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JUGEMENT 199-C

DOSSIER N° : 224/16+8/17 RC :741/16+016
NATURE DU JUGEMENT :CONTRADICTOIRE
JUGEMENT N° :199C DU 12/10/2018
PREMIER APPEL DE LA CAUSE : 17/08/2017
DELAI DE TRAITEMENT : __1 Année(s) 1 Mois 17 Jour(s)

Le Tribunal de Commerce d’Antananarivo, à l’audience publique ordinaire du vendredi douze octobre deux mille dix-huit , salle 7, où siégeaient :

Madame/ Monsieur, RAFALIMANANA Mahamanina – PRESIDENT

En présence de : Mme/ Mr RAMANANA R. Charles – ASSESSEUR

RAKOTOMANGA Alisoa – ASSESSEUR Assisté(e) de Me RAHARISON Rova – GREFFIER Il a été rendu le Jugement suivant :

ENTRE :

Société MADAUTO , ayant son siège à Rue Dr RASETA,Andraharo,Antananarivo-Renivohitra , ayant pour Conseil Maître : RATRIMOARIVONY Manamihaja Solo

Requérant(e), comparant et concluant.

ET :

Société KRAOMITA , ayant son siège à Ampefiloha Antananarivo 101 , ayant pour Conseil Maître : RABEMANANJARA Fanja Sylviane Requis(e), comparant et concluant.

LE TRIBUNAL

 

Vu toutes les pièces du dossier :

Ouï la requérante en ses demandes, ses fins et conclusions ;

Ouï le(la)(les) requis(e)(es) en ses moyens, fins et conclusions;

 

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

 

Par exploit d’huissier en date du 31 Août 2016, la société Madagascar Automobile SA (MADAUTO), ayant pour Conseil Me Manamihaja S. Ratrimoarivony, Avocat au Barreau de Madagascar, a assigné devant le Tribunal de commerce de céans la société Kraomita Malagasy (KRAOMA), sise à Ampefiloha Antananarivo pour s’entendre :

 

  • Condamner à payer à la société MADAUTO la somme de 1.096.465.961,18 Ariary (UN MILLIARD QUATRE VINGT SEIZE MILLIONS QUATRE CENT SOIXANTE CINQ MILLE NEUF CENT SOIXANTE ET UN ARIARY DIX HUIT), représentant le montant de sa créance en principal, outre les intérêts de droit sur ladite créance à compter du jour de la demande ;
  • Condamner la société Kraomita Malagasy à payer à la société MADAUTO la somme de 2.000.000.000 (DEUX MILLIARDS ARIARY) à titre de dommages et intérêts pour tous préjudices confondus ;
  • Déclarer valable la saisie arrêt pratiquée sur tous les comptes bancaires appartenant à la société Kraomita Malagasy, suivant exploit en date du 19 Août 2016 et la transformer en saisie exécution ;
  • Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toutes voies de recours ;
  • Condamner la société Kraomita Malagasy aux frais et dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Manamihaja Ratrimoarivony, Avocat aux offres de droit ;

 

Cette procédure est enregistrée sous le n°224/16 ;

 

Par une autre assignation en date du 11 Janvier 2017, la société Madagascar Automobile SA (MADAUTO), ayant pour Conseil Me Manamihaja S. Ratrimoarivony, Avocat au Barreau de Madagascar, a fait comparaître de nouveau devant le Tribunal de commerce de céans la société Kraomita Malagasy (Kraoma), sise à Ampefiloha Antananarivo pour s’entendre :

  • Condamner à payer à la société MADAUTO la somme de 1.100.465.961,18 Ariary (UN MILLIARD CENT MILLIONS QUATRE CENT SOIXANTE CINQ MILLE NEUF CENT SOIXANTE ET UN ARIARY DIX HUIT) en principal ;
  • Déclarer bonne et valable la saisie conservatoire pratiquée le 15 Décembre 2016 et la transformer en saisie exécution ;
  • Condamner la société Kraomita Malagasy à payer à la société MADAUTO la somme de 2.000.000.000 (DEUX MILLIARDS ARIARY) à titre de dommages et intérêts pour tous préjudices confondus ;
  • Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toutes voies de recours ;
  • Condamner la société Kraomita Malagasy aux frais et dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Manamihaja Ratrimoarivony , Avocat aux offres de droit ;

