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JUGEMENT 239-C

DOSSIER N° : 334/18 RC :353/18
NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :239-C DU 23/11/2018
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 01/06/2018
DELAI DE TRAITEMENT : __0 Année(s) 6 Mois 2 Jour(s)

 

Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience
publique ordinaire du vendredi vingt-trois novembre deux mille dixhuit
, salle 7, où siégeaient :
Madame/ Monsieur, RAMANANDRAITSIORY Miharimalala –
PRESIDENT
En présence de : Mme/ Mr RAJAONARIVELO Heritiana –
ASSESSEUR
RAZAFIARISON Andrianavalomanana –
ASSESSEUR
Assisté(e) de Me RANDRIAMAHERISOA Solomon – GREFFIER
Il a été rendu le Jugement suivant :
ENTRE :
ANDRIANIRINA Mamitiana , ayant son siège à Lot II B 95 AL
Amboditsiry , ayant pour Conseil Maître : RANDRIANJARA Henri
Requérant(e), comparant et concluant.
ET :
Banque des Mascareignes de Madagascar-BMM , ayant son siège à
Analakely
Requis(e), comparant et concluant.
LE TRIBUNAL
Vu toutes les pièces du dossier :
Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;
Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
FAITS ET PROCEDURE :
Monsieur ANDRIANIRINA Mamitiana est client en compte-courant de la
Banque des Mascareignes de Madagascar et titulaire du compte n° 502 383
112 10 ;
Une somme de 20 000 000 d’Ariary a été indument débitée de son compte
par la Banque qui refuse qu’on lui en impute la responsabilité pour se
retourner contre les bénéficiaires de la somme dont la responsabilité pénale
ut établie par le Tribunal correctionnel de Tamatave, ce qui est à l’origine
du présent litige;
Par exploit d’huissier en date du 23 mai 2018, à la requête de Monsieur
ANDRIANIRINA Mamitiana ayant pour conseil Me Henri RANDRIANJARA,
assignation a été servie à la Banque des Mascareignes de Madagascar ayant
pour conseil Me SAFARA Fidelys d’avoir à comparaître devant le Tribunal de
commerce de céans pour s’entendre:
– Ordonner la banque à créditer de nouveau la somme de 20.000.000 ariary,
outre les intérêts de droit à compter de la mise en demeure, sur le compte
n°50 23 83 11 210 ouvert au sein de ladite banque au nom du requérant ;
– Condamner la requise à payer au requérant la somme de 2.000.000 ariary
à titre de dommages et intérêts ;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant
toutes voies de recours ;
– Condamner la requise aux frais et dépens de l’instance, dont distraction au
profit de Me Henri RANDRIANJARA, Avocat aux offres de droit ;
Aux motifs de sa requête, par l’organe de son conseil Me Henri
RANDRIANJARA, le requérant allègue en substance que sur la base de trois
chèques volants non délivrés par la requise, son compte fut débité de la
somme totale de 20.000 .000 ariary et malgré mise en demeure envoyée par
le requérant à la banque aux fins de régulariser son compte, celle-ci
tergiverse dans ses réponses alors qu’en tant que gardienne du compte de
son client, la banque engage ainsi sa responsabilité contractuelle ;
Il fait valoir qu’il n’a pas autorisé le retrait de ladite somme et c’est la
requise elle-même qui lui a informé de ces retraits, effectués à travers des
chèques volants, oeuvres de la caissière et d’un transitaire proche du
requérante, contre lesquels la Banque a déjà porté plainte ;
Il soutient par ailleurs que la banque refuse de réinjecter la somme sur son
compte aux motifs que le requérant devrai aussi porter plainte contre les
personnes inculpés dans le retrait illicite de cette somme d’argent et sollicite
ainsi l’exonération de responsabilité de la Banque au profit de celle de
Monsieur RAFENOHERINTSOA Finoana, le bénéficiaire condamné ;
Lors de la sommation qu’il a adressée à la requise, celle-ci a même rétorqué
qu’elle jugeait suspect le comportement du requérant qui côtoie
quotidiennement les voleurs ;
Pour sa défense, la requise, par le truchement de son conseil, Maitre SAFARA
Fidelys, a soulevé in limine litis le sursis à statuer en arguant qu’une action
pénale concernant le retrait frauduleux est pendante devant la juridiction de
Tamatave contre Monsieur RAFENOHERINTSOA Finoana et RAHARIZAFY
Louise;
Il a également sollicité la mise en cause de Monsieur RAFENOHERINTSOA
Finoana, bénéficiaire des sommes volées ;
Par Ordonnance n°531 du 07 septembre 2018, le Juge de la mise en état a
rejeté la demande de sursis à statuer et de mise en cause de Monsieur
RAFENOHERINTSOA Finoana puis renvoyé les parties à l’audience de mise en
état du 21 septembre 2018 pour continuation des débats et conclusion au
fond de la Banque des Mascareignes de Madagascar;
Malgré des renvois à lui octroyés, la requise n’a plus conclu et l’affaire fut
clôturée le 26 octobre 2018 ;
Vu toutes les pièces du dossier ;
DISCUSSION
Sur la demande de créditer de nouveau la somme de 20.000.000 ariary,
outre les intérêts de droit à compter de la mise en demeure, sur le compte
n°50 23 83 11 210 ouvert au sein de ladite banque au nom du requérant :
En premier lieu, bien qu’invité à conclure au fond, la banque ne s’est pas
exécutée, il convient d’en prendre acte mais de constater toutefois qu’en
sollicitant sa mise hors de cause et dans ses moyens, elle a tout de même
déjà déposé des défenses au fod ;
D’une part, conformément aux dispositions de l’article 221 de la loi sur la
Théorie Générale des Obligations, est considérée comme préposé « toute
personne qui agit au nom et pour le compte d’une autre en vue de remplir
une fonction que celle-ci lui a confiée. Le rapport de préposition n’est pas
rompu si le préposé abuse de ses fonctions à moins qu’aucun lien ne
rattache l’acte dommageable aux fonctions qu’il assume » ;
En l’espèce, le retrait illégal d’une somme de 20 000 000 Ariary a été faite
devant la caissière de la Banque des Mascareignes qui, elle-même, est
employée de ladite Banque ;
Le lien de préposition entre cette employée et la requise est donc établi, par
conséquent, conformément aux dispositions de l’article 220 de la loi
précitée, qui dispose que toute personne juridique, individu ou groupement,
qui exerce son activité par l’intermédiaire de préposé est responsable des
dommages causés par ceux-ci dans les mêmes conditions que si elle avait
agi personnellement, ainsi le requérant a tout à fait le droit de diriger son
action contre la requise ;
D’autre part, en tant que professionnelle dans la gestion des fonds mis à sa
disposition par ses clients, la Banque des Mascareignes a le devoir de veiller
à la sécurité juridique et matérielle de ces fonds ;
A cet effet, la Banque doit montrer une vigilance accrue surtout concernant
le retrait des fonds par un tiers et même par le titulaire du compte lui-même
sans pour autant violer le devoir de non-ingérence dans les affaires du client
;
Le devoir de vigilance de la Banque est contractuel et, dans le cas d’espèce,
consiste à vérifier si les chèques volants qui ont permis le retrait de la
somme de 20 000 000 Ariary étaient vraiment autorisés par le titulaire du
compte, ce qui, dans la pratique, s’effectue notamment par un simple appel
téléphonique du banquier auprès du titulaire du compte qui permet de
confirmer ou non la licéité de ces transactions, ce qui n’a pas été le cas en
l’espèce ;
La banque, par le biais de son employée, a remis 5 000 000 Ariary quatre
fois de suite sans vérifier si les chèques volants ont vraiment été émis par le
requérant ou non ;
Cette vigilance et contrôle de la banque se limite à la détection des
anomalies et irrégularités manifestes (Cass. Com., 9 juill.1996 : RTD com.
1996, 696, obs. CABRILLAC) qui n’auraient pas pu échapper à sa qualité de
professionnelle et définies par les usages alors que le débit consécutif par
des chèques volants devaient ainsi attirer l’attention de la banque ;
Ainsi, la Banque ne pourra pas imputer son erreur à son client, ni
subordonner le remboursement de la somme de 20 000 000 Ariary à la
plainte qu’elle a engagée dans la mesure où il s’agit d’une obligation
contractuelle et non pas quasi-délictuelle de la banque vis-à-vis de son client
;
Par conséquent, il convient de condamner la requise à créditer la somme de
20 000 000 Ariary sur le compte du requérant ;

