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JUGEMENT 200-C

DOSSIER N° : 252/17 RC :757/17
NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :200C DU 12/10/2018
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 10/11/2017
DELAI DE TRAITEMENT : __0 Année(s) 11 Mois 14 Jour(s)

 

Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique ordinaire du vendredi douze octobre deux mille dix-huit , salle 7, où siégeaient :

Madame/ Monsieur, RAFALIMANANA Mahamanina – PRESIDENT

En présence de : Mme/ Mr RAKOTOMANGA Alisoa – ASSESSEUR

RAMANANA R. Charles – ASSESSEUR Assisté(e) de Me RAHARISON Rova – GREFFIER Il a été rendu le Jugement suivant :

ENTRE :

EHRART Marie Florence , ayant son siège à Ampitatafika lot BA 68 Antananarivo 102 , ayant pour Conseil Maître : RAMASO Raymond Requérant(e), comparant et concluant.

ET :

RAKOTOMALALA Maminirina Willy , ayant son siège à MAI 33 Maibahoaka Talatamaty, lot AD 08 bis Ankadindravola Ivato ou Villa Pradon , ayant pour Conseil Maître : RADILOFE Hantavololona, RADILOFE Jacques Herizo Koto

Requis(e), comparant et concluant.

LE TRIBUNAL

 

Vu toutes les pièces du dossier :

Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;

Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;

 

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par exploit d’huissier en date du 02 Novembre 2017, dame Ehrart Marie Florence, ayant pour Conseil Me Ramaso Raymond, Avocat à la Cour, a assigné devant le Tribunal de commerce de céans le sieur Rakotomalala Maminirina Willy pour s’entendre :

  • Homologuer dans toute sa teneur et dans son intégralité le procès-verbal de l’assemblée générale des associés en date du 01 Février 2016, faite entre dame Ehrart Marie Florence et sieur Rakotomalala Maminirina Willy, avec toutes les conséquences de droit ;
  • Ordonner l’annulation de la notice of a board of directors’meeting ou Assemblée générale extraordinaire faite et signée par sieur Rakotomalala Maminirina Willy du 24 Octobre 2017, mais prévue à la date du 14 Novembre 2017 ;
  • Condamner à payer à dame Ehrart Marie Florence la somme de 200 000 000 Ariary à titre de dommages intérêts pour toutes causes de préjudices confondus ;
  • Condamner à payer une astreinte de 20 000 000 Ariary par jour de retard, ce à compter de toute notification ou de toute signification du jugement à venir ;
  • Ordonner l’exécution sur minute et avant enregistrement du jugement à intervenir ;
  • Condamner aux frais et dépens dont distraction au profit de Me Ramaso Raymond, Avocat aux offres de droit ;

Aux motifs de son action, la requérante fait exposer par le truchement de son Conseil ce qui suit :

Attendu que sieur Rakotomalala Maminirina Willy et dame Ehrart Marie Florence sont associés de la société OPHIR RESOURCES PTE LTD, chacun détenant 50 parts du capital social ;

De l’assemblée générale des associés tenue le 01er Février 2016, il en est ressorti diverses résolutions notamment l’ouverture d’une succursale de la société OPHIR à Madagascar, la nomination d’une représentante de la succursale à Madagascar en la personne de la requérante, l’ouverture d’un compte bancaire et la signature dudit compte ;

 

Le 04 Février 2016, l’assemblée tenue a été enregistrée auprès du bureau des sociétés, ce qui donne au procès-verbal un caractère opposable aux tiers;

 

Attendu de plus qu’aux termes de l’article 123 de la LTGO, ces résolutions s’imposent aux parties au même titre que la loi ;

Cependant, animé de sa mauvaise foi la plus manifeste, sieur Rakotomalala Willy a convoqué une assemblée générale extraordinaire à Singapour en son nom personnel ; l’ordre du jour concernait notamment la révocation de la requérante en tant que représentante résidente de la succursale de la société OPHIR à Madagascar, ainsi que la nomination du requis en lieu et place de la demanderesse ;

 

Le procès-verbal de remise de convocation du 27 Septembre 2017 démontre la volonté réelle du défendeur de tenir ladite assemblée bien que dame Ehrart ait formulé une opposition et ait demandé un ajournement (sommation interpellative faite par voie d’huissier en date du 31 Octobre 2017) ;

 