 

Cette procédure est enregistrée sous le n°08/17 ;

Aux motifs de son action, la requérante fait valoir ce qui suit :

Attendu que la société MADAUTO SA est créancière de la société Kraomita Malagasy de la somme de 1.096.465.961,18 Ariary représentant les factures impayées au mois de Juillet 2016 ;

Attendu que toutes les démarches amiables entreprises par la requérante auprès de la requise pour avoir paiement du montant de sa créance sont demeurées jusqu’à ce jour vaines et infructueuses ;

Que devant cette attitude négative de la requise, MADAUTO n’a d’autres ressources que de s’adresser à la justice pour obtenir la sanction de ses droits dont la condamnation de la requise en paiement de la somme de 1.096.465.961,18 Ariary – en principal, outre les frais et accessoires à venir ;

Que la requérante, dûment autorisée à cet effet par la grosse en forme exécutoire de l’Ordonnance n°284 du 17 Août 2016 rendue par Mme le Vice-Président du Tribunal de Première Instance d’Antananarivo, a fait procéder à la saisie arrêt des comptes appartenant à la société Kraomita Malagasy suivant exploit en date du 19 Août 2016 ;

Attendu que cette saisie arrêt a été faite dans les formes et délais prévus par la loi ; qu’il échet de la valider ;

Quant à la seconde assignation, la requérante avance les prétentions suivantes :

Attendu que la société MADAUTO est en relation d’affaires avec la société TCR, sise à la propriété dite « ZATOVONIRINA » TF 8037 sise à Amboatavo Anosiala, 105 Antananarivo ;

Que l’objet du contrat consiste en la vente de véhicules roulants, de générateurs électriques ainsi que des pièces détachées ; Que des bons de commande sont émis auprès de la société requérante, stipulant par la suite une échéance pour le paiement, qui est inscrite sur la facture de la société MADAUTO après livraison ;

Que pour régulariser ses impayés, la société TCR a remis à la société requérante des lettres de change émises par la société KRAOMA ;

Que jusqu’à ce jour, nombreuses factures demeurent impayées et non régularisées, et les traites se trouvent retournées pour provisions insuffisantes ; Qu’un solde débiteur remontant jusqu’à MGA 1.064.432.972,02 est imputable à la société KRAOMA ;

Que les parcours effectués pour le paiement de la créance de MGA 1.096.465.961,18 Ariary sont restés vains et infructueux jusqu’à ce jour ; Que toutes les démarches extrajudiciaires et à l’amiable sont, par ailleurs, restées lettres mortes rendant la présente réclamation fondée ;

Attendu qu’en date du 15 Décembre 2016, une signification commandement avec procès-verbal de saisie conservatoire a été servie à l’encontre de la société KRAOMA à Brieville, et ce suivant l’exécution de la grosse dûment en forme exécutoire de l’Ordonnance n°283 du 11 Août 2016 ; vu l’extrême urgence et le péril en la demeure, ainsi que pour la sauvegarde de ses droits, la société MADAUTO demande la sanction de ses droits ;

En réplique, la société Kraomita Malagasy (KRAOMA), ayant pour Conseil Me Rabemananjara Fanja Sylviane, dénonce d’abord la non communication des pièces ;

Après nécessaire fait cependant, la requise dénonce le non versement au dossier des factures impayées du mois de Juillet 2016 invoquées par la requérante comme représentant le montant de sa créance principale de 1.096.465.961,18 Ariary – de l’ordonnance de saisie n°284 du 17 Août 2016 – de la saisie arrêt proprement dite effectuée sur les comptes bancaires de la concluante en date du 19 Août 2016, objet même de la demande de validation par devant le Tribunal de céans ; Raisons pour lesquelles elle estime que la requérante devrait être déboutée en l’état de ses demandes ;