Sur la demande de dommages et intérêts de 2.000.000 ariary :
Etant donné que le principe du compte-courant impose aux parties une
obligation de réciprocité des remises et ne permettant pas ainsi au banquier
de refuser de remettre une somme demandée son client ;
Par ailleurs, le refus est fondé sur des motifs inopérants tels l’ingérence du
banquier en jugeant en apparence la fréquentation de son client qu’il estime
douteuse et ce, en réponse à la mise en demeure du client, ouvre droit au
paiement des dommages et intérêts ;
Par conséquent, il convient de condamner la Banque des Mascareignes au
paiement de la somme de 1 500 000 Ariary à titre de dommages et intérêts ;
Concernant l’exécution provisoire :
L’urgence doit être motivée par des circonstances de fait articulées dans la
décision… »;
Dans le cas d’espèce, le requérant ne peut disposer librement de la somme
de 20 000 000 Ariary qui lui est due, l’urgence est donc caractérisée, il
convient, à cet effet de d’accorder la demande d’exécution provisoire pour
créditer à nouveau son compte de la somme de 20 000 000 Ariary ;
Vu l’article 190 du Code de Procédure Civile ;
P A R C E S M O T I F S
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en
premier ressort ;
Vu l’Ordonnance du juge de la mise en état n°531 du 07 septembre 2018 ;
Vu l’Ordonnance de clôture n°664 du 26 octobre 2018 ;
Ordonne la Banque des Mascareignes de Madagascar à créditer la somme de
20 000 000 ariary sur le compte n° 502 383 112 10 appartenant à Monsieur
ANDRIANIRINA Mamitiana ;
Condamne la Banque des Mascareignes de Madagascar à payer à Monsieur
ANDRIANIRINA Mamitiana la somme de 1 700 000 Ariary à titre de
dommages et intérêts ;
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision jusqu’à concurrence
de la somme de 20 000 000 Ariary, nonobstant toues voies de recours ;
Laisse les frais et dépens à la charge de la Banque des Mascareignes de
Madagascar, dont distraction au profit de Me Henri RANDRIANJARA, Avocat
aux offres de droit ;