Toujours est-il, sur la forme, le requis a signé la convocation à une assemblée générale en son nom personnel, c’est pourquoi, il s’agit d’un acte de personne et non d’un acte de société ; et raison pour laquelle la requérante n’a pas assigné la société OPHIR ;

 

De même, l’article 79 du statut de la société OPHIR prévoit qu’une convocation au vu d’une assemblée générale extraordinaire doit être faite de concert avec l’administrateur ainsi qu’un secrétaire ce qui constitue une formalité substantielle ;

 

Quant au fond, l’article 346 de la loi 2003 036 sur les sociétés commerciales prévoit que toute révocation du gérant statutaire ou non doit être faite par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales ; alors que le requis à lui tout seul ne dispose pas plus de la moitié des parts sociales en ce qu’il détient 50 parts au même titre que la concluante ;

D’ailleurs, toute révocation devant être dûment motivée, ni un détournement ni moins un abus de biens de sociaux ne peuvent être reprochés à l’actuelle gérante ;

 

De ce qui précède et en considération de l’article 359 de la loi 2003 036 sur les sociétés commerciales qui stipule que toute assemblée irrégulièrement convoquée doit être annulée, la Notice of a board of directors’meeting du 24 Octobre 2017 est illégale, acte synonyme de voie de fait, et donc mérite annulation ;

Dans ses conclusions ultérieures, la requérante demande à titre additionnel la somme de 300 000 000 Ariary à titre de dommages intérêts et réaffirme la compétence de la juridiction d’Antananarivo ;

En effet, l’extrait du registre de commerce et des sociétés délivré par le service du greffe du Tribunal de commerce d’Antananarivo révèle que la société OPHIR est une SARL représentée par dame Ehrart Marie Florence à Madagascar ; elle est de ce fait régie par la loi n°2003- 036 du 30 Janvier 2004 sur les sociétés commerciales qui dispose en son article 344 que le gérant est investi d’un mandat de quatre années ;

La nomination de dame Ehrart Marie Florence ayant pris effet le 01er Février 2016, il expirera donc le 01er Février 2020 ;

En outre, l’adresse et la vie de la succursale se trouvent à Ampitatafika lot BA 68 Antananarivo ; sieur Rakotomalala Maminirina Willy, étant de nationalité Malagasy, dispose de trois adresses différentes à Antananarivo et a élu domicile au lot AD 08 BIS Ankadindravola Ivato Antananarivo ;

Aux termes des articles 79 et 80 du Code de procédure civile, la compétence territoriale appartient au Tribunal du domicile réel ou du domicile élu du défendeur ;

De surcroît, l’Ordonnance n°330 du 13 Novembre 2017 a été rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance d’Antananarivo, et sieur Rakotomalala Willy a fait opposition à l’encontre de cette décision, ce qui signifie que non seulement la juridiction étatique s’est déclarée compétente territorialement mais également le requis l’a expressément saisie ;

 

D’ailleurs, en matière commerciale, est compétent le Tribunal de l’une des succursales ;

Somme toute, disposant d’un intérêt à agir, la requérante s’estime fondée à réclamer des dommages intérêts conformément à l’article 229 de la LTGO ;

Pour raffermir ses prétentions, la requérante verse au dossier :

 

  • Un certificat de résidence en date du 23 Novembre 2017 ;
  • Une signification commandement en date du 16 Novembre 2017 ;
  • L’Ordonnance sur requête n°330 du 13 Novembre 2017 ;
  • L’assignation à comparaître du 02 Novembre 2017 ;
  • Une signification en date du 14 Novembre 2017 ;
  • Une sommation suivie de sommation interpellative en date du 02 Novembre 2017 ;
  • Un extrait du plumitif du 23 Novembre 2017 ;
  • Un extrait RCS de la société OPHIR RESOURCES PTE LTD ;
  • Le document « Notice of a board of directors’meeting » du 24 Octobre 2017 ;
  • Le procès verbal de remise de convocation du 27 Octobre 2017;
  • Une sommation interpellative du 28 Octobre 2017 ;
  • Le procès verbal de l’assemblée générale des associés du 01er Février 2018;

 

 

En réplique, sieur Rakotomalala Willy, ayant pour Conseils Mes Radilofe, Avocats au Barreau de Madagascar, dénonce la non communication des pièces et réclame à ce que la requérante soit déboutée en l’état ;

 

