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JUGEMENT 248-C

DOSSIER N° : 278/17+301/18 RC :820/17
NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :248-C DU 07/12/2018
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 08/12/2017
DELAI DE TRAITEMENT : __1 Année(s) 0 Mois 19 Jour(s)

 

 

Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique ordinaire du vendredi sept décembre deux mille dix-huit , salle 7, où siégeaient :

Madame/ Monsieur, RAMANANDRAITSIORY Miharimalala – PRESIDENT

En présence de : Mme/ Mr RAJAONARIVELO Heritiana – ASSESSEUR

RAKOTOMIAMINA Nauno Philippe – ASSESSEUR Assisté(e) de Me RANDRIAMAHERISOA Solomon – GREFFIER
Il a été rendu le Jugement suivant : ENTRE :
Société MADEPICES , ayant son siège à Lot IVL 7 Ter 9 Ambohimanarina , ayant pour Conseil Maître : RAJERISON Olivia Alberte
Requérant(e), comparant et concluant.
ET :

LECHAT Jean Pierre Maurice Paul , ayant son siège à Lot AK 32 Ankadikely- Ilafy , ayant pour Conseil Maître : RADILOFE Félicien, RADILOFE Jacques Herizo Koto, RADILOFE Hantavololona Requis(e), comparant et concluant.

LE TRIBUNAL
Vu toutes les pièces du dossier :
Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ; Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Faits et procédure :

Suivant un acte portant cession de parts ainsi qu’un acte portant cession de créances du 6 mai 2016, Monsieur Franck Miseld TANG FOHINE s’est porté cessionnaire des parts de Monsieur Jean Pierre Maurice Paul LECHAT au sein de la Société MADEPICES MG SARL et s’est porté cessionnaire d’une créance du même associé sur la même société, à hauteur d’un montant de 470.600.000 ariary ;

Concomitamment et le même jour que la conclusion des actes de cession, la Société JPL SERVICES LT représentée par Monsieur Jean Pierre Maurice Paul LECHAT qui était également gérant de la Société MADEPICES MG a conclu une convention d’assistance technique rémunérée avec le nouvel associé aux fins notamment d’assister la Société MADEPICES MG pendant une période de huit mois après la cession de parts et de créances ;

Le présent litige tient sa source de la constatation d’une prétendue concurrence déloyale dont serait victime la Société MADEPICES MG de par les agissements de la Société JPL SERVICES LT et Monsieur Jean Pierre Maurice Paul LECHAT, tandis que ces derniers contestent ces faits tout en prétendant qu’ils sont inventés par leur cocontractant pour échapper au paiement du reliquat de la rémunération due pour l’assistance technique ;

Par exploit d’huissier en date du 23 novembre 2017, à la requête de la Société MADEPICES, représentée par Franck Miseld TANG FOHINE et à la requête de Monsieur Franck Miseld TANG FOHINE en personne, ayant pour Conseil Me RAJERISON Olivia, assignation a été servie à Monsieur Jean Pierre Maurice Paul LECHAT ayant pour Conseil Mes RADILOFE Hanta et Koto d’avoir à comparaître devant le Tribunal de commerce de céans pour s’entendre :
● Condamner Monsieur Jean Pierre Maurice Paul LECHAT à payer la somme en principal de 559.251.573 ariary au titre de dettes impayées ;
● Le condamner à payer la somme de 500.000.000 ariary à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;
● Le condamner aux entiers frais et dépens de l’instance au profit de Maître RAJERISON Olivia, Avocat aux offres de droit ;

Aux motifs de ses prétentions, les requérants, par le biais de son Conseil Maître RAJERISON Olivia, soutiennent que le requis était le gérant de la Société MADEPICES MG et était chargé de l’administration externe et interne dont la gestion financière, fiscale et sociale jusqu’à passation complète des données de la société ;

Que cette passation signifiait accompagner le nouvel acquéreur dans la gestion de l’entreprise en continuant la gérance durant une période déterminée;

Que pourtant, aucune passation de bases de données ni aucune transmission de savoir-faire aux salariés n’ont été effectuées et Monsieur Jean Pierre Maurice Paul LECHAT a retenu intentionnellement des informations capitales, notamment des irrégularités fiscales et administratives sanctionnant la société requérante;

Qu’en mars 2017 notamment, une expertise comptable pour la clôture de comptes de l’exercice de 2016 a établi que des états financiers n’ont pas été déposés à temps et que la société MADEPICES risque d’encourir des pénalités ;