Par conclusions responsives, la société MADAUTO certifie que toutes les pièces réclamées ont été communiquées ; que la requise joue le dilatoire, que sa mauvaise foi n’est plus à démontrer ;

C’est ainsi que la société KRAOMA conclut au fond et soutient ce qui suit :

IN LIMINE LITIS,

Attendu que la requérante lors de l’exécution de la saisie conservatoire des biens meubles de la société KRAOMA se trouvant à son site d’exploitation à Brieville en date du 16 Décembre 2016 a fait recours à un huissier instrumentaire inscrit et exerçant à Antananarivo ;

Que selon les dispositions en vigueur prévues par la loi n°2005-034 du 20 Février 2006 et les textes subséquents portant statut des Huissiers et Commissaires priseurs de Madagascar, une demande d’autorisation écrite doit être effectuée et présentée devant la Cour d’Appel par l’huissier voulant se transporter hors de son ressort territorial ;

Attendu par contre qu’aucune Ordonnance rendue par le Premier Président de la Cour d’Appel d’Antananarivo autorisant ce déplacement n’a été versée au dossier ni communiquée à la concluante ;

Qu’il obvient de déclarer la saisie pratiquée le 15 Décembre 2016 à Brieville nulle et sans effet avec toutes conséquences de droit notamment la rétractation de l’Ordonnance de saisie n°283 du 17 Août 2016, et la mainlevée tant bien de la saisie arrêt que de la saisie conservatoire effectuées ;

AU FOND,

Attendu que la société MADAUTO se prévaut être créancière de la somme de MGA 1.096.465.961,18 auprès de la société KRAOMA ;

Que pourtant, les lettres de change émises par la requise résultent uniquement d’une relation existante entre elle et la société TCR SARL ;

Que la KRAOMA conteste énergiquement la prétendue créance invoquée par MADAUTO étant donné qu’elle a déjà honoré toutes ses créances et dettes envers la société TCR SARL dont notamment le paiement de toutes ses factures et comme preuve, jusqu’à ce jour, aucun différend n’existe entre la KRAOMA et la TCR ;

Que les lettres de change émises à l’époque à la TCR ont bel et bien été régularisées, probablement à l’insu de la société MADAUTO, par ordres de virement effectués ultérieurement par la KRAOMA ; que cette dernière n’est débitrice d’aucune somme d’argent envers la société TCR ;

Que néanmoins, la KRAOMA n’a jamais pu récupérer ces traites ; en effet, lorsque l’échéance arrivait à son terme et après relance de la société TCR SARL qui ne les a pas présentées au paiement, la KRAOMA a effectué directement des ordres de virement en sa faveur ;

Que d’ailleurs, la société TCR dans sa lettre en date du 05 Avril 2017 reconnait entièrement le paiement de la somme de 2.100.000.000 Ariary virée sur son compte bancaire par le débit du compte de la société KRAOMA;

Qu’il est inconcevable de la part de TCR d’affirmer que la régularisation de la somme de 2.100.000.000 Ariary n’était pas considérée comme règlement de traite qui demeure jusqu’à ce jour impayé alors que la contrepartie de ces lettres de change ne peut être que les factures présentées par la société TCR après service fait et rien de plus ;

Que si TCR dénie que lesdits paiements correspondent uniquement à des règlements de factures et non au règlement de traite, la société KRAOMA se pose la question : quelles ont été les obligations fournies en contrepartie de ces traites,

Et puisque l’article 1131 du Code Civil dispose que « l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet » ; dans ce cas, il appartient à la société MADAUTO d’en apporter la preuve ;

Quant aux traites qui ont fait l’objet de protêt faute de paiement et de dénonciation de protêt d’un montant respectif de 764 432 972,02 Ariary composés de 08 lettres de change et d’une traite d’un montant de 300 000 000 Ariary, la société KRAOMA affirme en vertu des ordres de virement effectués leur paiement intégral avec d’autres factures remises ultérieurement ;