La communication de la part de la requérante ayant été matérialisée par un soit transmis, le sieur Rakotomalala Willy formule une demande reconventionnelle et estime que le Tribunal devrait :

  • Se déclarer incompétent au profit des juridictions de Singapour ;
  • Constater que l’action introduite devant le Tribunal de commerce malgache est constitutive d’un abus de droit ;
  • Condamner en conséquence la dame Ehrart Marie Florence au paiement de la somme de 200 000 000 Ariary à titre de dommages intérêts ;
  • Laisser les entiers frais et dépens à la charge de la dame Ehrart Marie Florence dont distraction au profit de Mes Radilofe, Avocat aux offres de droit ;

 

Pour soutenir ses prétentions, le requis fait valoir ce qui suit :

 

Sur l’incompétence ratione loci et ratione materiae de la juridiction de céans :

 

Attendu préalablement qu’il échet d’exposer que le sieur Rakotomalala Willy est l’un des associés fondateurs de la société OPHIR RESOURCES PTE LTD, société de droit singapourien, constituée le 02 Janvier 2013 sous la dénomination de PLOUTOS RESOURCES PTE LTD ;

 

Qu’au mois d’Août 2015, le sieur Rakotomalala Willy a fait entrer la dame Ehrart Marie Florence dans le capital de la société singapourienne par la cession d’une partie de ses actions au prix symbolique de 50 dollars singapourien ; que dame Ehrart fut ensuite nommée administrateur ;

 

Qu’en 2016, la société OPHIR RESOURCES PTE LTD a décidé de l’ouverture d’une succursale sur le territoire national malgache ;

Que conformément à la loi 99 -025 du 19 août 1999 relative à la transparence des entreprises, la société OPHIR RESOURCES PTE LTD a procédé à l’immatriculation au registre du commerce de la succursale qui fut enregistrée sous le n°2016 B 00185 du 24-02-2016 ;

 

Ceci étant, l’affirmation mensongère de la dame Ehrart concernant le statut juridique de la société OPHIR RESOURCES PTE LTD ;

Qu’elle affirme de manière éhontée que la société OPHIR RESOURCES PTE LTD est une SARL, alors que l’extrait du registre de commerce et des sociétés qu’elle-même produit énonce que c’est une « SDTE : Société de droit étranger » ;

Que les documents pour lesquels il est demandé l’homologation pour le

 

procès- verbal de l’assemblée générale du 01er Février 2016 et l’annulation pour le Notice of a board du 24 octobre 2017, ont été pris par les organes sociaux de la société de droit singapourien et non par le bureau de représentation se trouvant à Madagascar ;

 

Que la convocation dénoncée émane de la société OPHIR RESOURCES PTE LTD, société de droit singapourien, et non de la succursale inscrite au registre de commerce d’Antananarivo ;

 

Que l’enregistrement du PV du 1er Février 2016 auprès du bureau des sociétés et son dépôt au registre des commerces et des sociétés, formalités exigées pour les sociétés de droit étranger « SDTE » n’ont pas pour effet d’attribuer la compétence aux juridictions malgaches pour statuer sur les actes internes de la société OPHIR RESOURCES PTE LTD.

 

Attendu que si la volonté des parties était de constituer une société de droit malagasy, elles auraient adopté les statuts d’une SARL ou d’une SA mais n’auraient pas décidé d’ouvrir une succursale et d’inscrire la société OPHIR RESOURCES PTE LTD en tant que SDTE ;

 

Que le Tribunal de commerce de céans ne peut connaître que des actes sociaux d’une société de droit malgache ; qu’un juge national ne peut ni homologuer encore moins annuler une délibération et ou une convocation à une assemblée générale d’une société dont le siège se trouve à l’étranger ;

 

Qu’il échet dès lors de se déclarer incompétent pour connaître des demandes de la dame Ehrart Marie Florence au profit des juridictions matériellement compétentes de Singapour, lieu du siège social de la société dont les actes sociaux font l’objet de l’actuelle procédure ;

 

Attendu, à titre tout à fait superfétatoire et uniquement pour les besoins de la discussion, qu’il y a lieu de relever que bien que le concluant ait déjà demandé le rejet en l’état du fait qu’aucune pièce n’ait été déposée à l’appui de l’exploit introductif d’instance ni communiquée aux Conseils du concluant, la requérante ne justifie toujours pas de l’existence tant du document social dont elle demande l’homologation que de la convocation dont elle demande l’annulation ;