Elle rajoute qu’outre l’absence de signature de ces documents, ce dernier n’a pas signé les états financiers de synthèse de l’année 2016 remis à la compagnie VIDZAR alors que cette signature relève de sa responsabilité ;

La requérante engage ainsi sa responsabilité personnelle pour faute de gestion ;

En outre, le requis a démissionné de son poste de gérant le 15 mai 2017, avant l’échéance de la période convenue d’accompagnement et sans avoir effectué cet accompagnement malgré convention des parties ;

En effet, les requérants prétendent que le requis ne donnait même pas l’accès aux comptes bancaires et ne permettait pas la consultation en ligne alors qu’il était le seul à pouvoir engager la société par son pouvoir de signature des chèques ;

L’ancien gérant et cédant de parts ne lui a pas également tenu informé des prêts contractés et engageant la Société MADEPICES MG, outre le redressement fiscal dont la société est victime du fait de la mauvaise gestion du requis en tant qu’ancien gérant ;

Les requérants justifient leur préjudice par l’énorme dette laissée par l’ancienne gérance, les difficultés d’approvisionnement en matières premières orchestrées par l’équipe de la gérance sortante et à l’évidence, Monsieur Jean Pierre LECHAT et les autres associés auraient dû régler les dettes de la société bien avant la cession des parts sociales du 6 mai 2016 ;

Par ailleurs, La société MADEPICES argue que la nouvelle société nommée JPL Services Ltd dont Monsieur LECHAT est le gérant et créée par le requis au début de l’année 2017, exploite les mêmes activités que la société MADEPICES MG, détourne sa clientèle, utilise les biens de la Société MADEPICES MG et a fait des débauchages illicites illustrés par les démissions successives de plusieurs responsables au sein de la Société MADEPICES MG et recrutés par Monsieur LECHAT dans sa nouvelle Société ;

La requérante prétend n’avoir eu connaissance de cette société qu’au mois de mars 2017, alors que Monsieur Jean Pierre Maurice Paul LECHAT était encore gérant au sein de la Société MADEPICES MG;

Il justifie les actes malveillants par le défaut d’approvisionnement de la société requérante par les fournisseurs, détournés par le requis et sa société, entrainant ainsi la perte de clients export pour la filière baie rose extra, obligeant la société MADEPICES à surenchérir et acheter cher les matières premières ;

Que le requis a dénigré la requérante en écrivant aux clients de MADEPICES MG que les marchandises proposées par la société JPL Ltd sont les mêmes à un prix plus bas ;

Faisant valoir l’article 7 de la loi 2005-020 du 17 octobre 2005 sur la concurrence déloyale, la requérante conclut que les agissements du requis sont constitutifs de concurrence déloyale ;

Que suite à la cession des parts, MADEPICES ne dispose plus de clientèle, de fournisseurs ni de personnel compétent et même de trésorerie ;

En réponse à l’exception de fin de non-recevoir soulevée par le requis, les requérants rétorquent que l’action engagée tend à faire réparer le préjudice subi par la société MADEPICES MG et le requérant personnellement pour les fautes commises par l’ancien gérant conformément à l’article 180 de la loi n°2003-036 de la loi sur les sociétés commerciales ;

Aussi, les requérants ont intérêt et qualité pour agir ;

En réplique, Jean Pierre Maurice Paul LECHAT, par le canal de ses Conseils Mes Hanta et Koto RADILOFE, soulève l’irrecevabilité et le défaut de qualité de la société MADEPICES et de Monsieur TANG FOHINE ;

Ils sollicitent sur le fond, à titre reconventionnel, la condamnation conjointe et solidaire des requérants au paiement de la somme de 136.246,23 euros à titre de dommages et intérêts pour action dolosive et tentative d’enrichissement sans cause ;

Il rappelle qu’en son article 4, l’acte de cession a clairement spécifié que les cessionnaires sont subrogés dans tous les droits et obligations attachés aux parts sociales, aussi les requérants n’ont aucun intérêt juridique, direct et personnel à demander la condamnation des associés cédants au paiement du passif des requérants;

Il soulève également l’article 325 de la loi 2003-036 du 30 janvier 2004 sur les sociétés commerciales qui précise que les associés ne sont responsables

des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports en matière de SARL, ce qui ne donne aucun droit aux requérants, en tant que nouvel associé ou tiers mêmes, de réclamer au cédant la prise en charge de leur dette sociale car il y a déjà eu subrogation ;

