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JUGEMENT 212-C

DOSSIER N° : 42/10 RC :1493/10
NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :212C DU 19/10/2018
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 25/02/2010
DELAI DE TRAITEMENT : __8 Année(s) 9 Mois 22 Jour(s)

 

 

Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience
publique ordinaire du vendredi dix-neuf octobre deux mille dix-huit ,
salle 7, où siégeaient :
Madame/ Monsieur, RAKOTOARIMANANA Patricia Danielle –
PRESIDENT
En présence de : Mme/ Mr ANDRIANASOLONDRAIBE Ony
Lalaina – ASSESSEUR
RAJAONARIVELO Heritiana – ASSESSEUR
Assisté(e) de Me RAHARISON Rova – GREFFIER
Il a été rendu le Jugement suivant :
ENTRE :
RAZAFINIRINA Eléonore Marie Agnès , ayant pour Conseil
Maître : RAZAFINJATOVO Willy
Requérant(e), comparant et concluant.
ET :
Société SHELL , ayant son siège à Ankorondrano , ayant pour Conseil
Maître : RAZAFINARIVO Chantal, RAJAONARIVELO Andrianaina Rija
Requis(e), comparant et concluant.
LE TRIBUNAL
Vu toutes les pièces du dossier :
Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;
Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Par Exploit d’huissier en date du 08 Février 2018, à la requête de dame
Razafinirina Agnès Marie Eléonore ex gérante de la station SHELL Esokaka
Fort Dauphin ayant pour conseil Me Willy Razafinjatovo Avocat au barreau de
Madagascar, assignation a été servie à la Société SHELL d’avoir à
comparaitre devant le tribunal commercial d’Antananarivo pour s’entendre :
l Condamner la Société SHELL à lui payer la somme de 4.000.000.000 Ar en
réparation des préjudices subis ;
l Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant
toutes voies de recours ;
Pour une meilleure compréhension des faits et des prétentions des parties, il
convient de se référer au jugement avant dire droit n° 243 –C du 22
Novembre 2012 rendu par le tribunal de céans ;
En effet ledit jugement avant dire droit a commis l’Expert-comptable Sieur
Bruno Dauphiné domicilié au 13 rue Patrice Lumumba Tsaralalana pour
procéder à une expertise contradictoire des documents en possession de
dame Razafinirina Marie Agnès aux fins de fournir tous les éléments
nécessaires pour la manifestation de la vérité et déterminer les préjudices
réellement subis par la requérante ;
Malgré appel fait par la Société Malgache des Pétroles VIVO ENERGY
anciennement Société Malgache des Pétroles SHELL ledit jugement est
confirmé par l’Arrêt N° 77 rendue par la Cour d’Appel en date 10 Septembre
2015 ;
Par la suite en dépit du pourvoi formulé par la défenderesse contre l’arrêt
confirmatif qu’a invoqué par cette dernière, le tribunal de céans par avant
dire droit n° 245 en date du 22 septembre 2016 a enjoint les parties à
procéder dans l’expertise contradictoire ainsi ordonnée ;
Par contre, suivant conclusion de SMPVE du 24 Novembre 2016 selon
laquelle l’Expert commis est dans l’impossibilité d’exécuter sa tache vu qu’il
est à l’étranger et dans le cadre de mise en état, un second avant dire droit
sous n° 20 –C est rendu en date du 09 Février 2017 lequel a commis
Rakotonirina Fidel Armand expert-comptable domicilié au BP 3854 13 rue
Patrice Lumumba afin d’exécuter les mesures d’instructions fixées par le
Jugement Avant dire droit n° 243-C du 22 Novembre 2012 ;
Au final un troisième jugement Avant dire droit n°197 –C du 24 Aout 2017 de
commission d’un autre expert-comptable dans la zone industriel ZITAL
Ankorondrano au nom de Ramananandro Hervé a été intervenu dû au fait
qu’aucun membre du cabinet MAZARAS n’a pas pu exécuter l’expertise en
raison de leur plan annuel qui est déjà préétabli ;
Le 17 Mai 2018 le rapport d’expertise dressé par l’expert Ramananandro
Hervé à cet effet est déposé au greffe du tribunal de céans ;
Dans sa conclusion en date du 28 Juin 2018, la SMPVE maintient ses
précédentes écritures et maintient que la requérante a démissionné de son
poste de son plein gré, elle n’est pas un employé dans le cadre d’un contrat
