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JUGEMENT 206-C

DOSSIER N° : 154/18 RC :157/18
NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :206C DU 12/10/2018
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 09/03/2018
DELAI DE TRAITEMENT : __0 Année(s) 7 Mois 14 Jour(s)
 

Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique ordinaire du vendredi douze octobre deux mille dix-huit , salle 7 (2), où siégeaient :

Madame/ Monsieur, RAMANANDRAITSIORY Miharimalala – PRESIDENT

En présence de : Mme/ Mr RAKOTOMANGA Alisoa – ASSESSEUR

RAMANANA R. Charles – ASSESSEUR Assisté(e) de Me RAHARISON Rova – GREFFIER Il a été rendu le Jugement suivant :

ENTRE :

Société PROCHIMAD Mines et Carrières , ayant son siège à sis au zone industrielle Mandrosoa IVATO , ayant pour Conseil Maître : RANDRANTO Iloniaina

Requérant(e), comparant et concluant.

ET :

Jiro sy Rano Malagasy , ayant son siège à 149, Rue Rainandriamampandry , ayant pour Conseil Maître : RAJERISON Olivia Alberte

Requis(e), comparant et concluant.

LE TRIBUNAL

 

Vu toutes les pièces du dossier :

Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;

Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;

 

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

FAITS ET PROCEDURES

 

A la suite d’une demande de réduction de puissance souscrite adressée par la société PROCHIMAD MINES et CARRIERES à la JIRAMA, cette dernière lui a proposé la signature d’un contrat dans lequel l’abonnée doit fournir le paiement d’une somme représentant une avance sur consommation et qui est contestée par l’abonnée, outre que cette dernière estime avoir dû payer plus que sa consommation, ce qui est à l’origine du présent litige ;

 

Par exploit d’huissier en date du 28 février 2018, à la requête de la société PROCHIMAD MINES et CARRIERES sise à la Zone industrielle Mandrosoa Ivato, ayant pour conseil Maître Iloniaina RANDRANTO, assignation a été servie à la société JIRO SY RANO MALAGASY ayant pour conseil Me Olivia RAJERISON d’avoir à comparaitre devant le devant le Tribunal commercial de céans pour s’entendre :

 

  • Ordonner l’annulation de l’article 11 du contrat pour la fourniture d’énergie électrique en haute et moyenne tension, pour cause d’abus de dépendance économique ;
  • Ordonner la condamnation de la JIRAMA au paiement de la somme de 144 512 730 Ariary au principal ;
  • Condamner la JIRAMA au paiement de la somme de 70 000 000 Ariary à titre de dommages et intérêts à la requérante pour toute causes de préjudicies confondues ;
  • Ordonner à la JIRAMA la réduction de la puissance d’énergie électrique fournie à la requérante de 280 KWH à 250 KWH ;
  • Condamner la JIRAMA au paiement des frais et dépens dont distraction au profit de Maitre Iloniaina RANDRANTO, Avocat aux offres de droit

 

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

 

Aux motifs de sa demande, la requérante, par l’entremise de son conseil Maitre Iloniaina RANDRANTO, fait valoir qu’elle est cliente de la société JIRAMA suite à la privatisation de la société SOMADEX et depuis l’année 20O6, elle a formulée plusieurs demandes auprès de la requise pour que la puissance de 280 KWH soit réduite à 250 KWH ;

La requérante soutient que la JIRAMA n’a pas donné suite à ces demandes alors que ce dépassement entraîne un excédent de paiement préjudiciable pour elle, ce pourquoi elle est fondée à demander le remboursement de la somme de 144.512.730 ariary résultant de la capacité indument facturée par la JIRAMA, outre la réparation du préjudice subi ;

Par ailleurs, la JIRAMA a accepté de réduire la puissance mais sous réserve de la signature d’un nouveau contrat qui cependant en son article 11, oblige la requérante au paiement de la somme de 16 682 000 Ariary à titre d’avance sur consommation alors qu’après calcul cette avance sur consommation correspond à la souscription de la puissance de 280 KWH et non celle de 250 KWH ;

 