Que par la subrogation prévue à l’article 4 de l’acte de cession, les cessionnaires des parts sociales ont acquis des cédants l’intégralité de l’actif et du passif social, y compris les dettes antérieures à l’acte de cession et que cette subrogation n’a fait l’objet d’aucune limitation, en l’occurrence par une clause de garantie du passif par laquelle les cédants se seraient engagés à prendre en charge les dettes sociales nées avant la cession;

Concernant les dommages-intérêts pour concurrence déloyale, la société MADEPICES conclut au débouté de la demande en arguant que les agissements en concurrence déloyale invoquées par les requérants sont dénués de preuves et ne sont étayés que par la première page du statu de la Société JPL Services LTD ainsi qu’à un courriel adressé à un client dénommé Olivier de la Société PALMIFRANCE ;

Par ailleurs, il soutient que l’acte de cession n’a prévu aucune clause de non concurrence, empêchant le cédant d’exercer sa passion, connue de Monsieur TANG FOHINE, en tant que « sourceur » et préparateur d’épices, outre que cela découle du principe même de la liberté de la concurrence reconnue par la loi ;

Il attire l’attention du tribunal sur la différence dans les conditions de fourniture des activités des deux sociétés en ce que la société MADEPICES fournit des épices déjà transformées alors que la société JPL Services propose des épices non transformées ;

Il ajoute que dans son courriel, loin du détournement illicite de la clientèle, il avait au contraire conseillé les clients de faire des demandes auprès de la société MADEPICES pour leur besoin particulier mais s’est limité à expliqué que le coût de leurs épices coutent moins cher puisqu’ils ne sont pas acheminés sur Antananarivo;

Que puisque la preuve de l’agissement déloyal, le préjudice subi et le lien de causalité n’ont pas été rapportés en l’espèce, aucune responsabilité en concurrence déloyale ne pourra être retenue contre le requis ;

Il prétend également que le débauchage illicite allégué par les requérants est sans fondement car au regard de l’article 10 du code du travail, l’employé démissionnaire peut valablement exercer les mêmes activités dans une autre entreprise sous réserve du respect de l’obligation du secret professionnel, outre que le requis ne les a nullement incités à démissionner ;

Enfin, les requérants n’ont pas rapporté le préjudice qui est notamment la baisse du chiffre d’affaires de la Société MADEPICES MG, la seule production d’un solde débiteur du compte courant ne peut justifier un tel manque à gagner ;

Pour appuyer sa demande reconventionnelle, le requis avance que la société MADEPICES et Franck Miseld TANG FOHINE ont allégué plusieurs griefs à l’encontre du requis mais se sont tenus de garder pour eux une information capitale qui est l’assemblée générale extraordinaire du 6 mai 2016 de la Société MADEPICES MG à l’issue de laquelle Monsieur Franck Miseld TANG FOHINE était nommé gérant de la société en remplacement du requis ;

Le requis précise que Monsieur TANG FOHINE avait déclaré au cours de cette même assemblée générale accepter les fonctions qui viennent de lui être conférées ;

Que ce silence intentionnellement gardé ne tend qu’à faire imputer au requis les conséquences des propres carences de Franck Miseld TANG FOHINE dans l’accomplissement de ses nouvelles fonctions de gérant de la société

MADEPICES, outre que le requis a accompli son obligation d’assistance mais pour se soustraire à son obligation d’en payer la rémunération correspondante, les requérants ont engagé la présente action ;

Il argue par ailleurs que les requérants n’ont à aucun moment relevé le moindre grief concernant l’exécution de la mission d’assistance et ont déjà payé même une partie de 313.753,77 euros, aussi, invoquer l’inexécution de son obligation par le requis actuellement est dénué de tout fondement ;

Il affirme en effet que les faits allégués par les requérants sont dénués de base légale et factuelle et que la présente action ne fut introduite que dans le but de ne pas payer ce qui reste dû au requis sur la base de la convention d’assistance technique, aussi réclame-t-il le reliquat de 136.246,23 euros à titre de dommages et intérêts ;

Cette procédure est enregistrée sous n°278/17 ;