de travail qu’un employeur aurait contraint à démissionner et qui saisit
ensuite le tribunal du travail pour s’entendre dire qu’il s’agit d’une démission
forcée et donc d’un licenciement déguisé ;
Ce n’est pas parce que la requérante a écrit dans sa lettre du 06 Juillet 2009
que SHELL lui a demandé de démissionner, Razafinirina Eléonore aurait pu
envoyer une lettre mentionnant noir et blanc qu’elle ne veut pas
démissionner il elle ne le voulait pas ;
Les parties se sont rapprochées pour les décomptes final à faire sans qu’elle
ait refusé de le faire pour cause de démission forcée et la passation s’est
déroulée suivant les normes requises sans aucun problème ;
Il a été aussi prouvé que les chiffres d’affaire de la requérante après l’année
2006 ont beaucoup diminué laissant croire qu’elle ne voulait plus continuer
de gérer la station ;
Les deux relevés de compte de Décembre 2007 à Mars 2011 qu’elle produit,
sauf que le contrat s’est arrêté en Juillet 2009 montrant uniquement 7
opérations au crédit de son compte confirme cette volonté de la requérante
d’arrêter la gérance ;
Les pièces produites au dossier par la requérante sont illisibles et
indéchiffrables comme les relevés bancaires 2006, 2007,2008 ;
Aussi la page ayant pour objet essentiel de l’entretien a été établi
unilatéralement et ne saurait valoir de preuve pour quoi que ce soit, il en est
de même pour le famintinana zava-misy du 22 Septembre 2009, dans
l’ensemble il s’agit d’un éparpillement de pièces sans lien logique entre elle ;
Les relations entre les parties sont des relations commerciales composées
essentiellement de part et d’autres d’achat et de ventes, et si préjudice il y a
seules des pièces comptables pourraient être retenues, mais
malheureusement la requérante ne semble pas détenir de pièces et journal
comptables conformes ;
Sur les rapports d’expertise et faute de documents complets et fiables tous
les calculs ont été basés sur des hypothèses ;
La SMPVE conteste la base de calcul qui a été pris pour calculer la soi-disant
perte de revenus qui est la déclaration de revenus de 2006 pour un chiffre
d’affaire de l’année 2005 pour plus de 1milliard d’AR alors que les pièces
produites au dossier au vu des opérations bancaires montrent que ce chiffre
d’affaires diminue au fur et à mesure jusqu’en 2009 ;
L’assignation de Razafinirina Eléonore date de 2010, si vraiment l’expert
devait calculer une perte de revenus ,d’ailleurs non demandée ,seuls les
éléments comptables et notamment les déclarations fiscales des années
2008 et 2009 auraient été plus pertinentes et plus probantes ,mais la
requérante ne les a pas produits et pour cause que la défenderesse conteste
le fait que le premier expert ait pris la liberté de calculer le manque à gagner
de Razafinirina Eléonore sur cette revenus de 2005 retenue également par le
deuxième expert qui a quand même qualifié le total hypothétique ;
La concluante conteste également les calculs faits jusqu’en 2029, sous le
motif que la requérante pouvait travailler jusqu’à l’âge de 74 ans dont le
principe a été repris par le deuxième expert que personne n’a demandé,
d’autant plus il s’agit d’un contrat commercial d’exploitation de station de
service à durée déterminée, que le fait que la gérante et sa famille aient été
là depuis l’an 2000 ne transforme pas ledit contrat en contrat à durée
indéterminée non résiliable, la SMPVE est libre de résilier le contrat à
l’expiration de l’une de ses périodes ;
Quoi qu’il en soit le deuxième expert a été plus objectif que le premier en
retenant le chiffre de 12.747.185,85 Ar pour l’indisponibilité de fonds sur la
base des opérations avec la SMPS ce qui est tout à fait pertinent et a bien
qualifié la perte de revenus comme hypothétique ;
A ce titre la Shell confirme qu’il y a démission et non contrainte et
l’indisponibilité des fonds est le fait de la SMPS qui a été corrigé en son