Il convient de remarquer que le montant des traites correspond indubitablement aux factures remises par la société TCR et en vertu de ses prestations ; la mauvaise foi de la société TCR est dès lors manifeste : afin de régulariser ses impayés auprès de la société MADAUTO, et malgré les sommes considérables qui lui ont été virées par la société KRAOMA, la TCR a encore endossé les traites émises par cette dernière en faveur de la société MADAUTO au lieu de payer directement ses dettes auprès de la MADAUTO ;

En conséquence, MADAUTO pour se prévaloir de sa créance, ne peut que s’adresser à la société TCR, son débiteur en relation d’affaires directe afin de régulariser sa situation ;

Elle verse alors au dossier :

 

  • Cinq ordres de virement respectivement en date des 27 et 28Avril 2016, en date des 27 Mai 2016, 07 Juillet 2016 et 03 Août 2016 ;
  • Une demande de virement en date du 29 Avril 2016 ;
  • Neuf lettres de change : n°34615-016, N°36408-009, N°34609-010, N°34611-012, N°34612-013, N°34613-014, N°34614-015, N° 34610-011, N°33165-222 ;
  • Une lettre en date du 03 Septembre 2015 ;
  • Une lettre du 10 Novembre 2015 ;
  • Une lettre du 27 Janvier 2016 ;
  • Un récapitulatif des factures de la société TCR d’un montant de 764 432 972, 02 Ariary ;
  • 49 factures de la société TCR relatives aux traites émises par la société KRAOMA ;
  • Une lettre en date du 08 Décembre 2015 ;
  • Un récapitulatif des factures de la TCR SARL ;
  • Les lettres de change n°223 et 222 ;
  • 24 factures de la société TCR relatives aux traites émises par la société

KRAOMA ;

  • Un récapitulatif des mouvements de paiement de la société TCR en 2017 et en 2018 ;
  • Ordres de virement de la société KRAOMA à la société TCR en 2017 et en 2018 ;
  • Six avis de débit de la société KRAOMA en faveur de la société TCR ;

 

En réponse, la société MADAUTO excipe ce qui suit :

 

Sur l’exception de nullité, attendu qu’il est de principe en droit qu’il n’y a pas de nullité sans texte et cela est confirmé par l’article 18 du Code de Procédure civile ; que d’ailleurs, l’article 139 du même Code prévoit expressément les cas de nullité en ce qui concerne les exploits et significations ;

 

Attendu en outre que la loi n°2005-034 dispose en son article 17 que « tout acte et exploit d’huissiers de justice ou de commissaires priseurs a un caractère authentique et font foi jusqu’à inscription de faux » ;

 

Que la KRAOMA reconnait expressément que mention de l’Ordonnance ayant autorisé l’huissier instrumentaire a été faite dans l’exploit contesté, sans pour autant apporter la preuve d’une quelconque inscription en faux ;

 

Que l’exception soulevée ne peut prospérer ; qu’il échet par conséquent de la rejeter ;

Sur le fond, les prétentions de la KRAOMA démontrent sa pure mauvaise foi ; en effet, par courrier en date du 05 Avril 2017 adressé à la société MADAUTO, la société TCR confirme avoir reçu de la KRAOMITA les ordres de virement dans le cadre de règlements de factures mais « en aucun cas ( …) comme règlement de traite » ;

D’ailleurs, la KRAOMA prétend que les ordres de virement dont elle se prévaut correspondent au paiement de factures en régularisation des lettres de change litigieuses sans en apporter la preuve ;

 

Pour s’en convaincre, il suffit de lire la pièce déposée par le Conseil de la société Kraomita Malagasy, l’ordre de virement en date du 07 Juillet 2016 d’un montant de MGA 100 000 000 avait été fait en paiement d’une partie de la facture n°085-16/EL du 18-05- 16 ; alors que dans la liste des factures produites par elle et qui selon ses dires ont déjà été payées, ladite facture n’y est pas mentionnée ;

 

Par ailleurs, la société KRAOMA SA, bien qu’étant une société commerciale, semble ne pas connaître ou ignore sciemment les dispositions du Code de commerce applicable à Madagascar en ses articles 118 relatif à l’endossement d’une lettre de change et 148 relatif au recours en faute de paiement ;

 