Par requête introductive d’instance en date du 14 mai 2018, la société JPL Services LTD représentée par Monsieur Jean Pierre LECHAT ayant pour Conseils Maîtres RADILOFE Hanta & Koto est intervenue volontairement dans la procédure n°278/17 et sollicite du tribunal de commerce de céans:
● La condamnation de la société MADEPICES MG Sarl à payer la somme de 136.246,23 euros, montant du reliquat de la rémunération forfaitaire convenue dans la Convention d’Assistance Technique du 6 mai 2016 ;
● La condamnation également de ladite Société au paiement de la somme de
20.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive ;
● La condamner aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Maîtres RADILOFE, Avocat aux offres de droit ;

L’intervenant rejoint Monsieur Jean Pierre LECHAT dans ses prétentions concernant le manquement des requérants dans l’exécution de leur part d’obligation concernant la convention d’assistance technique ;

Il ajoute que dans la convention d’assistance technique en date du 6 mai 2016, il a été convenu que le requis apportera à la société MADEPICES son expertise en matière de sourceur et fournisseur d’épices ;

Que le requis ne quittait pas immédiatement la société MADEPICES MG mais continuera à s’en occuper afin d’accompagner les nouveaux associés dans la reprise de la société ;

Que ladite convention a été conclue pour une durée de 8 mois à compter de la signature à l’issue de laquelle le requis percevra une rémunération de
450.000 euros dont 310.000 euros à la signature de la convention et
140.000 euros à l’arrivée du terme de la convention ;

Durant les mois d’exécution de cette convention, la société MADEPICES a été pleinement satisfaite ;

Cependant, à l’arrivée du terme de la convention, les nouveaux associés ont élevé des critiques pour déclarer ensuite la suspension de tout paiement relatif à la transaction convenue, ce qui fait apparaître à l’évidence que les nouveaux associés de la société MADEPICES veulent soustraire cette dernière à l’obligation de paiement des honoraires d’assistance technique convenus après avoir bénéficié des services et dont le solde impayé s’élève à 136.246,23 euros, et ce, malgré que le délai d’intervention fut prolongée;

Ce pourquoi l’intervenant sollicite la condamnation de la société requérante au paiement de sa créance ainsi qu’à une réparation pour les préjudices subis;

Cette procédure est enregistrée sous n° 301/18 ;
La société MADEPICES a par la suite conclu au débouté de la demande

reconventionnelle et de la demande de l’intervenant volontaire en rétorquant que le refus exprès par elle de régler en totalité le coût de la prestation est d’autant plus justifié par l’absence de toute intervention faite par le requis et l’intervenant ;

Les informations et irrégularités qui ne lui ont pas été communiquées avant l’acte de cession ainsi que la malhonnêteté des cédants l’ont induit en erreur et justifie qu’il n’ait pas à assumer tant l’actif que le passif de la Société MADEPICES MG et n’a pas à honorer ce coût;

Que si ladite convention aurait été exécutée, un procès-verbal ou un rapport relatant cette exécution aurait été établi, pièce ne figurant pourtant pas au dossier ;

Il attire l’attention du tribunal sur le fait que le requis n’a remis les chéquiers de la société en sa possession qu’au mois de Mai 2017 alors que la cession avait eu lieu au mois de mai 2016, confirmant sa malhonnêteté;

La société MADEPICES fait en outre valoir qu’elle n’interdit pas à Jean Pierre Maurice Paul LECHAT de créer une nouvelle société ni d’exploiter son métier de sourceur et de préparateur d’épices mais qu’il lui est surtout reproché de débaucher le personnel et la clientèle de la requérante ;

Que l’acte de concurrence déloyale concerne ce détournement illicite de la clientèle et des fournisseurs en leur donnant expressément des directives pour travailler avec la société JPL Services et contre les intérêts de la société MADEPICES ainsi que le fait de proposer des mêmes marchandises mais à un prix moindre ;

Que les motifs de la démission massive des employés en 2017 était l’intégration dans la société JPL Services, travaillant dans le même secteur d’activités que MADEPICES ;

Par ailleurs, la société JPL Services a induit les clients de la société MADEPICES en erreur avec le visuel graphique similaire à celui utilisé par la requérante et leur mode de travail utilisant les mêmes épices ;

Que de ces divers agissements et manœuvres, la société JPL Services a dépouillé la société MADEPICES de ses ressources : fournisseurs, personnel, clients… causant une désorganisation totale au sein de la société requérante
;

Elle s’est trouvée dans une situation financière compliquée puisqu’elle devra honorer ses engagements envers ses clients, fournisseurs et nouveau personnel ;

Qu’en effet, le débauchage de personnel initié par la société JPL Services a entrainé le recrutement de nouveaux employés et qu’il a fallu engager des frais de formation de ces nouveaux travailleurs en vue de la continuité d’exploitation des activités ;