 

Que ce laxisme témoigné dans la conduite de la procédure constitue la preuve que celle-ci a été introduite non pas pour faire valoir des droits légitimes mais pour obtenir des mesures provisoires auprès de la juridiction des référés sous prétexte de l’actuelle procédure au fond ;

 

Que le concluant verse la requête afin d’ordonnance déposée par la dame Ehrart à ce titre ;

Qu’à l’évidence, l’introduction de la présente procédure relève d’un abus manifeste du droit d’ester en justice, la saisine d’une juridiction malgache pour voir statuer sur la validité des décisions des organes sociaux d’une société basée à Singapour non seulement ne repose sur aucune base légale mais de surcroît constitue une véritable aberration juridique ;

Que de même, une Ordonnance sur requête prononçant une mesure provisoire, laquelle par essence ne préjuge pas le fond, ne saurait justifier la compétence des juridictions malgaches à connaître d’une action en annulation d’un acte social émanant d’une société singapourienne ;

 

Qu’il échet dès lors de condamner la requérante au paiement de la somme de 200 000 000 Ariary pour procédure manifestement abusive ;

C’est ainsi que le requis verse au dossier les pièces suivantes :

 

  • Memorandum and articles of association of OPHIR RESOURCES PTE LTD;
  • Acte constitutif et statuts de OPHIR RESOURCES PTE LTD (Traduction) ;
  • Cession d’actions du 18 Août 2015 ;
  • Résolutions des administrateurs de la société en vertu des statuts de la société ;
  • Liste des administrateurs de la société OPHIR RESOURCES PTE LTD ;
  • Requête + Ordonnance n°330 du 13 Novembre 2017 ;

 

 

DISCUSSION

 

  • Sur la compétence du Tribunal de céans

 

Il résulte du document « Memorandum and articles of association », équivalent des statuts en droit malgache, que la société OPHIR RESOURCES PTE LTD dont le siège social est sis dans la Republique de Singapour a été constituée selon la loi singapourienne sur les sociétés commerciales : le Company’s Act Chap. 50 ;

 

Qu’il s’agit incontestablement d’une société de droit anglo-saxon dont la connaissance des règles de fond revient de droit aux juridictions de Singapour ;

 

En l’espèce , du dossier , il ressort que la décision d’ouverture d’une succursale de la société à Madagascar , convenue a l’issue de l’Assemblée générale d’Associes tenue à Ampitatafika Antananarivo Madagascar le 01 Février 2016, émane des organes de la société OPHIR RESOURCES PTE LTD , et notamment de Sieur RAKOTOMALALA MAMINIRINA WILLY et de Dame EHRAT MARIE FLORENCE , tous deux administrateurs , ce tel qu’il ressort de l’examen combine du memorandum and articles of association et de la cession d’actions du 18 aout 2015 ;

 

Il en est de même pour la « Notice of a board of directors’meeting » du 24 Octobre 2017 dont annulation est demandée ;

A l’analyse de la requête, il est demandé au Tribunal de céans de trancher un litige portant sur des résolutions prises par des organes sociaux d’une Société de Droit Etranger, l’OPHIR RESOURCES PTE LTD, régie pourtant par le texte Singapourien, bien qu’une succursale ait été implantée à Madagascar ;

 

Par conséquent, des faits de la cause, il y a lieu de se déclarer incompétent et de renvoyer les parties à se pourvoir devant les juridictions de Singapour;

 

  • Sur les dommages intérêts :

 

L’article 3 du Code de Procédure Civile stipule que : « L’exercice de l’action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si elle constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou, au moins, une erreur grossière équipollente au dol » ;


Dans le cas d’espèce, aucune faute ne peut être reprochée à la requérante en ce qu’elle dispose d’un intérêt légitime à ester en justice ;

 

Par conséquent, la demande de dommages intérêts est mal fondée, il convient de la rejeter ;

 

P A R C E S  M O T I F S ,

 

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort ;

  • Se déclare incompétent ;
  • Renvoie les parties à se pourvoir devant les juridictions de Singapour ;
  • Rejette la demande de dommages intérêts formulée par le requis ;
  • Fait masse des frais et dépens de l’instance.

 

Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jours, mois et an que dessus.

 

Et la minute du présent jugement a été signée par le PRESIDENT et le GREFFIER, après lecture