La requérante considère qu’il y a abus de dépendance économique car elle est obligée de conclure le contrat de fourniture d’énergie sous peine de voir son activité en péril ;

 

La requérante soutient en outre que cet article 11 du contrat est contraire aux dispositions de l’article 43 de la loi 2015 -014 du 19 juin 2015 sur les garanties et la protection des consommateurs et sanctionné par l’article 20 de la loi n°2005.0520 du 17 octobre 2005 sur la concurrence;

En réplique, la JIRAMA, par le truchement de son conseil, Maître Olivia RAJERISON conclut au débouté de la demande et expose que le contrat conclu par la requise avec la société SOMADEX est totalement différent de celui de la requérante ;

La requise affirme que la requérante, depuis l’année 2000, était dans une situation irrégulière car aucun contrat n’a été signé entre les deux parties ;

Elle soulève en outre l’existence d’une pratique au sein de la JIRAMA selon laquelle le client ne paye que les frais d’établissement du dossier lorsque la puissance souscrite dans le contrat initial est supérieure à la demande de diminution de puissance ; dans le cas inverse, le client doit payer un complément des frais d’écart concernant l’avance sur consommation ;

Selon toujours la requise, les dispositions de l’article 11 du contrat ne constituent pas une clause abusive car cette avance sur consommation constitue la règle au sein de la JIRAMA et s’applique à tous les consommateurs sans exception ;

La requise ne conteste pas la demande de réduction de puissance par la requérante mais cette dernière doit juste payer l’avance sur consommation pour finaliser le contrat – contrat que la requérante a refusé de signer malgré le geste commercial de la requise qui a continué de fournir de l’énergie électrique ;

La requise affirme donc qu’il n’y a ni clause abusive dans le contrat ni un abus de dépendance économique puisque cette avance sur consommation, selon la requise constitue une garantie pour l’exécution du contrat et que la requérante était parfaitement au courant de l’existence de cette avance mais essaie tout simplement de s’y soustraire ;

Dans ses conclusions ultérieures, la requérante affirme qu’elle est victime de surcout car actuellement sa facture est établie sur la base du cout de la consommation de 280 KWH alors que la consommation réelle ne s’élève qu’à 250 KWH ;

La requérante estime par ailleurs que l’avance sur consommation a déjà été payée par la société SOMADEX, et étant subrogée de celle-ci, elle n’est plus obligée de payer cette avance ;

A son tour, la requise affirme que l’avance sur consommation prévue par l’article 11 du contrat a été calculé par les professionnels de la JIRAMA sur la base de 250 KWH et cette mesure applicable à tous les consommateurs tend à assurer la bonne marche de l’entreprise et pour assurer une égalité de traitement entre tous les clients de la JIRAMA ;

D’autre part, l’abus de dépendance économique n’est pas fondé car la requérante peut s’approvisionner en électricité à travers d’autres sources d’énergie tels les panneaux solaires ou les groupes électrogènes ;

En outre, la requise soutient que la société SOMADEX et PROCHIMAD sont deux sociétés différentes et qu’elle n’a pas été notifiée officiellement de cette prétendue subrogation ;

Enfin, elle attire l’attention du tribunal sur le fait que l’insertion d’une clause prévoyant le paiement d’une garantie qui sera remboursée au consommateur en cas de résiliation n’est pas non plus prohibée ;

Vu toutes les pièces du dossier ;

Les débats furent clôturés le 07 septembre 2018 ;

 

DISCUSSION

 

Sur la subrogation

La requérante soutient que la société PROCHIMAD MINES et CARRIERES est subrogée dans les droits et obligations de la société SOMADEX vis-à-vis de la JIRAMA;

En faisant valoir ces moyens, la requérante essaie de prouver que l’avance sur consommation a déjà été payée par la société SOMADEX et que la société JIRAMA ne pourra plus lui réclamer cette avance lors de la demande de diminution de la puissance en 250 KWH puisqu’il s’agit d’un avenant au contrat et non d’une conclusion d’un contrat initial ;

Toutefois les articles 344 et suivants de la loi sur la théorie générale des obligations exige que la subrogation doit être expresse et si elle est consentie par la créancière qui est la JIRAMA, ce consentement express doit se faire au moment du paiement ;