Pour sa part, dans ses conclusions ultérieures, par le truchement de ses Conseils, Monsieur Jean Pierre Maurice Paul LECHAT soutient que l’opportunité d’acquisition a été présentée en 2015 à Monsieur Franck FOHINE par le cabinet EVOLUTIS à qui les anciens associés ont confié la mission de rechercher des acquéreurs potentiels ;

A l’issue de descente sur les locaux de la société, de longues négociations, de communication de tous les renseignements et documents relatifs à la société, sollicités par les futurs acquéreurs, la cession a été formalisée suivant acte du 6 mai 2016 ;

Le requis rappelle que Monsieur Franck FOHINE a été nommé gérant statutaire par assemblée générale et a disposé à partir de ce jour de tous pouvoirs de gestion et de contrôle ;

Il avance enfin que la passation a eu lieu et fut matérialisée par la remise des chéquiers à la directrice de la Société MADEPICES MG, nommée seulement en janvier 2017 en la personne de Madame KAREEN NICOLESSI;

Vu toutes les pièces du dossier ; DISCUSSION :
I- En la forme :

Sur la jonction de procédures et la recevabilité de la requête en intervention volontaire:

Les procédures n°278/17 et n° 301/18 procèdent des mêmes parties et des mêmes faits, la seconde n’étant que l’intervention de la société morale ayant conclu directement la convention d’assistance technique avec la Société MADEPICES MG ;

La demande en intervention volontaire présente ainsi manifestement un lien de connexité avec la demande principale, il convient de la déclarer régulière et de joindre les deux procédures ;
Vu les articles 360 et 361 du code de procédure civile ; Sur l’exception de fin de non-recevoir :
L’action des requérants consiste principalement à demander réparation pour les préjudices subis du fait de l’erreur et du dol consistant en une dissimulation d’une partie des informations relatives à la situation de la société par le cédant dans le cadre d’une cession de parts sociales ;
En tant que cessionnaire, Monsieur TANG FOHINE et la Société MADEPICES MG, en tant que propriétaire des parts cédées, ont ainsi un intérêt juridique, certain, direct et personnel pour agir, il y a lieu de déclarer leur demande recevable ;

Sur la demande reconventionnelle :

La demande reconventionnelle a respecté les conditions fixées aux articles 355 à 358 du même code, il y a lieu de la déclarer recevable ;

II- Au fond :

Sur la demande principale en condamnation de Monsieur LECHAT au paiement de la somme de 559.251.573 ariary au titre de dettes impayées :

Une cession de parts sociales est un acte opérant transfert de propriété des droits et obligations de l’associé cédant au profit du nouvel associé cessionnaire ;

L’associé qui a cédé ses parts sociales perd la qualité d’associé et l’acquisition de la qualité d’associé entraîne un certain nombre de conséquences pour le cessionnaire, notamment par rapport aux risques attachés aux dettes et aux titres sociaux ;

Ces droits et obligations conférés au nouvel associé relatif aux parts cédées sont cités par l’article 45 de la loi 2004-036 sur les sociétés commerciales en ces termes « les titres sociaux confèrent à leur titulaire: 3° l’obligation de contribuer aux pertes sociales dans les conditions prévues pour chaque forme de société; (…) » ;

En effet, le cessionnaire, nouvel associé, prend part au capital de la société mais contribue également au passif social à hauteur de la proportion des parts acquises sauf si cette obligation aux dettes a fait l’objet de clauses prévoyant des aménagements telle la clause de garantie du passif;

Dans le cadre d’une clause de garantie de passif, le cédant des parts ou actions devra prendre l’engagement de régler personnellement les dettes de la société car en effet, le passif de la société peut se révéler plus important que ce que l’on croyait ;

C’est donc pour cela que les parties concluent une convention dite de garantie de passif qui vise à limiter les risques qui pourraient apparaitre au sein de l’entreprise acquise et donc de sécuriser la transmission d’une entreprise en garantissant la situation de celle-ci au jour de la cession ;

En l’espèce pourtant, l’acte de cession ne contient pas une telle clause, aussi, le cédant n’a pas à prendre en charge les dettes sociales de la Société MADEPICES MG car le cessionnaire est déjà subrogé dans ses droits et il incombe à ce dernier d’en assumer la charge ;