temps et le fait que la requérante ait bien reconnu qu’il y a responsabilité
partagée car elle aussi n’a pas payé certaines factures ;
En conséquence, la concluante accepte de payer la moitié de
12.747.185,85Ar ;
La SMPS conteste les divers autres motifs avancés par Razafinirina Eléonore
pour demander la somme de 4 milliard de dommages et intérêt car dans
tous les cas elle n’est pas justifiée ;
Par ces motifs, prendre acte la disponibilité du solde de la requérante de
8.473.317,67 Ar auprès de la SMPVE et de l’acceptation de payer la moitié
de 12.747.185,85Ar compte tenu du partage de responsabilité; débouter la
requérante des autres surplus de demande; la condamner aux frais et
dépens de l’instance dont distraction au profit de Mes Razafinarivo Avocats
aux offres de droit ;
En réplique la requérante observe que la défenderesse réalise que le contrat
entre les parties est à durée indéterminée et les préjudices subis par
Razafinirina Eléonore résultent des fautes de la défenderesse ;
Rien que le fait que la défenderesse accepte de rembourser des sommes et
de payer des dommages intérêts démontre inéluctablement l’existence de
ses fautes ;
Les fautes ont été commises de façons différentes pour n’en citer que le non
remboursement de la caution et ses intérêts ;
Les agissements de la défenderesse ont causé des conséquences graves sur
la caisse, sur la trésorerie et l’activité de la concluante ;
En sus des préjudices moraux ont été également subis par la requérante, la
station Esokaka a été exploité depuis 1975 par la mère de la requérante et
par la suite, elle a continué l’activité de sa mère jusqu’en 2009 ;
Ainsi le renom de la famille est mis en bas de l’échelle du fait de la
défenderesse concernant le droit au bail la clientèle, le nom commercial……
;
L’existence d’une contrainte dénote une mauvaise foi manifeste et la volonté
délibéré de nuire ;
Par conséquent c’est à bon droit que la requérante demande la somme de
4milliard à titre de dommages et intérêts ainsi que le paiement de
156.153.410,75 Ar à titre de remboursement d’agios bancaires ;
MOTIFS
En la forme
L’assignation a été faite conformément aux dispositions de l’article 123 du
code de procédure civile, elle est à cet effet régulière et recevable ;
Au fond
A travers les conclusions de la Société SHELL ex SMPVE celle-ci reconnait
qu’elle a sa part de responsabilité par rapport aux préjudices éprouvées par
dame Razafinirina Eléonore découlant du contrat de location gérance conclu
entre les parties en 2000 jusqu’à l’an 2009 tant liés aux doubles retraits et à
l’augmentation considérables des agios ;
En fait les factures et les relevés bancaires versées par la requérante
étayent les aveux de négligence et de mauvaises gestion chez SHELL dont
entre autre ; deux factures n °0013985 et n° FA121320 du 28 décembre
2001 ,facture en date du 21 Juin 2007sous n° F7060612 s’élevant à
5.980.000 Ar déjà versée par le biais de compte de la requérante mais
encore présentée en date du 14 Aout 2007 ,les retraits successifs de somme
de 12.953.804 Ar en date du 9 Novembre 2006 et de somme de 4.164 .597
,60 Ar en date du 30 Novembre 2006 sur le compte bancaire de la gérante ;
Par ailleurs en Septembre 2007, des anomalies dans l’utilisation de la carte
de fidélité des clients initiés par le bailleur, aucune déduction comme
convenue n’été faite à la pompe alors que la station a fait une vente
effective, ce qui a entrainé les manques dans la comptabilité de la gérante,
le bordereau de versement du 11 Avril 2008 est versée par la requérante au
dossier en illustration ;
Les relevés bancaires en date du 12 Janvier 2009 produit par la requérante
fait état de solde débiteur en permanence entrainant ainsi une
augmentation conséquente de frais d’agios due aux doubles retraits faits à
plusieurs reprises par SHELL sur le compte de la gérante faits qui sont
reconnus par SHELL bien que le montant qu’elle estime être retenue par les
parties à 2.526 .265 ,86Ar ;