Pour conforter ses dires, la société MADAUTO verse au dossier :

 

  • Un relevé des comptes en date du 20 Juillet 2016 ;
  • Une sommation de payer du 22 Juillet 2016 ;
  • Un protêt faute de paiement en date du 20 Juillet 2016 pour obtenir paiement de la lettre de change d’un total de 764.432.972,02 Ariary ;
  • Un protêt faute de paiement en date du 20 Juillet 2016 pour obtenir paiement de la lettre de change n°33165 222 d’un total de 300 000 000 Ariary ;
  • Dénonciations de protêt faute de paiement en date du 20 Juillet 2016 auprès de la requise pour paiement des traites retournées ;
  • Une signification commandement avec procès-verbal de saisie conservatoire en date du 15 Décembre 2016 ;
  • L’Ordonnance n°283 du 17 Août 2016 ;
  • Une lettre en date du 05 Avril 2017 adressée à la société MADAUTO ayant pour objet « confirmation sur règlement facture par la société KRAOMA » ;


DISCUSSION

 

  • Sur la jonction

 

Les procédures n°224/16 et n°08/17 résultent des mêmes faits et mettent en cause les mêmes parties ;

 

Ainsi, afin de parer à d’éventuelles contrariétés de décisions de justice, il y a lieu d’en ordonner la jonction ;

 

  • Sur le fondement de la créance

 

L’article 51 de la loi sur la théorie générale des obligations prévoit que le débiteur est tenu d’exécuter son obligation dès lors que le créancier le prouve à moins qu’il ne se prétende libéré et justifie le fait ou le paiement ayant produit l’extinction de l’obligation, ou qu’il soit dispensé de l’exécuter par suite de la force majeure, sauf disposition contraire de la loi ou de l’acte générateur de l’obligation ;

 

Il résulte des faits de la cause que protêts faute de paiement ont été dressés par la société MADAUTO concernant les lettres de change émises par la société KRAOMA et portant les n°33165 222 BP d’une valeur de 300 000 000 Ariary, n°34608 009 BP, 34610 011 BP, 34612 013 BP, 34613 014 BP, 34614 015 BP, 34615 016 BP d’une valeur de 764 432 972,02 Ariary, , soit un total de 1 064 432 972,02 Ariary ;

 

La société KRAOMA, pour ne pas avoir à payer les traites querellées, oppose à la société MADAUTO l’exception selon laquelle elle s’est déjà acquittée de sa dette auprès de la société TCR ;

 

Or, en matière cambiaire, le principe est l’inopposabilité des exceptions énoncé en ces termes par l’article 121 du Code de commerce : « les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent opposer aux porteurs les exceptions fondées sur leur rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre n’ait agit sciemment au détriment du débiteur »

 

Ainsi, ce principe contraint le signataire de la traite, la société KRAOMA, à payer le porteur, la société MADAUTO, sans pouvoir invoquer un motif de non-paiement tiré de ses rapports fondamentaux avec la société TCR ;

 

De ce qui précède, il convient de condamner la société KRAOMA à payer la somme de 1 064 432 972,02 Ariary au principal à la société MADAUTO ;

 

  • Sur la validité de la saisie conservatoire

 

L’article 15 de la loi n°2005-034 du 20 Février 2006 portant statut des Huissiers et Commissaires-priseurs de Madagascar requiert une Ordonnance rendue par le Premier Président de la Cour d’Appel compétent pour tout huissier désirant accomplir des actes de son ministère en dehors de son ressort territorial ;

 

Dans le cas d’espèce, l’huissier ayant procédé à la saisie conservatoire des biens meubles de la société KRAOMA se trouvant à Brieville est en exercice à Antananarivo ;

 

Puisqu’aucune Ordonnance rendue par le Premier Président de la Cour d’Appel d’Antananarivo n’a été versée au dossier, la saisie conservatoire pratiquée le 15 Décembre 2016 à Brieville est de ce fait nulle et sans effet ; dès lors, il convient d’en ordonner la mainlevée ;

 

  • Sur la validité de la saisie arrêt

 