Monsieur LECHAT ne sera plus détenteur de ces parts sociales et perdra alors tous les droits attachés à la qualité d’associé, de plus il ne devra plus répondre des dettes de la société ;

Eu égard aux prétentions des requérants selon lesquelles Monsieur TANG FOHINE aurait ainsi été induit en erreur, étant victime de dissimulation d’éléments essentiels du passif ainsi que de la mauvaise gestion de l’ancien gérant, le tribunal constate que la formalisation de l’acte de cession fut précédée de pourparlers ;
En effet, parmi les piliers du contrat de cession de droits sociaux figure l’obligation précontractuelle d’information et chaque partie est tenue de partager à l’autre toute information importante et tout manquement à ce devoir d’information, résultant d’un dol ou d’une erreur peut faire naitre un droit à réparation pour celui qui a subi la perte de chance d’avoir pu contracter sous des conditions davantage favorables ;
Il s’agit d’un acte, d’une manœuvre ou d’un mensonge usé sciemment pour obtenir le consentement de l’autre telle la dissimulation d’une partie des informations relatives à la situation de la société comme en l’espèce, selon le cessionnaire, l’existence de surendettement par des prêts contractés par l’ancien gérant ou les redressements fiscaux ;
Or, le courriel du Cabinet EVOLUTIS, en charge de mener à bien les négociations préalables avant la formalisation de la cession et datée du 13 janvier 2016, montre bien que le cessionnaire a visité les lieux, que son expert financier a regardé le business plan ou encore le courriel du 26 janvier 2016 dans lequel l’expert financier au service du cessionnaire a demandé à voir le relevé bancaire pour l’année 2015, outre qu’il est bien au courant du contrôle fiscal concernant la Société MADEPICES MG ;
Par ailleurs, les échanges de correspondances du 03 août 2016 entre l’expert financier au service de Monsieur TANG FOHINE ainsi que la remise des chéquiers à la nouvelle directrice de la Société MADEPICES MG prouvent qu’il y a eu passation et non dissimulation d’états financiers et comptes ;
En tout état de cause, il résulte de l’Assemblée Générale du 06 mai 2016 que depuis cette date, Monsieur TANG FOHINE est nommé nouveau gérant de la Société MADEPICES MG, il lui incombait ainsi de réclamer des comptes et les chéquiers et il n’apporte aucune preuve qu’il en a fait une réclamation mais que Monsieur LECHAT s’y est opposé ;
Ainsi, pour Monsieur TANG FOHINE, soutenir que des informations lui ont été dissimulées concernant le redressement fiscal ou le passif de la Société MADEPICES MG, ainsi que dire qu’il n’avait pas le contrôle de la Société alors qu’il en était le gérant depuis mai 2016 relèvent ainsi d’un argument dilatoire ;
Le tribunal conclut que sa volonté était librement éclairée avant de contracter d’après ces faits, il est mal venu à invoquer des préjudices et demander réparation sur fondement de telles prétentions ;

Sur la demande de condamnation de Jean Pierre Maurice Paul LECHAT au paiement de la somme de 500.000.000 ariary pour concurrence déloyale :

Les requérants invoquent les dispositions de La loi 2005-020 du 17 octobre 2005 sur la concurrence en arguant que le requis et la Société JPL SERVICES LTD font du parasitisme, ont dénigré les produits de la Société MADEPICES

MG en arguant proposé un prix plus bas, ont détourné la clientèle de MADEPICES, ont fait un débauchage illicite des employés de la Société MADEPICES MG, exercent dans le même secteur d’activités que MADEPICES MG et ont copié les éléments du commerce de MADEPICES MG, induisant le public en erreur ;

En réplique, les requis rétorquent de prime abord que les parties ne sont pas liées par une clause de non-concurrence et qu’il n’a procédé à aucun débauchage et en substance, il y a similitude des secteurs d’activités mais la société MADEPICES propose des épices déjà transformées alors que la société JPL Services propose des épices non transformées ;

Monsieur LECHAT prétend également que le requérant n’est pas sans savoir qu’il a toujours eu pour passion son métier de sourceur et de préparateur d’épices ;

En premier lieu, en vertu du principe de liberté de commerce prévue par l’article 2 de ladite loi, « toute personne peut librement exercer toute activité, tout commerce sous réserve du respect des conditions prescrites par les dispositions législatives et réglementaires » ;

En l’espèce, le métier de sourceur et de préparateur d’épices par Monsieur LECHAT est une activité licite et légale et l’acte de cession de parts liant les parties ne prévoit pas une clause de non-concurrence ;