Or, certes, aucun contrat ou lettre de subrogation entre les parties n’a été formalisé, mais les parties étaient en relation depuis plusieurs années et la JIRAMA a accepté la demande d’abonnement haute tension de la requérante depuis 2000, seul acte valant contrat d’adhésion entre les parties versé au dossier;

Cette acceptation est concrétisée par la fourniture d’énergie électrique contre paiement par la requérante depuis plusieurs années ;

Cela constitue un geste commercial selon la JIRAMA tandis que cela vaut subrogation pour la requérante ;

Toutefois, le tribunal estime que la JIRAMA a déjà consenti à la subrogation au profit de la requérante en acceptant les paiements faits par celle -ci depuis plusieurs années ainsi qu’en accédant aux demandes antérieures de modification de souscription de puissance de la requérante ;

Sur le chef de demande d’annulation de l’article 11 du contrat proposé par la JIRAMA en 2017 pour clause abusive ainsi que pour un abus de dépendance économique:

La requérante sollicite l’annulation de l’article 11 du contrat pour la fourniture d’énergie électrique en haute et moyenne tension imposé par la JIRAMA aux motifs que celui-ci est contraire aux dispositions de l’article 43 de la loi 2015-014 du 17 octobre 2005 sur la garantie et la protection des consommateurs;

En effet, ledit article dispose que « sont interdits les contrats, conclu entre professionnels et non professionnels ou consommateurs pouvant contenir des clauses abusives, qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties contractantes ;

Ce déséquilibre peut s’analyser en une augmentation significative des charges du consommateur face à son cocontractant ;

Dans le cas d’espèce, et à la lecture de l’article 11 du contrat proposé par la JIRAMA, l’avance sur consommation réclamée constitue une garantie déposée par l’abonnée qui pourra être remboursée à la résiliation du contrat, sous réserve de déduction des sommes encore dues à la JIRAMA ;

Selon la JIRAMA, dans ses propres conclusions, la JIRAMA avoue que le paiement de cette garantie n’a lieu que dans le cadre d’une souscription initiale alors que, comme précédemment exposé, la PROCHIMAD MINES ET CARRIERES ne peut être considérée comme un nouvel abonné soumis au paiement de cette avance sur consommation dans la mesure où il y a subrogation entre elle et l’ancienne débitrice, sur acceptation de la JIRAMA depuis plusieurs années ;

La modification de la puissance souscrite constitue ainsi un avenant au contrat initial et ne constitue pas un contrat initial, ce qui implique que l’abonnée n’a pas à être soumise au paiement de cette avance ;

La réclamation de cette somme implique ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans ce sens où les charges constitutives d’avance réclamées par la JIRAMA doivent être payées par le consommateur qui n’a pas d’autre choix dans la mesure où la JIRAMA détient le monopole de la fourniture en énergie électrique et une société ne peut fonctionner sans cette énergie;

Le tribunal estime que la régularisation de la situation de la requérante pour que la puissance qu’elle souscrit soit ramenée à la baisse ne doit plus être conditionnée par le paiement de cette avance sur consommation mais elle est ainsi contrainte d’accepter la souscription à 280 kwh par la JIRAMA pour éviter de mettre en péril son activité en prenant le risque de se voir couper la fourniture en électricité par la JIRAMA ;

Ce qui nous amène à constater un abus de la part de la JIRAMA en imposant cette clause ;

Pour la JIRAMA, invoquer le recours possible de la requérante à d’autres sources d’énergie tels les panneaux solaires ou les groupes électrogènes suffit à prouver qu’il n’y a aucun abus puisque si la requérante refuse d’adhérer au contrat proposée, elle a d’autres options ;

Or, les autres sources d’énergie ne peuvent être assimilées à une option puisqu’elles impliquent d’énormes investissements pour la requérante qui s’en trouve ainsi pénalisée malgré qu’il ne soit pas contesté qu’elle a toujours honoré ses obligations de paiement vis-à-vis de la JIRAMA ;