La requérante a été autorisée en vertu de l’Ordonnance n°283 du 17 Août 2016 rendue par le Vice-Président du Tribunal de Commerce d’Antananarivo à pratiquer la saisie -arrêt sur tous les comptes ouverts au nom de la société KRAOMA, dans toutes les banques sur le territoire de la République de Madagascar ;

 

Le Code de Procédure Civile dispose en son article 665 : « Dans la quinzaine de l’exploit de saisie, sauf les délais de distance, le créancier saisissant le signifie à la partie saisie, et, par le même acte, cite celle -ci à comparaître à jour indiqué, devant le tribunal de son domicile pour voir déclarer valable la saisie et s’entendre condamner à paiement » ;

Dans le cas d’espèce, l’exploit de saisie a été effectué le 19 Août 2016 et la présente instance introduite le 31 Août 2016 ; alors, la saisie arrêt effectuée est régulière ;

Dès lors, il convient d’ordonner à tous tiers saisis de remettre à la société MADAUTO les sommes saisies arrêtées entre leurs mains et ce jusqu’à concurrence de somme de 1 064 432 972,02 Ariary au principal ;

 

  • Sur les dommages intérêts

 

L’article 193 de la loi sur la théorie générale des obligations articule qu’en cas de retard dans l’exécution d’une obligation de payer une somme d’argent, le créancier a le droit d’exiger du débiteur, outre les intérêts moratoires, des dommages -intérêts compensatoires pour tout préjudice supplémentaire, même s’il résulte du seul retard, à moins que dans ce dernier cas, le débiteur ne prouve sa bonne foi;

 

Dans le cas d’espèce, il est avéré que la non-exécution de son obligation de paiement par la société KRAOMA a privé la société MADAUTO du pouvoir de mobiliser son crédit ; de ce fait, il convient de condamner KRAOMA à des dommages intérêts ;

 

Toutefois, le quantum demandé apparaît exagéré de telle sorte qu’il convient de le ramener à sa juste proportion soit à la somme de 110 000 000 Ariary ;

 

  • Sur l’exécution provisoire

 

Il est certain que la défaillance de la partie défenderesse dans l’exécution de son obligation, affecte sérieusement la trésorerie de la société demanderesse, compte tenu de l’importance et de l’ancienneté de la somme réclamée ;

 

Aussi, l’insolvabilité de la société KRAOMA, ressortant de l’examen du dossier, met-elle en péril le recouvrement de la créance ;

L’urgence spécifiée par l’article 190 du code de procédure civile se trouve ainsi caractérisée ;

Ainsi, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement, jusqu’à concurrence de la créance principale.

P A R C E S  M O T I F S ,

 

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort ;

  • Déclare l’exception de nullité fondée ;
  • Dit que la saisie conservatoire pratiquée le 15 Décembre 2016 à Brieville est nulle et sans effet ;
  • Ordonne en conséquence sa mainlevée ;
  • Déclare la créance de la société MADAUTO envers la société Kraomita Malagasy fondée ;
  • Condamne la société Kraomita Malagasy à payer la somme de 1 064 432 972,02 Ariary outre les frais et accessoires à venir à la société MADAUTO ;
  • Déclare la saisie arrêt pratiquée le 19 Août 2016 régulière et valable ;
  • Ordonne en conséquence à tous tiers saisis de remettre à la société MADAUTO les sommes saisies arrêtées entre leurs mains et ce jusqu’à concurrence de la somme de 1 064 432 972,02 Ariary au principal, outre les intérêts de droit ;
  • Condamne la société KRAOMA à payer la somme de 110 000 000 Ariary à la société MADAUTO à titre de dommages intérêts ;
  • Dit qu’il y a exécution provisoire du présent jugement jusqu’à concurrence de la somme de 1 064 432 972,02 Ariary ;
  • Met les frais d’instance à la charge de la société KRAOMA dont distraction au profit de Me Manamihaja Ratrimoarivony , Avocat aux offres de droit ;

 

Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jours, mois et an que dessus.

 

Et la minute du présent jugement a été signée par le PRESIDENT et le GREFFIER, après lecture