Par ailleurs, la similitude entre les secteurs d’activités se limite à l’objet de l’activité qui est les épices mais il n’est pas contesté par les parties et notamment la correspondance entre Monsieur LECHAT et un client, Monsieur Olivier de PALMIFRANCE corrobore que les produits proposés par MADEPICES MG sont déjà transformés, contrairement aux épices de Monsieur LECHAT ;

D’autre part, ce même courriel en date du 06 janvier 2017 et constitutif d’acte déloyal, selon les requérants, car le requis et sa nouvelle société proposent un prix plus compétitif, ce qui dénigre la Société MADEPICES MG selon eux et a pour intention de détourner la clientèle de celle-ci ;

Toutefois, il importe de remarquer que le prix du produit transformé et acheminé sur Antananarivo puis revendu par MADEPICES MG en est la cause et ces explications sont fournies par le requis, outre que Monsieur LECHAT n’a nullement empêché le client de se fournir auprès de MADEPICES MG pour la partie qu’il ne traite pas, en l’occurrence la transformation des épices et
ce en ces termes « pour les autres produits, il faut voir au cas par cas et faire les demandes auprès de MADEPICES » ;

Il n’y a donc pas de parasitisme ni de détournement de clientèle ou de dénigrement ;

Quant au débauchage massif, “la concurrence déloyale est indiscutable en cas de signature, en connaissance de cause, par le nouvel employeur, d’un contrat de travail alors que le salarié est encore sous contrat avec un autre employeur.” (Cass. COM. 15/02/83, JCP 1983, ed G 1983 IV,p 137) alors qu’il n’est pas contesté en l’espèce que les anciens employés de MADEPICES ont démissionné avant de travailler chez JPL SERVICES ;
D’autre part, si le principe de la liberté du travail doit permettre à un salarié de changer d’emploi au mieux de ses intérêts, son passage chez un concurrent est une des sources les plus fréquentes de fuites du savoir-faire ou des secrets d’affaires en direction d’entreprises rivales et c’est cette fuite qui est sanctionnée alors que les requérants ne rapportent pas la preuve de cette violation de secret professionnel ;
Quant à la copie du logo de la Société MADEPICES MG par la Société JPL SERVICES, les requérants ne rapportent pas la preuve de l’élément de comparaison qui est le logo de la Société MADEPICES MG permettant de déterminer si cela prête à confusion dans l’esprit du public ;
De tout ce qui précède, le tribunal constate qu’il n’y a pas de concurrence déloyale, il y a lieu de débouter les requérants de leur demande ;

Sur la demande de paiement de la somme de 136.246,23 euros à titre de reliquat de la rémunération forfaitaire convenue dans la Convention d’Assistance Technique du 6 mai 2016 :

Il ressort de la Convention que la prestation de la Société JPL SERVICES Ltd représentée par Monsieur LECHAT consiste notamment à faire une « prospection de clientèle, prospection de fournisseurs, recherche de produits, assistance à la définition de la politique de développement… » ;

Les requérants soutiennent d’une part que le requis et l’intervenant volontaire n’ont pas exécuté ces prestations alors que d’autre part, ils prétendent que Monsieur LECHAT a démissionné de sa fonction de gérant le 15 mai 2017 et ce, avant le terme prévu par le contrat d’assistance technique ;

Il s’avère toutefois que les correspondances versées au dossier par les parties font état d’une prospection de clientèle effectuée par Monsieur LECHAT d’une part et ce, bien que certains produits livrés au client ait été déclarés impropre à la consommation, la responsabilité de cette défectuosité des produits n’est pas prouvée que c’est imputable à Monsieur LECHAT dans le défaut d’assistance technique ;

Le « récapitulatif des sommes payées à MADEPICES » corrobore également que l’assistant technique a déjà été rémunéré partiellement, ce qui prouve qu’il a honoré son obligation et les requérants n’ont pas émis des réserves ou critiques sur ses prestations antérieures ;

Le contrat précise également que l’assistance dure huit mois à compter du 01 mai 2016, alors si Monsieur LECHAT n’a plus « assisté » les requérants en mai 2017, le délai est largement dépassé et sa mission contractuelle fut donc dument exécutée pendant la période convenue;

L’obligation des requérants est de rémunérer les services à hauteur de la somme de 450.000 euros dont la dernière tranche de 140.000 euros doit être payée le 22 décembre 2016 ;