Aux termes de l’article 123 de la LTGO, le contrat s’impose aux parties au
même titre que la loi et celles-ci doivent l’exécuter de bonne foi ;
Or, entre SHELL ex SMPVE et la requérante, il est plausible le manquement
aux obligations du bailleur dû aux divers actes de négligences commis dans
le contrat d’exploitation de station-service conclu dont la gestion est confiée
à la requérante cette dernière qui est privée d’environnement serein durant
le contrat et la SHELL qui n’a pas réussi à prouver les fautes partagées ;
Il est établi dès lors, que les fautes de négligences de la SHELL ex SMPVE en
tant que bailleur sont les causes directes des préjudices économiques subis
par la requérante qu’aucune faute ne peut être attribuée à cette dernière ;
A ce titre, une expertise contradictoire a été faite par le soin d’un expert
commis en exécution du jugement avant dire droit dans le cadre de mise en
état, à l’issue de laquelle il a été conclu par l’expert les états suivants :
Le montant des agios actualisés à 4.273.868,16Ar ;
Montant de principal non régularisé à 8.473.317 ,67Ar ;
Préjudice subis d’un montant total de 142 .954 .338 ,72Ar du fait des pertes
des revenus de la requérante pris en fonction de la durée restante de
l’exploitation de la station à compter de la date de fin de contrat et de
l’évaluation du chiffre d’affaire de l’année 2010 à 2029 ;
En effet, la lecture du rapport de l’expert sur les sommes de 4.273.868,16Ar
et 8.473.317,67Ar représentantes de factures non régularisées et d’agios
bancaires ainsi que sur les sommes de 142 954 368,72Ar correspondantes
au pertes de revenus contenant cinq principaux élément dont durée restante
probable de l’exploitation, évolution du chiffre d’affaire sur cette durée ,taux
de rentabilité commerciale de l’activité et enfin les revenus générés par
l’exploitation et taux d’actualisation des revenus généré par l’exploitation
sur la durée restante prévisible et probable de l’exploitation ,a permis de
constater le bienfondé de la demande faite par la requérante mais le
quantum de quatre milliard d’Ar estimé est trop élevé ;
Par ailleurs force est de constater que la démission volontaire de la
demanderesse invoquée par la SMPVE est mal fondée dans la mesure où à
l’époque de leur discordance, la SHELL elle-même a demandé la démission
de la location gérance de la station Esokaka la preuve en est la lettre en
date du 06 Juillet 2009 ;
Il y a lieu par conséquent de le ramener à sa juste proportion au vu dudit
rapport et d’ordonner la SHELL au paiement de la totalité desdites sommes
de 155.701.524,54 Ar à la dame Razafinirina Eléonore ;
Sur l’exécution provisoire :
En l’espèce il est caractérisé l’urgence du fait de l’appauvrissement
économique de la demanderesse actuellement, au niveau de la banque en
tant que débiteur d’agios bancaire, mais vue également l’ancienneté du
litige datant de 2010 qui a entrainé des manques à gagner et des pertes
considérables à la requérante ;
Dès lors il convient d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision;

P A R C E S M O T I F S
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en
premier ressort ;
Vidant le jugement avant dire droit n° 243-C intervenu le 22 Novembre 2012
Vu l’ordonnance du Juge de mise en état n° 197-C du 24 Aout 2017
Vu l’Ordonnance de clôture en date du 21 Septembre 2018
Déclare recevable et régulière l’assignation ;
Dit qu’il n’y a pas lieu à partage de responsabilité entre SHELL ex SMPVE et
la requérante ;
Condamne la Société SHELL ex SMPVE à payer à Razafinirina Eléonore la
somme totale de 155.701 524,54 Ar à titre de dommages et intérêts ;
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant toutes
voies de recours. ;
Laisse les frais et dépens de la présente instance à la charge de la Société
SHELL ex SMPVE ;
Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jours, mois et an que
dessus.
Et la minute du présent jugement a été signée par le PRESIDENT et le
GREFFIER, après lecture