Par ailleurs, il importe de souligner qu’en son article 7 in fine, le projet de contrat stipule clairement que seule la demande d’augmentation de puissance est soumise au paiement visée à l’article 11 alors qu’il n’est pas contesté que la demande de la requérante est de ramener à la baisse la puissance souscrite ;

La JIRAMA lui impose donc des conditions non dues et qui lui sont défavorables, d’où l’exploitation abusive de la position dominante de la JIRAMA ;

Enfin, l’infraction d’abus de dépendance économique invoquée par la requérante ne peut être constatée par le présent tribunal puisque la constatation de cette infraction ne relève pas de sa compétence, ainsi que sa sanction et son indemnisation ;

De tout ce qui précède, le tribunal estime que la clause de l’article 11 du contrat proposé par la JIRAMA est abusive concernant le cas de la requérante car elle ne doit pas lui être appliquée ;

Toutefois, il n’y a pas lieu d’annuler ladite clause mais seulement d’exonérer la requérante du paiement des avances sur consommation y prévues;

Sur la demande de remboursement de la somme de 144.512.730 ariary :

L’article 251 de la loi sur la théorie générale des obligations mentionne qu’ « il n’y a pas lieu à restitution lorsqu’on a payé volontairement et en connaissance de cause ce qu’on savait ne pas être légalement tenu de payer » ;

En se référant aux calculs effectués par la requérante elle -même, depuis 2006 jusqu’en 2018 le surcout qu’elle estime indue s’élève à 144 512 730 Ariary mais elle a toutefois accepté de payer au lieu d’ester en justice pour avoir tout de suite la protection de son droit;

Elle est ainsi mal venue à réclamer ces indus, il y a lieu de la débouter de sa demande;

Sur la demande de dommages et intérêts de 70.000.000 ariary :

L’abus commis par la JIRAMA a engendré indubitablement des préjudices à la requérante qui est suspendu à une menace de cessation de la fourniture en énergie en cas de refus d’adhésion à un contrat contenant une clause abusive ;

Toutefois, le tribunal estime le quantum demandé excessif, il y a lieu de le ramener à la somme de 10.000.000 ariary ;

Vu les articles 229 et suivants de la LTGO sur la réparation du préjudice ;

 

Sur la demande d’injonction faite à la JIRAMA de réduire la puissance d’énergie électrique fournie à la requérante de 280 KWH à 250 KWH :

L’article 7 du projet de contrat édicte que la JIRAMA doit donner suite dans un délai d’un mois à partir de la réception de la demande de l’abonnée à la demande de modification de puissance souscrite, sous réserve du paiement des frais précisés dans ledit article par la requérante ;

Il y a donc lieu d’enjoindre à la JIRAMA d’exécuter sa part d’obligation pour ramener à 250 kwh la puissance souscrite par la requérante, le délai d’un mois pour qu’elle s’exécute étant largement dépassé ;

 

P A R C E S M O T I F S

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en premier ressort ;

Vu l’ordonnance de clôture n°529 du 07 septembre 2018 ;

Constate le caractère abusif de la clause 11 du contrat pour la fourniture d’énergie électrique en haute et moyenne tension rédigé par la JIRAMA ;

Exonère la société PROCHIMAD MINES et CARRIERES du paiement des avances sur consommation visé à l’article 11 du projet de contrat pour la fourniture d’énergie électrique en haute et moyenne tension;

Condamne la JIRAMA au paiement de la somme de 10 000 000 Ariary à titre de dommages et intérêts à la société PROCHIMAD MINES et CARRIERES;

Enjoint à la JIRAMA de réduire la puissance d’énergie électrique fournie à la société PROCHIMAD MINES et CARRIERES de 280 KWH à 250 KWH, sous réserve de l’acquittement des frais dus par la requérante en vertu de l’article 7 du projet de contrat ;

Déboute la société PROCHIMAD MINES et CARRIERES du surplus de sa demande ;

Condamne la JIRAMA au paiement des frais et dépens dont distraction au profit de Maitre Iloniaina RANDRANTO, Avocat aux offres de droit

Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jours, mois et an que dessus.

Et la minute du présent jugement a été signée par le PRESIDENT et le GREFFIER, après lecture.