Or, les requérants ne nient pas l’existence du reliquat mais oppose une exception d’inexécution de leur obligation aux motifs que leurs cocontractants n’ont pas exécuté la leur de bonne foi, allant jusqu’à induire Monsieur TANG FOHINE en erreur pour faire payer des dettes sociales non dues par ce dernier ;

La contestation de la validité de l’acte de cession ne peut toutefois pas être opposée aux requis pour refuser d’exécuter le paiement de la convention d’assistance qui est un contrat distinct;

En vertu de l’article 123 de la LTGO, cette convention tient lieu de loi entre les parties qui doivent l’exécuter de bonne foi, il y a lieu de déclarer que la créance est fondée ;

Il convient par conséquent de condamner la Société MADEPICES MG au paiement de ladite somme ;

Sur la demande de dommages et intérêts de 20.000 euros formulée par la Société JPL SERVICES LTD :

Depuis le 23 octobre 2017, la Société JPL SERVICES LTD représentée par Monsieur LECHAT a réclamé par le biais de leurs conseils a mis son cocontractant en demeure de s’exécuter pour payer le reliquat du prix de l’assistance technique mais vainement ;

Les préjudices découlant de l’inexécution de son obligation par la société MADEPICES MG sont indubitables, ne serait-ce que pour le manque à gagner, le retard de paiement affectant la trésorerie de la créancière et la résistance abusive du débiteur ;

Toutefois, le tribunal estime devoir ramener le quantum à la somme de
12.000 euros ;

Sur la demande reconventionnelle de condamnation conjointe et solidaire des requérants au paiement de dommages et intérêts d’un montant de 136.246,23 euros pour procédure abusive et vexatoire et enrichissement sans cause:
L’article 3 du code de procédure civile édicte que « l’exercice de l’action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages intérêts que si elle constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou, au moins, une erreur grossière équipollente au dol » ;
L’erreur grossière et la mauvaise foi manifeste des requérants consistent à faire sciemment des rétentions d’informations, voire à transformer les faits dans leurs premières prétentions, prétendant notamment que le requis devait faire une assistance et a démissionné de sa mission d’assistant technique avant terme, alors que postérieurement, les requérants prétendent que le requis n’a jamais respecté son obligation d’accompagnement conformément à un contrat écrit conclu entre les parties et limitant à huit mois à compter du 06 mai 2016 l’intervention de Monsieur LECHAT au sein de la Société MADEPICES MG ;
D’autre part, les requérants prétendent que le requis ne donnait même pas l’accès aux comptes bancaires également, alors qu’il s’avère qu’ils ne contestent pas que leur expert financier a bien reçu les passations financières comme précédemment exposées ;
Ces contradictions et prétendre ne pas connaître des éléments dont on ne pouvait ne pas être en connaissance de cause constituent des abus de droit puisque, manifestement, l’action fut introduite dans le but de contester l’assistance technique exécutée par Monsieur LECHAT et de ne pas en honorer le prix;
Il y a donc abus donnant lieu à réparation solidaire des requérants mais que le tribunal estime ramener à une plus juste proportion qui est de 2.000.000 ariary ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort ;

Vu l’Ordonnance de clôture n°678 du 02 novembre 2018 ; Ordonne la jonction des procédures n°278/17 et n° 301/18 ;
Déclare la requête en intervention volontaire formulée par la Société JPL SERVICES LTD régulière ;

Déclare tant la demande principale que reconventionnelle recevables ;

Déboute la Société MADEPICES MG et Monsieur Franck Miseld TANG FOHINE de leur demande principale ;

Condamne la Société MADEPICES MG représentée par Monsieur Franck Miseld TANG FOHINE à payer à la Société JPL SERVICES LTD les sommes de :
● 136.246,23 euros représentant le reliquat de la rémunération forfaitaire convenue dans la Convention d’Assistance Technique du 6 mai 2016 ;
● 12.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Condamne conjointement et solidairement la Société MADEPICES MG et Monsieur Franck Miseld TANG FOHINE à payer à Monsieur Jean Pierre Maurice Paul LECHAT la somme de 2.000.000 ariary pour procédure abusive et vexatoire ;

Laisse les frais et dépens à la charge de la Société MADEPICES MG et Monsieur Franck Miseld TANG FOHINE, dont distraction au profit de Mes

Hanta et Koto RADILOFE, Avocats aux offres de droit ;
Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus, et la minute du présent jugement a été signée, après lecture, par le Président et le greffier./.