fait ou la faute, d’une part, et le dommage, de l’autre.» ;
Que le lien de causalité n’est pas prouvé, néanmoins, vu que le locataire a payé des pas de portes, il y a lieu de fixer ce montant de dommages intérêts à un million d’ariary ;
Sur l’exécution provisoire :
L’article 190 du code de procédure civile stipule que « Hors les cas où elle est de droit, l’exécution provisoire ne peut être ordonnée que si toutes les conditions suivantes sont réunies :
Qu’il ya ait urgence,
Que le juge l’estime compatible avec la nature de l’affaire,
Qu’elle ne soit pas interdite par la loi ;
Que toutes ces conditions ne sont pas réunies, il convient de ne pas accéder à la demande ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement matière commerciale et en premier ressort,
Vu toutes les pièces du dossier ;
Déclare l’assignation recevable ;
Déclare l’exception recevable ;
Déclare tant la demande reconventionnelle qu’additionnelle recevables ;
Déclare la signification de congé servie sans date nulle et de nul effet ;
Déclare le congé servi nul et de nul effet ;
Condamne le locataire à payer la somme de deux cent vingt mille ariary à titre de loyers restants dus et non payés ainsi qu’à la somme de un million d’ariary à titre de dommages intérêts;
Condamne aussi le bailleur à lui payer la somme de un million d’ariary à titre de dommages intérêts
Rejette les autres demandes;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
Fait masse des dépens ;
Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus, et la minute du présent jugement a été signée, après lecture, par le
Président et le greffier./.